Catherine Beauchemin-Pinard remporte une médaille de bronze à Tokyo

Catherine Beauchemin-Pinard avait de grandes attentes aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro. En quelques minutes, tout a déraillé.

La judoka de St-Hubert, alors âgée de 22 ans, a reçu un shido, une pénalité pour manque d'agressivité, après quatre minutes d'action contre la Hongroise Hedvig Karakas.

C'est la seule chose qui a séparé les deux athlètes dans ce combat.

Impossible de perdre par une plus petite marge au judo. Celle qui était alors la septième tête de série du tableau des 57 kg - et un espoir de médaille pour le Canada  - venait de voir son rêve olympique s'envoler.

« Je ne pense pas que d'être une tête de série m'ait dérangée à Rio. Mais je ne pensais pas que pour ma journée de compétition, j'allais être aussi nerveuse, a-t-elle admis en entrevue à La Presse Canadienne. Je n'étais pas préparée au stress que j'allais vivre. »

« Je pense que le fait que ça n'arrive qu'une fois aux quatre ans, que c'est gros, les JO, et que tu te demandes si tu vas y retourner. On dirait qu'en ne l'ayant pas vécu une fois, c'est difficile de se faire une idée de comment ça va se passer, à quoi ça va ressembler. (?) Ce n'est pas une compétition comme les autres. »

Beauchemin-Pinard se retrouve un peu dans la même situation cette fois-ci: septième au monde, elle est la quatrième tête de série du tournoi olympique dans la très relevée division des 63 kg.

« C'est clair que je me sens beaucoup plus préparée cette fois-ci que je ne l'étais à Rio. C'est clair que ce bagage-là va m'apporter quelque chose. »

Surtout que la route vers Tokyo n'a pas été de tout repos.

En vue des Jeux de Rio, Beauchemin-Pinard et son équipe ont fait le choix de baisser de division pour se battre à 57 kg. Pour ses deuxièmes Jeux, elle a choisi de retourner à 63 kg, malgré toutes les embûches que cela allait lui apporter.

Beauchemin-Pinard avait de plus en plus de mal à faire le poids à 57 kg. Les diètes se devaient d'être de plus en plus sévères. Son corps y répondait mal et elle n'éprouvait plus le même plaisir.

« Ce n'était plus sain. Je n'avais plus de bons résultats tant j'arrivais fatiguée aux compétitions. »

« Je voulais quand même demeurer chez les 57 kg et j'ai essayé pendant un an de le faire. J'ai fait de grosses pertes de poids: éliminer 10 kg en un mois, de la déshydratation de 4-5 kg. force de faire ça, c'était de plus en plus dur. J'ai travaillé avec une nutritionniste et une psychologue en nutrition qui m'ont fait réaliser que les 57 kg, ce n'était plus pour moi. »

« Je faisais tellement de diètes extrêmes que j'en perdais du muscle. Je devenais plus grasse en fait, aussi ridicule que ça puisse paraître. Ce n'était vraiment plus sain. Quand j'ai changé de division de poids, tout ça s'est stabilisé, j'ai repris de la masse musculaire. »

Renouer avec la sérénité

Elle a pris sa décision en marge des Mondiaux 2017.

« Au fil des compétitions et en discutant avec ma nutritionniste. Je me suis assise avec elle et je lui ai demandé comment je pouvais continuer de pratiquer mon sport tout en étant heureuse à cette division de poids. Elle m'a répondu qu'elle ne croyait pas que c'était possible! »

« J'essayais de perdre mon poids pour (les Championnats du monde) et, après un mois de diète, je pesais encore 63 kg. J'étais obligée de faire mon poids, car j'étais sélectionnée à 57 kg. Je ne pouvais pas passer à 63 pour les Mondiaux. Je me suis donc assise avec mon équipe et après les Mondiaux, j'allais changer de division. Ça a été ma perte de poids la plus dure! »

Une fois la source de son manque d'entrain identifiée, elle n'était pas au bout de ses peines. Aux yeux de Judo Canada, Beauchemin-Pinard était une athlète de pointe à 57 kg. 63 kg, la fédération nationale demandait des résultats probants avant de recommencer à financer l'athlète pour un autre cycle olympique.

« Quand j'ai changé de catégorie, il fallait que je refasse mes preuves face à Judo Canada. Mes frais de compétitions n'étaient plus couverts par la fédération, donc j'ai payé mes deux premières compétitions. Je devais aussi obtenir un résultat minimal - un podium - afin que les frais de mes prochaines compétitions soient payés. »

« J'avais un an pour accomplir cet objectif. J'avais déjà le poids, ne restait qu'à obtenir des résultats. (?) Je n'avais aucun classement, alors mon premier objectif était de retrouver le top-20 mondial. Ç'a été assez vite. Je n'ai jamais vraiment douté de moi. J'ai vu ça comme une nouvelle aventure, un nouveau défi. Je mangeais plus sainement et je pouvais être plus heureuse de m'entraîner au lieu de m'entraîner pour perdre du poids. Je pouvais m'entraîner pour faire du judo! »

« J'ai donc fait les tournois de Croatie et Tashkent seule, sans entraîneur. Ç'a été un bon investissement, car j'ai terminé troisième à Tashkent. Je suis donc rembarquée sur le `payroll'! »

En plus du judo, son moral s'est replacé. Et la passionnée de cuisine s'en est donné à coeur joie!

« C'est clair que j'ai redécouvert le plaisir de manger! Avec toutes les diètes que j'avais faites dans le passé, j'avais développé un problème alimentaire. Ma relation avec la nourriture n'était pas saine et j'avais beaucoup d'aliments qui m'étaient interdits. Avec le changement de division, j'ai continué de travailler avec ma psychologue en nutrition, Judy Richardson, car je devais réapprendre à gérer ma nourriture, comment écouter mes signaux de faim. Je les avais tellement ignorés que je ne savais plus ce qu'était d'avoir faim ou non. »

L'étudiante en comptabilité à l'UQAM aborde donc ses prochains Jeux _ elle ne sait pas encore s'ils seront ses derniers - avec sérénité et des objectifs précis.

« J'ai été super déçue à Rio, où je voulais un podium, alors je me vois sur le podium à Tokyo. Ma dernière tournée a tellement bien été. J'ai fait première, troisième, et d'autres bons résultats. Je me suis super bien battue contre les deux premières au monde. Je me vois mal viser moins et souvent, quand je vise moins, ça ne va pas bien! Alors autant viser une médaille. »