TOKYO - Le 1er juin 2019. C'est à cette date qu'est montée Laurence Vincent-Lapointe pour la dernière fois dans un canoë pour une course individuelle. Elle l'admet : mercredi, sur les eaux du Canal de la Forêt de la mer, à Tokyo, elle a dû chasser la nervosité.

« J'étais très nerveuse. Je crois que c'est normal: ça fait non seulement deux ans que je n'ai pas livré une course, mais c'est aussi la première fois que le canoë féminin est aux Jeux olympiques. Que tu le veuilles ou non, même si tu ne veux pas y penser, ça te trotte toujours un peu en tête.

« Sur la ligne de départ, je me suis dit : "Peux-tu juste penser à la course?". Ça fait quand même plusieurs mois, un an et demi, que je suis avec mon psychologue et chaque fois, on travaille à demeurer concentré sur mon bateau, sur ce que je fais, plutôt que sur les autres (compétitrices). Je pense que j'ai bien géré. »

Et comment: après avoir été tenue à l'écart par une suspension pour dopage, dont elle a été blanchie, et la pandémie, la sextuple championne du monde de la distance a signé un temps de 45,408 secondes, deuxième meilleur temps des qualifications, pour remporter sa vague et accéder directement aux demi-finales.

« Je suis satisfaite. Je ne savais pas à quoi m'attendre de mes compétitrices, mais je savais que j'avais une vague très forte. Je me suis concentrée sur moi. Je suis partie avec un bon départ. Dès le début, j'ai vu que j'avais pris un peu d'avance. Je me suis appliquée à demeurer forte jusqu'à la fin. »

Sa compatriote Katie Vincent, avec qui elle disputera le C2 500 m, vendredi, a également remporté sa vague de qualifications, en 46,391, pour rejoindre sa coéquipière en demi-finales. Les deux premières embarcations de chaque vague accédaient directement aux demi-finales.

Vincent-Lapointe aura une forte compétition à ces Jeux. La jeune championne du monde en titre, l'Américaine Nevin Harrison, âgée de 19 ans seulement, a rapidement affiché ses couleurs. Elle a remporté sa vague en 44,938 secondes, établissant au passage une nouvelle marque olympique.

La Trifluvienne de 29 ans détient la marque mondiale sur la distance, un chrono de 44,504 secondes, établi à Szeged, en Hongrie, en 2018. Elle n'a encore jamais affronté l'Américaine. Et même si elle ne se préoccupe pas des autres compétitrices, elle garde un oeil sur ce qui se passe.

« On sait toujours un peu qui devrait être les plus fortes dans notre vague : ce matin, je savais que la Russe (Olesia Romasenko, aussi qualifiée) allait être forte, car je suis souvent montée sur le podium avec elle. Je note ça. Mais (Harrison) et moi n'étions pas dans la même course. Nous verrons dans la demi-finale et la finale comment nous nous mesurons. »

Seule autre femme en lice mercredi, Michelle Russell, de Fall River, en Nouvelle-Écosse, s'est aussi qualifiée pour les demi-finales du K1 500 m en terminant troisième de son quart de finale, dernier rang donnant accès aux courses de jeudi.

 

Une présence acceptée

L'histoire de Vincent-Lapointe est largement documentée. Même si elle a été blanchie de tous soupçons, certaines compétitrices pourraient être choquées par sa présence. Elle assure ne pas avoir ressenti cela jusqu'ici.

« La plupart d'entre elles semblent être en paix avec ma présence ici. Plusieurs sont venues me dire qu'elles sont heureuses pour moi. Certainement qu'il y en a qui ne m'ont pas parlé jusqu'ici. Peut-être sont-elles fâchées ou tout simplement dans leur bulle. Mais j'ai prouvé que j'avais ma place ici. Si certaines sont frustrées de cela, il n'y a rien que je puisse faire. »

Au fond d'elle, elle n'a jamais douté qu'elle y serait.

« Il y a des moments où j'aurais pu penser que je n'y serais pas, mais au fond de moi, j'ai toujours cru que j'allais y être. Depuis qu'ils ont annoncé l'ajout du canoë féminin en fait, je crois que je serai ici. »

Et elle ne compte pas bouder son plaisir.

« Je pense qu'on écrit l'histoire, et ce n'est pas la première fois que je vis cela. J'étais là en 2010 pour les premiers Championnats du monde et j'ai donné ce que j'avais à donner à ce moment-là. Je vais tout donner ce que j'ai jusqu'à la fin. »