TOKYO - À moins de 48 heures du coup d'envoi de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Tokyo, c'est bien davantage les risques que fait courir l'événement sur la santé des Japonais plutôt que l'ambiance festive et la fierté nationale qui retiennent l'attention.

Dans le quartier d'Ikebukuro, l'un des plus dynamiques de Tokyo avec ses détaillants de mode, ses restaurants de cuisine gastronomique et ses complexes de divertissement, difficile de percevoir un engouement pour les Jeux. Pas de fanions ou de drapeaux au logo Tokyo 2020. Tellement qu'aux yeux de plusieurs Tokyoïtes, il s'agit des « Jeux fantômes ».

On ne peut guère leur reprocher puisqu'ils en seront tenus à l'écart, un huis clos presque complet ayant été décrété dans la foulée d'une décision du gouvernement japonais de réinstaurer l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 22 août.

« L'humeur des Japonais est un mélange d'indignation et de déception », analyse M. Benoit Hardy-Chartrand, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM en politique étrangère et géopolitique de la région, qui est installé à Tokyo depuis plus de cinq ans.

« L'indignation face au fait que le gouvernement est allé de l'avant avec les Jeux olympiques malgré l'opposition nette de la population. Et profonde déception face à ce concours de circonstances qui fait en sorte que cet événement qui aurait dû être une immense fête nationale se déroulera maintenant sans ambiance olympique. »

Si l'opposition d'une majorité de Japonais à la tenue des Jeux a donné lieu à des manifestations ces derniers mois et qu'une pétition en ligne a même recueilli plus de 350 000 signatures, elle s'est désormais transformée en indifférence.

« Il y a eu plusieurs petites manifestations de mécontentement, mais rien de trop gros. On parle plutôt de petits rassemblements », a ajouté M. Hardy-Chartrand dans un échange de courriels avec La Presse Canadienne.

Le Japon, avec environ seulement 34 % de la population ayant reçu au moins une dose du vaccin, redoute une résurgence des cas de contamination à la COVID-19, notamment en raison du variant Delta.

Dans un récent sondage du journal Asahi, 68 % des personnes interrogées ont exprimé des doutes sur la capacité des organisateurs à tenir des Jeux « sûrs ».

Pour le gouvernement de Yoshihide Suga, qui a décidé de maintenir les Jeux au mépris des mises en garde des experts médicaux et de l'opposition de la majorité des Japonais, les prochaines semaines seront déterminantes, estime M. Hardy-Chartrand.

« Clairement, la tenue des JO va avoir des retombées politiques pour le gouvernement Suga. Celui-ci doit absolument déclarer des élections d'ici octobre, et les JO vont certainement peser lourd dans la balance. S'ils se déroulent sans problème, ça pourrait l'aider lors des élections, mais pour l'instant, ça augure plutôt mal, puisque sa cote de popularité vient de descendre à son plus bas, à 35 %. Sa survie politique dépendra donc des Jeux. »