BOKWANG, République de Corée - Installé en retrait des journalistes au bas du parcours des bosses du Parc à neige Phoenix mercredi soir, l'ex-champion olympique Jean-Luc Brassard trépignait pour se réchauffer tout en observant attentivement les bosseurs à l'entraînement.

Brassard, qui est maintenant âgé de 45 ans, sera le commentateur à la télévision de Radio-Canada pour les épreuves des bosses et des sauts aux Jeux olympiques de Pyeongchang. Pour lui, il ne fait aucun doute que Mikaël Kingsbury sera le favori pour l'emporter chez les hommes.

« Le Japonais Ikuma Horishima, qui a gagné à Mont-Tremblant en janvier, on l'avait vu aller l'an dernier aux Mondiaux de Sierra Nevada, où il avait gagné aussi, a d'abord évoqué Brassard. On sait qu'il s'illustre particulièrement dans les parcours plus faciles, comme celui de Tremblant. Mais ça, ici, c'est un parcours qui est beaucoup plus difficile.

« Les bosses sont grosses, on le sent, et juste à les entendre skier on sait que c'est beaucoup plus ferme, alors ça fait une rupture évidente dans le style des compétiteurs, a ajouté le médaillé d'or aux Jeux de Lillehammer en 1994. Jusqu'à présent, à l'entraînement, Mikaël est le seul qui parvient à se rendre jusqu'au bas de la piste avec une belle "run", et même le seul qui se rend en bas tout court. C'est un bon parcours olympique.

« Mentalement, je ne vois pas de problème. Il (Kingsbury) semble dans son élément, donc ça devrait aller », a-t-il poursuivi.

Brassard a également noté que le parcours olympique sud-coréen n'est pas le plus long de la saison, puisque celui de Deer Valley le surpasse, mais qu'il se distingue des autres pistes dites « modernes ».

« Ça fait longtemps que je n'ai pas vu un parcours comme celui-ci, a-t-il dit. Habituellement, les nouveaux parcours sont très gauche-droite, alors que celui-ci est doté de bosses assez grosses, ce qui devrait jouer en faveur de Mikaël, parce qu'il a une bonne capacité d'absorption. Les bosses vont continuer d'évoluer au cours des prochains jours, au fur et à mesure que les athlètes vont passer dedans, mais il fait tellement froid que ça n'ira pas en devenant plus mou. »

D'ailleurs, le médaillé d'or olympique (1994) et double champion du monde en bosses croit que la température sibérienne des derniers jours à Pyeongchang contribuera à aider la cause de Kingsbury.

« Il y a beaucoup d'humidité dans l'air ainsi que dans la neige, ce qui fait que durant la nuit ça fige, a-t-il expliqué. Ce sera une difficulté supplémentaire, en plus de la compétition elle-même, mais l'avantage c'est qu'il n'y aura pas vraiment de fluctuation au niveau de la piste. Ce sera vraiment une compétition entre individus, ce qui est bien. »

Ces propos ont été corroborés par Kingsbury lui-même quelques minutes plus tard.

« (La piste) est raide, mais c'est bon pour moi car j'aime ces conditions-là, a-t-il évoqué. Ça ressemble beaucoup aux conditions du Québec, et aussi à celles de Deer Valley. J'ai bien performé là-bas - il a balayé les deux courses de la Coupe du monde. Donc pour l'instant il s'agit seulement d'être constant. Et ça va bien présentement. »

Un phénomène d'émulation?

Brassard a également été invité à discuter des chances des bosseurs canadiens de grimper sur le podium en Corée du Sud. Bien qu'il soit demeuré prudent quant à la possibilité que deux représentants du pays montent sur le podium, il n'exclut pas un phénomène d'entraînement.

« La compétition est forte, a mentionné Brassard. Je n'ai pas encore parlé aux juges ici, mais le mot d'ordre c'est d'être très sévère, parce que sinon il n'y aura pas suffisamment de différences entre les athlètes. Ce sera le seul moyen de faire la différence dans tout ça.

« Phil (Marquis), c'est un cas particulier, à cause de son genou. On va voir ce qui va se passer - on lui souhaite le meilleur, car déjà qu'il soit ici c'est un exploit -, mais pour les deux autres (Mikaël et Marc-Antoine Gagnon) on a déjà vu par le passé un phénomène d'émulation, a rappelé Brassard. Mikaël pourrait tirer Marc-Antoine vers le haut, et ça pourrait provoquer de super-belles performances. Mais il faudra attendre. Il y a toujours des surprises aux Jeux. »

Quant à savoir si la compétition lui manquait, vingt ans après ses derniers jeux à Nagano en 1998, Brassard assure qu'il n'en est rien.

« Je regarde la pente, et je n'ai pas le goût d'y être, a-t-il reconnu, humblement. Est-ce que je m'ennuie d'être dans le portillon de départ? Oui. C'est comme regarder un match de la finale de la Coupe Stanley. J'aimerais être sur la glace pour le septième match, mais je sais aussi à quel point c'est dur et à quel point il faut faire des sacrifices pour se rendre-là. Donc, je ne m'ennuie pas de ça. »

Au-delà du négatif des JO