Le système sportif du Canada dans le rouge
Une gagnante de plusieurs médailles et porte-drapeau du Canada lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Pékin est endettée.
Isabelle Weidemann n'était pas à l'aise de dire à quel point elle est dans le rouge. L'Ottavienne de 29 ans paie pour des choses que sa fédération sportive nationale ne peut plus se permettre.
« Même à ce haut niveau, avec trois médailles olympiques et comme porte-drapeau, l'espoir est qu'après, vous n'aurez pas à passer des années à vous sortir du trou, a déclaré Weidemann.
« Penser que nous avons du mal à faire l'épicerie, à entretenir l'équipement ou à acheter des produits de première nécessité, toutes ces dépenses juste pour pouvoir rivaliser avec le reste du monde, il y a un tel écart. »
Le chef de la direction de Patinage de vitesse Canada, Joe Morissette, a reconnu que son organisation avait fait des compressions.
« Pendant de nombreuses années, nous avons reculé dans certains domaines, a-t-il déclaré. Si le financement stagne, nous ne pouvons pas faire grand-chose. »
La dernière augmentation du financement fédéral de base pour les 62 organismes nationaux de sport (ONS) d'été et d'hiver du Canada remonte à 2005.
Le financement de base est l'argent sur lequel tous les ONS comptent pour financer leurs opérations, leurs athlètes, leurs entraîneurs et leur personnel de soutien. Le directeur général de Freestyle Canada, Peter Judge, l'a qualifié de « sang dans les veines » de son organisation.
C'est différent de l'argent de l'organisme À nous le podium, qui est destiné aux sports avec un potentiel de médaille.
À un an des Jeux de Milan-Cortina, en Italie, les athlètes canadiens remportent des Coupes du monde chaque fin de semaine dans plusieurs sports. Mais de nombreux dirigeants sportifs affirment que ces résultats ne sont pas durables en raison du manque de financement.
« Ce que vous voyez, c'est le reste du sang pompé dans les veines, a déclaré Judge. Nous avons un déficit de 600 000 $ cette année et nous devrons probablement recommencer l'année prochaine. Sinon, nous commençons simplement à licencier des gens.
« Nous n'avons plus que la peau sur les os. »
La réduction des services destinés aux athlètes de haut niveau, comme la réduction des repas payés pendant les déplacements et l'accès réduit à un médecin d'équipe sur la route, ainsi que la diminution du soutien à la prochaine génération, étaient des thèmes récurrents. Deux décennies d'inflation depuis 2005 ont été citées comme facteur aggravant.
Les comités olympique et paralympique canadiens ont fait pression au nom des ONS pour obtenir une augmentation de 104 millions $ du financement de base annuel en 2024.
L'argent n'a pas été versé, même si les athlètes ont reçu une augmentation de 23 pour cent de leurs chèques mensuels du Programme d'aide aux athlètes (PAA), de 1765 $ par mois à environ 2170 $.
Cette augmentation passe dans les coûts d'entraînement et de compétitions plus élevés, ainsi que par une augmentation des « frais d'équipe », que les athlètes paient à leurs fédérations.
Les bobeurs déboursent entre 20 000 $ et 60 000 $ de leurs propres poches pour financer Bobsleigh Canada Skeleton, ce qui, selon le directeur exécutif, Kien Tran, représente une multiplication par cinq par rapport à l'année précédente.
Si je pouvais résumer, à cause de ce manque de financement, il faut maintenant payer pour pratiquer des sports au Canada, a dit Tran. Ça incombe aux athlètes. Vous n'aurez peut-être pas les meilleurs athlètes. Vous aurez peut-être les meilleurs athlètes qui peuvent se le permettre.»
Patinage de vitesse Canada a légèrement réduit les frais d'équipe, mais «nous avons également refilé de nombreux nouveaux coûts à nos participants», a déclaré Morissette.
Le COC et le CPC exercent encore une fois des pressions auprès du gouvernement fédéral au nom des ONS. La demande porte désormais sur une augmentation annuelle de 144 millions $ du financement de base dans le budget 2025.
Un sondage montre que 80 % des ONS font l'impasse sur des compétitions auxquelles leurs athlètes participeraient normalement, 70 % ont suspendu, réduit ou éliminé leurs programmes, 90% ont réduit ou éliminé les camps d'entraînement et 80 % ont augmenté les frais d'inscription des athlètes, a déclaré David Shoemaker, président et chef de la direction du COC.
«Ce n'est pas une hypothèse. Nous avons demandé à Deloitte de mener une étude, et nous en sommes maintenant au point où les prévisions de Deloitte montrent que ces ONS connaîtront un déficit global de 329 millions $ au cours des cinq prochaines années», a déclaré Shoemaker.
La politique fédérale est en pleine évolution et des élections pourraient entraîner un septième changement de ministre des Sports en huit ans.
« Notre gouvernement demeure déterminé à soutenir nos organisations nationales de sport (ONS) et les athlètes qui nous inspirent, peut-on lire dans un communiqué du cabinet du ministre fédéral des Sports, Terry Duguid, nommé en décembre. Nous sommes conscients du défi financier auquel ils sont confrontés, notamment la hausse des coûts d'entraînement et de compétition. »
La championne olympique de ski acrobatique Cassie Sharpe et la patineuse de vitesse Ivanie Blondin sont alarmées par ce qu'elles voient lorsqu'elles regardent par-dessus leur épaule.
« Les athlètes B et C de l'équipe nationale sont sur le circuit national pour participer aux Coupes du monde et aux Championnats du monde, mais le budget pour les vols et l'hébergement est beaucoup plus petit », a déclaré Sharpe.
Patinage de vitesse Canada envoyait auparavant un contingent complet de 24 patineurs aux Coupes du monde de longue piste. Désormais, ils ne sont plus que 16.
« Nous voyons beaucoup de jeunes athlètes talentueux perdre leur motivation parce que l'ONS n'a pas les moyens et les fonds pour pouvoir les envoyer à des événements internationaux ou les envoyer en camps d'entraînement », a déclaré Blondin.
Shoemaker a affirmé que le gouvernement pourrait diriger davantage de revenus provenant des paris sportifs vers les ONS. Un rapport de Deloitte publié en 2024 indiquait que la deuxième année de jeu réglementé en Ontario à elle seule avait généré 380 millions $de revenus pour le gouvernement fédéral.
« Ces recettes fiscales pourraient largement couvrir ce dont nous avons besoin en tant que contribution au système sportif national », a déclaré Shoemaker.
Les quatre piliers de revenus d'une OSN sont les frais d'inscription, le parrainage d'entreprise, l'organisation d'événements et le financement gouvernemental.
Les sports à participation massive, comme le hockey et le soccer, peuvent augmenter les cotisations des membres pour compenser le déficit de financement. Dans un sport de niche comme la luge, la situation est désastreuse.
« Vous trouvez toujours un moyen de vous en sortir. J'en suis au point où je ne sais plus où aller, a déclaré Tim Farstad, PDG de Luge Canada. Je suis ici depuis 20 ans et je n'ai jamais ressenti cela auparavant. Les athlètes ne paient pas seulement leur voyage. Ils doivent payer pour que nous ayons une organisation. »
Le parrainage d'entreprise est une tâche plus difficile à gérer à la fois dans un contexte de prolifération de ligues professionnelles et de ce que l'on appelle une crise du sport sécuritaire au Canada.
Les manchettes sensationnelles, notamment le scandale d'espionnage par drone de Canada Soccer lors des Jeux olympiques de l'année dernière et le traitement par Hockey Canada des allégations d'agression sexuelle contre des membres de son équipe de hockey junior de 2018, ont un effet d'entraînement.
« Nous essayons tous de trouver des commanditaires. Il y a ce genre de sentiment en ce moment au Canada, vous savez, "le sport canadien, est-ce qu'on leur fait encore confiance?" Chaque fois que ces choses se produisent, cela nous fait tous tomber d'un cran, a déclaré Farstad.
« Le gouvernement ne comprend pas à quel point la situation est critique en ce moment. Ce n'est pas seulement nous qui demandons encore plus d'argent. Nous sommes au bout du rouleau. »