Guerriers emblématiques au passé commun tumultueux, l'Irlandais Paul O'Connell et le Canadien Jamie Cudmore se retrouvent cette fois sur le « ring » de la Coupe du monde de rugby samedi à Cardiff.

Capitaines de leur sélection respective, ces deux hommes, classés dans la catégorie « pénible », vont se croiser pour le traditionnel tirage au sort d'avant-match mais c'est bien sur le terrain qu'on attend leurs retrouvailles, sept ans après leur accrochage mémorable de Thomond Park à Limerick (Irlande).

 

Vétérans du combat

Et dire qu'ils étaient déjà là en 2003! Cudmore (37 ans) et O'Connell (35 ans), deuxièmes lignes de métier mais souvent en première ligne quand il s'agit de brasser, concasser son adversaire, faire mal.

Un travail de l'ombre, féroce, admiré par beaucoup, détesté aussi par d'autres pour les coups bas utilisés pas aperçus par la patrouille.

Front large, sourcils épais, Cudmore (1,98 m, 116 kg), initialement bûcheron en Colombie-Britannique, a fait les 400 coups dans sa jeunesse et un peu de détention. Bagarreur notoire dans ses premières années en France (Castres de 2003 à 2005, Clermont depuis), il s'est assagi avec l'âge et à la suite de quelques commotions cérébrales, qui ont failli lui faire rater ce Mondial anglais.

Visage diaphane, éternel bandeau sur les oreilles, O'Connell (1,98 m, 112 kg), l'enfant bien élevé de Limerick, est le symbole du Munster, avec lequel il a tout gagné, mais aussi de l'Irlande (104 sél) et des Lions Britanniques (7 sél), qu'il a menés par la parole, l'intelligence et les actes en 2009.

Malgré trois Coupes du monde déjà au compteur, les deux gaillards ne se sont jamais affrontés sur la scène internationale, mais souvent en Coupe d'Europe.

 

La bataille de Thomond Park

Quel suiveur avisé du rugby européen ne se souvient pas de la bagarre qui a opposé les deux gaillards en novembre 2008 et les a fait rentrer dans une autre dimension.

Après un lancer en touche et une échauffourée somme toute classique, les deux colosses s'attrapent le maillot. S'ensuit un ballet de mains dans une lutte de colosses qui finit au sol par des coups de poings désordonnés.

Le public de Limerick, outré qu'on touche son protégé, influença-t-il l'arbitre anglais M. White à l'heure de la sentence? Actuel sélectionneur du XV du Trèfle, Joe Schmidt, à l'époque entraîneur adjoint de Clermont, s'est remémoré la scène jeudi en conférence de presse.

« Jamie a eu la pire des sanctions, un carton rouge et une suspension (cinq semaines). Paul a eu un jaune et a pu revenir sur le terrain », ironisa le technicien néo-zélandais, sous-entendant un traitement peu équitable de l'affaire.

 

Éloges guerrières

Depuis ces événements, les deux hommes ont à nouveau ferraillé l'un contre l'autre mais avec davantage de retenue et de respect.

« Jamie est un joueur formidable et la meilleure preuve est qu'il joue toujours à Clermont, qui est l'une des équipes les plus performantes en Europe depuis huit, neuf ans. Ce club peut recruter les meilleurs joueurs au monde mais Cudmore est toujours là, il a encore sa place dans l'équipe. On dirait même qu'il se bonifie avec l'âge », a plaisanté O'Connell.

« Pour ceux qui le connaissent mal, Jamie, c'est un téméraire mais aussi un des meilleurs gars que vous pourriez rencontrer », estime pour sa part Schmidt. « Si vous aviez besoin de quelqu'un à Clermont pour faire quelque chose, comme un acte de bienfaisance, une manifestation populaire, il était fantastique pour ça. »

Cudmore, lui, toujours rigolard et chambreur, relativise ces retrouvailles qui ne doivent pas masquer l'enjeu de ce premier match. « Paul est un joueur de qualité et un pur joueur de rubgy. Ce qui se passe sur le terrain reste sur le terrain et ensuite nous irons discuter et rire, quelque chose que j'apprécie vraiment. »

En attendant peut-être de remettre le couvert en top-14 à Clermont ou à Toulon, le terrain de jeu de Paul O'Connell après la Coupe du monde.