En août 2016, Therese Johauga subi des coups de soleil aigus sur ses lèvres durant une séance d’entraînement en altitude en Italie. En vertu du contrat liant Johaug à son équipe nationale, cette dernière a l’obligation de consulter le médecin de l’équipe nationale de ski pour tout traitement. Ce médecin lui avait alors fourni un tube de Trofodermin pour traiter ses brûlures et Johaug avait utilisé cette crème du 4 au 15 septembre 2016. Spécifions que le médecin lui avait personnellement donné le tube de Trofodermin dans son emballage d’origine, lequel comportait un avertissement clair, soit une inscription sur la boîte qui indiquait : « Doping » (Produit dopant).

Or, le 16 septembre 2016,  Johaug a subi un test de contrôle antidopage hors compétition qui révélait la présence d'un métabolite de Clostebol. Les ingrédients figurant sur l'emballage du Trofodermin comprenaient le Clostebol, un agent anabolisant se trouvant sur la Liste des interdictions de l'Agence antidopage mondiale (AMA) et dont l’usage est prohibé en tout temps, à l'intérieur et à l'extérieur de compétition.

Le 10 février 2017, le tribunal d'arbitrage du Comité norvégien des Jeux olympiques et paralympiques a sanctionné Johaug pour une période de 13 mois rétroactivement au 18 octobre 2016, date à laquelle elle avait été provisoirement suspendue.

Le 6 mars 2017, la Fédération internationale de ski (FIS) avait fait appel de cette sanction, la considérant trop légère. La FIS avait alors déposé un recours auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS) en réclamant une période d'inéligibilité plus sévère allant entre 16 et 20 mois.

Le 22 août dernier, le TAS a rendu une sentence arbitrale et a conclu que Johaug devait purger une suspension de 18 mois qui prendra fin en avril 2017. Ce faisant, l’athlète norvégienne ratera les Jeux olympiques d'hiver de 2018.

Pourquoi une telle sentence a été rendue à l’encontre de Therese Johaug?

Conformément à l'art. 2.1.1 du Code Mondial Antidopage (CMA), il incombe à chaque athlète de veiller à ce qu'aucune substance interdite ne pénètre dans son corps. Les sportifs sont responsables de toute substance interdite présente dans leurs échantillons. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que l'intention, la faute, la négligence ou l'usage conscient de la part de l'athlète soit démontré afin d'établir une violation antidopage.

Le principe de la responsabilité objective a évolué pour que les agences antidopage et les fédérations sportives n’aient pas le fardeau de prouver l’intention liée à l’infraction. Bien qu’ils puissent être contestés, les résultats de l’analyse scientifique sont présumés être valables. Le fardeau de preuve incombera alors à l’athlète dans l’élaboration de sa défense. Le test de la responsabilité stricte peut sembler injuste dans certaines circonstances notamment lorsque l'athlète a pris des médicaments suivant de mauvais conseils de son médecin, dans le cas d’un mauvais étiquetage sur un supplément ou médicament ou encore dans un contexte où l'athlète se voit administrer des médicaments dans un pays étranger lorsque malade.  Chaque cas est analysé soit par l’Agence antidopage ou par le tribunal, dépendamment des circonstances individuelles en cas d’ingestion accidentelle, erronée ou résultante de négligence. En l’espèce, Johaug avait utilisé cette crème pour traiter ses brûlures et elle n’avait pas forcément l’intention de se doper.

Cela dit, une fois que le contrôle de dopage démontre que la substance interdite était effectivement présente dans le corps de l'athlète, le fardeau de la preuve incombe à ce dernier pour réfuter cette présomption.  Ici, le dossier est particulier puisque Johaug avait une obligation contractuelle envers son équipe nationale de consulter son médecin pour tout traitement médical, ce qu’elle a fait. Le médecin lui a personnellement fourni une crème dont l’emballage présentait une indication claire que le produit se trouvait sur la liste des substances interdites par l’AMA. À première vue, la responsabilité du médecin semble évidente. D’ailleurs,  le médecin de l’équipe nationalea endossé l’entière responsabilité et a même démissionné de ses fonctions. Si le médecin savait ou devait raisonnablement savoir que le produit était interdit, il aurait dû prescrire à Johaug une autre solution ou à défaut, lui proposer de présenter une demande d’autorisations d'usage à des fins thérapeutiques (AUT) pour qu’elle puisse utiliser cette substance interdite sans commettre de violation antidopage. Précisons toutefois que les AUT ne sont pas automatiques. Elles ne seront autorisées que dans certains cas, notamment lorsque l'athlète peut démontrer qu’il subira un préjudice considérable sur sa santé si la substance interdite n’est pas administrée ou s’il n'existe aucune autre option thérapeutique autorisée pouvant se substituer à la substance interdite.

Un peu comme Maria Sharapova, Johaug alléguait que sa responsabilité devait être exclue en raison de la négligence de son médecin. Le problème est que Johaug a aussi la responsabilité de s’assurer qu'aucune substance interdite ne pénètre dans son corps et de faire les vérifications adéquates en ce sens. À ce niveau, Johaug a été particulièrement négligente, car l’avertissement sur la boîte était clair. Il est vrai que le médecin a manqué de diligence, mais Johaug aurait dû faire preuve d’une plus grande prudence et faire des recherches plus approfondies lorsqu’elle a vu le sigle « Doping » sur l’emballage. Elle ne pouvait pas faire fi de cette information et utilisé aveuglement le produit au seul motif que son médecin l’avait approuvé.

De telle sorte que sa négligence a résulté en une infraction d'une règle antidopage, et ce, même si cette violation n'était pas intentionnelle.Bien que le principe de responsabilité objective prévoit une violation automatique des règles antidopage dès qu'une substance interdite est décelée, il offre néanmoins une certaine souplesse lors de l'examen de la sanction.Normalement, une violation aux règles antidopage entraîne une suspension de quatre ans. Par contre, un athlète peut voir sa suspension réduite s’il établit son droit à la réduction de la sanction. Puisque les faits démontrent que la faute n’était pas entièrement imputable à Johaug, elle n’a pas été suspendue pour 4 ans.

Il sera intéressant de voir les développements futurs dans ce dossier. D'ailleurs, il ne serait pas étonnant que des poursuites en responsabilité civile soient intentées contre le médecin pour sa négligence.  Mentionnons que Johaug avait gagné la médailled'or aux Jeux de Vancouver en 2010 et qu’elle a été nommée sept fois championne du monde. Elle est l’une des athlètes les mieux payées en ski de fond et elle est très populaire en Norvège. Si elle décidait d’instituer un recours contre le médecin, elle pourrait lui réclamer une somme considérable d’argent pour l’indemniser de tous les dommages subis. Pensons notamment aux gains manqués lors des prochains Jeux et à la perte potentielle de commanditaires. Ceci étant, il y aurait sans doute un partage de responsabilité considérant que Johaug a elle-même été négligente dans cette affaire.