L'équipe formée de Penny Oleksiak, Rebecca Smith, Kayla Sanchez et Maggie Mac Neil a raflé l'argent 

Qu'est-ce qui change dans une vie entre 16 et 21 ans? Pratiquement tout.

Penny Oleksiak a franchi la courbe mentale, émotionnelle et sociale de beaucoup d'adolescents qui passent à l'âge adulte, tout en portant avec elle le titre de championne olympique et de multimédaillée.

Mettre en perspective ses exploits en tant que prodige de 16 ans à Rio de Janeiro, en 2016, a pris du temps et du travail.

À 21 ans, Oleksiak a une vision plus mature de ce succès que lorsqu'elle avait 17 ou 18 ans, lorsqu'elle se demandait pourquoi elle ne nageait pas toujours aussi vite.

Quand son entraîneur lui dit qu'elle peut nager plus vite dans la piscine et qu'une personne qu'elle ne connaît pas lui dit le même jour qu'elle est une héroïne nationale, Oleksiak se sent mieux outillée pour analyser les deux scénarios.

« J'ai un filtre, a mentionné Oleksiak à La Presse Canadienne. J'essaie de l'équilibrer davantage. »

La pandémie de COVID-19 a reporté les Jeux de Tokyo d'une année, ce qui a donné à Oleksiak une année supplémentaire pour prendre de la maturité, mais elle a aussi été privée d'occasions de participer à des courses.

Les Jeux olympiques seront les premières épreuves internationales d'Oleksiak depuis les courses de la Pro Series à Knoxville, en janvier 2020, soit il y a un an et demi.

La pandémie était un élément de plus dans l'assiette d'une jeune femme déjà occupée à vieillir tout en s'efforçant de rester parmi les nageuses les plus rapides au monde.

« J'ai eu l'impression que c'était la période la plus longue de tous les temps, a affirmé Oleksiak. J'ai l'impression d'avoir vieilli de 15 ans. J'ai l'impression que j'ai vécu plus de choses dans les quatre ou cinq dernières années que lors des 15 années précédentes. J'ai le sentiment que j'ai beaucoup appris, notamment sur moi. Ç'a simplement été une grande expérience d'apprentissage de cinq ans. »

D'inconnue à star

Pendant cette période, Oleksiak s'est attaquée aux rites de passage de la vie. Elle a quitté la maison familiale pour s'installer dans son propre appartement à Toronto et a commencé à fréquenter Adnan Begovic, un joueur de basketball de l'Université Wilfrid Laurier.

Elle s'est liée d'amitié avec la vedette canadienne de tennis Bianca Andreescu et le légendaire nageur américain Michael Phelps.

Oleksiak détenait une puissance brute dans un corps en forme de torpille, plus de six pieds de long et effilé avec des hanches fines et des épaules fortes, lorsqu'elle a explosé sur la scène de la natation à Rio, en 2016.

Elle était pratiquement inconnue parce qu'elle n'avait pas participé aux Jeux panaméricains de Toronto ou aux Championnats du monde, en 2015.

Rio, Oleksiak a égalé l'Américaine Simone Manuel pour l'obtention de la médaille d'or à l'épreuve féminine du 100 mètres style libre, établissant au passage un record olympique. Elle a gagné la médaille d'argent au 100 mètres papillon et elle était la tête d'affiche de l'équipe canadienne au relais, qui a décroché deux médailles de bronze.

La première Canadienne à remporter quatre médailles à des Jeux d'été et la plus jeune championne olympique du Canada a ensuite dû composer avec son succès soudain et aussi à se faire battre, parfois par ses propres coéquipières, lors de courses internationales suivantes.

« Quand tu es une jeune femme, un jeune homme ou un jeune et que tu vas à des Jeux olympiques et que tu as un énorme succès à 16 ans, c'est en fait très intimidant à partir de ce moment-là, a déclaré John Atkinson, le directeur de haute performance de Natation Canada. Du jour au lendemain, son monde a changé. Elle a grandi pour faire face aux montagnes russes de la vie et du sport. »

 

Pause salutaire

Après avoir été blanchie lors des courses individuelles des Jeux du Commonwealth, en 2018, Oleksiak a pris une pause de la natation.

Elle a été dirigée avec soin lors des Championnats du monde en Corée du Sud, en 2019.

Oleksiak ne s'était pas qualifiée au 100 mètres papillon lors des essais nationaux, mais elle l'a fait au 200 mètres style libre, une compétition à laquelle elle n'avait pas pris part à Rio.

Oleksiak a réussi un record personnel et elle a terminé sixième à sa première finale internationale au 200 mètres style libre.

Elle, son entraîneur Ben Titley et Atkinson ont ensuite pris la décision de la retirer du 100 mètres style libre pour qu'elle se concentre sur les relais.

« Nous nous disions de ne pas nous soucier du 100 mètres style libre, même si à première vue ça semble étrange. J'imagine que c'était une question d'entrer dans le 200 mètres style libre sans la même pression qu'elle aurait au 100 mètres, a expliqué Atkinson.

Oleksiak et ses coéquipières ont remporté une médaille de bronze dans les deux relais style libre et au relais quatre nages individuel pour établir une première pour les Canadiennes: des podiums dans les trois disciplines aux Championnats du monde.

Lors du relais 4 x 200 mètres style libre, Atkinson a indiqué qu'Oleksiak avait affiché le deuxième temps le plus rapide parmi les 32 nageuses à avoir pris part à la course.

Oleksiak est revenue de Gwangju avec la confiance de pouvoir nager rapidement. Puis, la COVID-19 est arrivée.

Émulation

Son point de repère pendant la pandémie était son groupe d'entraînement au Centre sportif panaméricain de Toronto.

Ce groupe comprenait quelques-unes des nageuses les plus rapides au monde, soit Kylie Masse, Taylor Ruck et Sidney Pickrem.

« Personne ne se laisse vraiment aller, a exprimé Oleksiak. Tout le monde est pratiquement toujours concentré. »

Elle a choisi de ne pas participer à l'International Swimming League à Budapest, tard en 2020. Oleksiak a expliqué qu'elle ne voulait pas interrompre sa préparation pour Tokyo dans une piscine de 50 mètres à Toronto pour concourir dans une piscine de 25 mètres.

Son temps victorieux de 52,89 secondes au 100 mètres style libre, le 22 juin lors des essais canadiens, était le plus rapide d'Oleksiak depuis la marque de 52,70 secondes établie par Manuel et elle à Rio.

Reproduire le succès olympique est rare parce que l'athlète, les compétiteurs et le sport changent au cours des années suivantes, explique la psychologue du sport de Calgary Penny Werthner, qui travaille avec les équipes nationales et olympiques du Canada depuis 1985.

« Les gens qui ne sont pas dans les tranchées du sport de haut niveau ne voient que la partie télévisée et ils pensent que c'est facile, a-t-elle soutenu. Ce n'est pas facile de gagner une médaille ou de participer à une finale. Ceux qui sont réellement capables de reproduire ça dans d'autres Jeux, c'est en fait assez incroyable. »

Oleksiak participera aux épreuves de 100 mètres et de 200 mètres style libre à Tokyo. Elle est un rouage important de l'équipe canadienne de relais, qui sera de la finale du 4x100 mètres, dimanche.

Pour avoir du succès à Tokyo, elle a l'intention de s'appuyer sur son entraînement et sur l'expérience qu'elle possède maintenant et qu'elle n'avait pas en 2016.

« Sachant que j'ai cette énorme partie de l'entraînement, que nous avons travaillé si dur toute l'année, que nous nous sommes vraiment concentrés sur beaucoup de petites choses et que nous devenons les meilleurs athlètes que nous puissions tous être, je pense que c'est ce que je suis et je vais m'appuyer sur ça cet été. Je vais simplement essayer de me rappeler que j'ai déjà fourni les efforts et ce qui arrivera, arrivera », a conclu Oleksiak.