TOKYO, Japon - Les JO de Tokyo mettent les commanditaires japonais sous pression, face à une opinion publique locale majoritairement réticente à cause de la pandémie de COVID-19 et au risque d'un huis clos, même s'ils espèrent toujours profiter d'une exposition en mondovision durant l'événement.

Une soixantaine de COMMANDITAIRES locaux (dont Asics, Canon, Fujitsu...) ont injecté 3,3 milliards de dollars, un montant inédit pour des JO. Et parmi les partenaires majeurs du programme TOP, engagés sur plusieurs olympiades, figurent les géants nippons Toyota, Panasonic et Bridgestone.

Tous scrutent anxieusement l'évolution de la situation et l'immense majorité d'entre eux est attentiste.

« Une partie de la frustration de la population est dirigée contre les athlètes, ce qui nous attriste en tant que commanditaire [...]. Honnêtement, nous nous demandons chaque jour ce qu'il faudrait faire », avait confessé le mois dernier Jun Nagata, directeur de la communication chez Toyota.

Pour la première fois, un partenaire officiel des JO, le quotidien japonais Asahi, a appelé la semaine dernière à l'annulation de l'événement en raison de la menace persistante de la COVID-19 au Japon, où le taux de vaccination est encore très faible.

Le grand journal japonais de gauche a aussi dénoncé la « nature égoïste » du Comité international olympique (CIO) semblant désireux d'organiser les JO à tout prix, en dépit des craintes de la population locale.

« Très compliqué »

Certains patrons de grandes entreprises japonaises non associées à l'événement ont déjà tiré à boulets rouges: maintenir les JO serait une « mission suicide », a notamment lancé le PDG et fondateur de Rakuten, Hiroshi Mikitani.

Soutenir ouvertement les Jeux est « très compliqué » en ce moment pour les sponsors japonais, constate Norm O'Reilly, directeur de l'International Institute for Sport Business & Leadership de l'université de Guelph (Canada).

« Je leur conseillerais de rester concentrés sur leur soutien aux athlètes », déclare-t-il à l'AFP.

Ayant déjà renoncé en mars au public venant de l'étranger, les organisateurs des JO de Tokyo (23 juillet-8 août) doivent encore se prononcer ce mois-ci sur les spectateurs résidant au Japon. Une jauge très réduite, voire un huis clos, sont des options probables.

Si cela devait encore creuser le déficit budgétaire des Jeux, l'impact devrait en revanche être « très limité » pour les principaux commanditaires, qui misent davantage sur leur exposition durant l'événement auprès de milliards de personnes via la télévision et le streaming, selon M. O'Reilly.

« Dans la plupart des pays, les gens attendent désespérément la fin de la pandémie et un retour à une certaine vie normale, donc vu sous cet angle, je pense que l'intérêt (pour les JO, ndlr) sera très élevé, et c'est ce que les commanditaires veulent », estime-t-il.

Trouver le bon dosage

Pour Taisuke Matsumoto, avocat d'affaires spécialiste du sport et enseignant à l'université Waseda à Tokyo, les plus petits commanditaires japonais seraient « les plus affectés » par un huis clos ou des conditions proches.

Car au Japon, « la distribution de billets gratuits est un outil très efficace pour les commanditaires dans leurs relations publiques » avec leurs clients et partenaires professionnels, explique-t-il à l'AFP.

Les entreprises, dont le parrainage olympique se limite à Tokyo 2020, n'ont presque « pas pu mener leurs activités promotionnelles » liées à l'événement l'an dernier à cause de son report, ni jusqu'à présent en raison des inquiétudes persistantes, ajoute M. Matsumoto.

Un retournement des sponsors locaux contre les JO est toutefois improbable, selon lui: « je pense que le cas de l'Asahi est une exception. Il a publié son éditorial en tant qu'organe de presse, et non en tant que partenaire officiel » des JO.

Des traits culturels japonais, comme le souci de « l'harmonie » et de la retenue, font aussi que les commanditaires locaux ne devraient pas s'opposer individuellement aux JO, selon M. Matsumoto.

« Je pense que les commanditaires se demandent encore comment appréhender la COVID-19, tout en communiquant sur des histoires sportives inspirantes », résume John Davis, consultant en stratégie de marque et du sport, interrogé par l'AFP. 

« Ce n'est pas une formule facile à trouver. Mais cela ne veut pas dire qu'il faut éviter » de la chercher.