Le 5 décembre 2017, le CIO avait suspendu le Comité olympique russe. Suivant les conclusions du rapport de Richard McLaren, le CIO avait procédé à la réanalyse des échantillons des athlètes russes et avait reconnu que 43 d’entre eux avaient violé les règles antidopage durant les Jeux de Sotchi. En conséquence, tous leurs résultats ont été annulés et leurs médailles retirées. Le CIO les a également suspendus à vie de toute participation future aux Jeux olympiques. Les athlètes visés figuraient parmi les plus grands noms des sports hivernaux.

À la fin du mois de décembre 2017, 39 athlètes russes ont porté cette décision en appel devant le Tribunal arbitral du sport (TAS). La semaine dernière, une audience de 6 jours s’est tenue à Genève pour examiner l'appel de ces athlètes. La décision du TAS a été rendue aujourd’hui, laquelle a annulé la suspension à vie de 28 athlètes, mais maintenu partiellement celle de 11 athlètes.

Pourquoi les arbitres ont rendu cette décision?

Les arbitres devaient uniquement trancher sur les 39 cas individuels et évaluer les preuves qui s’appliquaient spécifiquement à ces athlètes. L’existence d’un système de dopage institutionnalisé à Sotchi n’était donc pas la question en litige.

Pour la première fois depuis la publication de son rapport, Richard McLaren a été contre-interrogé sur ses conclusions. Par ailleurs, les arbitres ont pu entendre le témoignage du docteur Grigory Rodchenkov, chef de laboratoire des Jeux de Sotchi. 

Les arbitres ont conclu que la preuve présentée par le CIO devait être appréciée différemment  en fonction de toutes les circonstances du cas d'espèce. Ces derniers ont jugé que les preuves recueillies dans 28 cas étaient insuffisantes pour établir qu’ils avaient commis une violation des règles antidopage. D’ailleurs, le TAS a requis un degré de preuve plus élevé qu’à l’habitude.Toutefois, ils ont jugé que les preuves disponibles dans 11 cas étaient satisfaisantes pour établir une violation.

Que signifie cette décision pour les athlètes?

Les appels de 28 athlètes sont donc confirmés, les sanctions annulées et les résultats individuels obtenus sont rétablis. Quant aux 11 athlètes dont la suspension a été partiellement maintenue, cela signifie que leurs sanctions demeurent en vigueur et que leurs résultats à Sotchi ne sont pas rétablis. Spécifions que ces 11 athlètes seront seulement inéligibles pour les Jeux de Pyeongchang alors que leur suspension à vie de toute participation future aux olympiques est annulée. 

Est-ce que les 28 athlètes pourront participer aux Jeux de Pyeongchang?

L’annulation de la suspension ne signifie pas pour autant que ces derniers sont innocentés et qu’ils pourront participer aux Jeux de Pyeongchang. Encore faut-il que le CIO les invite à leurs Jeux. La décision du TAS n’accorde donc pas aux athlètes un laissez-passer pour les Jeux, elle ne fait que les déclarer éligibles à recevoir une invitation du CIO. Ces derniers doivent tout de même se soumettre aux exigences du CIO quant à leur admissibilité et attendre une invitation officielle. Il est possible que certains athlètes, dont la suspension a été annulée, se voient malgré tout refuser l’accès aux Jeux. La bataille ne fait donc que commencer.

Le CIO est une entité privée gouvernée par le droit suisse et il détient pleine discrétion pour décider qui il invite aux Jeux, et ce, nonobstant la décision du TAS. C’est le CIO qui a le dernier mot et il peut en décider autrement, n’étant  pas contraint par la décision du TAS. Ainsi, l’invitation aux Jeux relève du pouvoir de l’organisme responsable de la manifestation.

Si les athlètes obtiennent une invitation, ils pourront participer aux Jeux dans une tenue affichant « Athlètes olympiques de Russie » et ils pourront défiler sous le drapeau olympique. S’ils sont concernés par des cérémonies, c’est l'hymne olympique qui sera joué et non russe.

Quels sont les recours possibles pour les athlètes qui ne seront pas été invités par le CIO?

Ces athlètes peuvent faire appel de cette décision auprès de la division ad hoc du TAS, car il s’agit d’une question d’admissibilité aux Jeux. La chambre ad hoc du TAS est une instance arbitrale indépendante siégeant pendant les Olympiques pour trancher rapidement et définitivement  des questions relatives à l’application des règles liées à la tenue des Jeux. C’est d’ailleurs grâce à une procédure d’injonction accordée par la division ad hoc du TAS lors des Jeux olympiques de Salt Lake City en 2002 que les patineurs David Pelletier et Jamie Sale se sont vus décerner la médaille d'or après que le Canada eut contesté le travail de la juge Française Marie-Reine Le Gougne en raison de son implication dans une affaire de collusion avec le clan russe lors de l'épreuve de patinage couple.