TOKYO – Est-ce que les Jeux olympiques de Tokyo auront lieu, malgré l'opposition populaire et la pandémie de coronavirus?

La réponse est presque assurément 'oui'.

Le réputé membre du Comité international olympique, Richard Pound, a été catégorique à ce sujet dans un entretien accordé à un quotidien britannique.

« S'il n'y a pas d'Armageddon, ces Jeux auront lieu », a dit Pound au quotidien Evening Standard.

Le président du CIO, Thomas Bach, qui a été contraint d'annuler sa visite à Tokyo il y a quelques semaines à cause de l'état d'urgence en vigueur à Tokyo, a prédit qu'environ 80 % des résidents du Village des athlètes auront été vaccinés. Environ 15 000 athlètes olympiques et paralympiques, en plus du personnel de soutien, cohabiteront dans une bulle qui englobera le village, les sites d'entraînement et les installations olympiques.

Ça signifie qu'environ 3000 personnes ou plus pourraient séjourner dans le village sans avoir été vaccinées.

Pound espère que tous les participants aux JO seront vaccinés.

« Je crois que tous les efforts seront déployés pour que les gens soient vaccinés, a dit Pound. Personnellement, je crois qu'il faut être fou pour ne pas être vacciné et se rendre à un endroit situé à proximité de l'épicentre (de la pandémie, à Wuhan, en Chine). »

Tokyo est présentement en état d'urgence sanitaire, mais le vice-président du Comité international olympique, John Coates, a indiqué que les JO se mettront en branle le 23 juillet - qu'il y ait un état d'urgence sanitaire en vigueur ou non. Les participants n'ont pas l'obligation d'être vaccinés, bien que Pound a fait remarquer que cela pourrait être appelé à changer.

« J'ignore s'ils y réfléchissent, mais le Japon pourrait très bien dire : 'Vous ne pouvez entrer au Japon si vous n'êtes pas vacciné' », a mentionné le Canadien.

Pour illustrer ce point, l'équipe australienne de softball - le premier groupe d'athlètes en provenance de l'étranger à s'établir au Japon - est arrivée à Tokyo mardi.

Les préparatifs olympiques vont donc bon train. Mais pourquoi?

Il y a des milliards de dollars qui sont en jeu, un contrat qui favorise sans contredit le CIO, et la décision du gouvernement japonais de garder le cap, ce qui pourrait permettre au premier ministre Yoshihide Suga de conserver son poste.

Ces éléments ont fait taire les critiques formulées ces dernières semaines par les représentants de la santé au Japon, qui craignent que les Jeux olympiques puissent faciliter la propagation des variants de la COVID-19. D'ailleurs, le quotidien japonais 'Asahi Shimbun', un commanditaire des JO et le deuxième plus grand quotidien du pays, a déjà demandé l'annulation pure et simple de l'événement. Et le Département d'État américain a émis un avertissement de niveau 4 pour dissuader ses ressortissants « à se rendre au Japon puisque Tokyo et d'autres secteurs sont en état d'urgence jusqu'au 20 juin ».

Et il y a l'aspect économique. Le Japon a déjà officiellement défrayé 15,4 milliards $ pour les JO, même si le bureau vérificateur général estime que c'est bien plus en réalité. De plus, seule une portion de 6,7 milliards $ de ce moment sera épongée par le secteur privé. Enfin, la Chine, rivale éternelle du Japon, doit accueillir les Jeux olympiques d'hiver de 2022 six mois après ceux de Tokyo, et pourrait voler la vedette au Japon si Tokyo échoue à le faire.

Le CIO, un OSBL établi en Suisse, a le gros bout du bâton dans ce dossier en vertu du fameux 'contrat de la ville hôtesse', et il ne fait aucun doute qu'il ne veut pas l'annulation des JO puisque ça lui ferait perdre des milliards de dollars en droits de télédiffusion et ententes commerciales.

Bien sûr, le gouvernement japonais pourrait annuler les JO. Ce serait alors un désastre de relations publiques pour le CIO puisqu'il devrait alors se retrouver à poursuivre Tokyo - et probablement qu'une entente derrière des portes closes serait conclue pour régler le différend.

Suga a donc décidé de garder le cap, malgré l'opposition.

« En somme, la machine a été mise en marche pour que ça se concrétise et tout le monde a passé le point de non-retour d'un point de vue politique », a évoqué la Dre Aki Tonami, qui enseigne les relations internationales à l'Université de Tsukuba, dans un échange de courriels avec l'Associated Press.

« Le système japonais n'est tout simplement pas adapté pour effectuer de tels virages à 180 degrés dans un dossier aussi avancé », a-t-il ajouté.

Et Pound a ajouté que Suga aurait changé son fusil d'épaule si les JO n'étaient pas sécuritaires.

« Quel intérêt aurait le premier ministre à exposer les Japonais et les visiteurs étrangers à un risque élevé (d'infection) à cause des JO?, a-t-il questionné. Il n'y en a aucun. S'ils y voient un certain risque, alors ils le diront et agiront en conséquence. Mais ça n'est pas le cas jusqu'ici. Ils disent: 'Nous croyons que nous pouvons y arriver sans augmenter le facteur de risque, grâce aux recommandations scientifiques qui nous ont été soumises'. »

« Donc, allons de l'avant avec notre plan », a-t-il conclu.