PARIS (AFP) - Il y avait la scène et les coulisses: derrière le champion adulé de ski alpin, Alberto Tomba a alimenté dans les années 80 et 90 une époque de l'Italie, celle du sport-spectacle, de la télévision-paillette et de l'argent facile.

Belle gueule et hâbleur, d'une vacuité insondable selon ses détracteurs, Tomba n'a fait que grossir, à la loupe de sa démesure, les défauts culturels que les Italiens sont prêts à assumer.

"C'était un personnage. Il a changé le rapport du ski avec le monde, il est devenu emblématique du champion du ski", rectifie un témoin de son épopée.

Issu d'une famille aisée de San Lazzero di Savena, dans la périphérie de Bologne, Tomba a sans délai détonné dans un milieu que s'apprêtait à quitter le Suédois Ingemar Stenmark, aussi froid dans la manifestation de ses joies qu'implacable dans ses victoires.

"Il parlait comme les jeunes de son temps. Paresseux mentalement, il s'est donné un régime de vie à travers le sport", ajoute le même témoin. Sinon, l'Emilien n'aurait été qu'un de ces fils à papa (à maman serait plus exact) que Federico Fellini avait mis en scène dans les Vitelloni un quart de siècle plus tôt.

Festival à l'écoute

Le phénomène prit toute son ampleur un soir de février 1988 quand le Festival de la chanson de San Remo, une institution, dut abandonner une heure de direct télévisé à la seconde manche du slalom qui couronna la nouvelle star des planches, quelques jours après une première médaille d'or en slalom géant.

"Avec un tel nom, il n'a aucun avenir", avait sentencié un journaliste sportif. Mais il y avait le prénom. "Alberto, comme Alberta (Etat de l'Ouest canadien dont Calgary, siège des JO 1988, est le chef-lieu), et Albertville, ville des JO 1992", se souvient le triple champion olympique.

La Fédération italienne de sports d'hiver (FISI) lui offrit une structure privée, avec comme entraîneur Gustavo Thöni, le chef de file de la "valanga azzurra" ("avalanche azur") qui avait porté l'Italie au sommet du ski alpin au début des années 70.

Tomba moissonna 50 victoires en Coupe du monde tout en récitant son show. Et il dégela Thöni, taciturne invétéré au temps de sa splendeur sportive.

Pour la presse en tous genres de la péninsule, Tomba fut une aubaine. "A Val-d'Isère, durant les Jeux d'Albertville (France), l'intérêt n'était pas seulement sportif. Il fallait suivre le feuilleton de sa liaison avec l'ex-Miss Italie martina Colombarire", rappelle un journaliste.

Alliance parfaite de la technique et de l'explosivité, d'où son surnom de "la bomba", le Grand Albert (Albertone) n'était pas qu'un fêtard doué. Quand il travaillait, il n'amusait pas le terrain. Il fut, à entendre les techniciens de la firme Rossignol, un metteur au point remarquable, "très pointu sur la connaissance des skis".
Fidèle à son image, Tomba, après des essais infructueux au cinéma, continue de faire le Tomba à l'aube de la quarantaine. Homme-image de quelques grandes marques et de Torino-2006.