MONT-TREMBLANT, Qc – Mikaël Kingsbury prend tous les moyens pour se constituer une bulle sanitaire autour de lui afin de ne pas mettre en péril sa participation aux Jeux olympiques de Pékin. Quitte à ne pas voir sa copine d'ici son retour de la Chine.

Le champion olympique en titre des bosses a indiqué en marge de la Coupe du monde de Mont-Tremblant qu'il croisera l'élue de son coeur dans le village au pied des pentes, mais à distance et derrière un masque.

« On arrive bientôt au point de non-retour, où si je teste positif, je ne pourrai pas aller à Pékin, a-t-il expliqué jeudi, après sa dernière descente d'entraînement sur la piste Flying Mile. On fait vraiment attention à tout ce qu'on fait. En plus de la bulle de l'équipe canadienne, je me suis fait une bulle pour moi. Je suis prêt à encaisser ce coup et ne voir personne pour aller aux Jeux olympiques. (...) Dans le Temps des Fêtes, j'ai vu ma copine et ma famille un peu, mais jusqu'aux JO, je serai seul. »

Le bosseur de 29 ans devrait pourtant surfer sur une immense vague de bonheur d'ici à ce qu'il s'envole pour Pékin, où il tentera de défendre son titre olympique le samedi 5 février. Il doit plutôt gérer tout le stress engendrer par les mesures sanitaires pour endiguer Omicron.

« C'est certain que ce qui est poche là-dedans, c'est que je suis déjà qualifié. Normalement, ça devrait être amusant, je devrais pouvoir me concentrer sur des trucs que je veux faire sur la piste. C'est un peu ça qui se passe, mais c'est stressant, a-t-il admis. Tu veux faire confiance à ton monde, mais tu ne veux pas les empêcher de vivre pour toi. C'est la fois où j'ai le plus peur d'attraper la COVID. Je n'ai pas peur d'être malade : je suis en santé. J'ai plus peur de l'avoir et de ne pas pouvoir aller aux Jeux. »

C'est pourquoi il vit un peu en retrait du reste de l'équipe canadienne sur le circuit de la Coupe du monde.

« Je suis seul dans ma chambre. Je n'y vois que mon entraîneur (Michel Hamelin) et tous deux, on garde notre masque. Sinon, je fais tout seul.

« Ça n'affecte pas trop mon moral: j'ai ma Xbox avec moi, j'ai Facetime pour parler à mes proches et ma famille. Juste penser aller au resto ou entrer dans une épicerie... C'est difficile de faire confiance aux gens qui disent qu'ils sont négatifs et qui n'ont pas vu grand monde. C'est moins le 'fun' que d'habitude. »

Il admet d'ailleurs que tout le protocole sanitaire mis en place depuis deux ans affecte un peu sa motivation.

« J'adore ce que je fais, mais je suis 'tanné'. Je trouve ça lourd de faire autant de tests, de manquer des pans de ma vie : j'ai des nièces que je ne peux voir autant que je voudrais. Je suis certainement plus près de la fin de ma carrière que du début. Habituellement, j'ai plein d'amis et ma famille qui sont ici. Là, ils n'y seront pas. Il y a tellement de trucs à faire, tout est plus compliqué. Je ne pense pas refaire ça pendant quatre ans.

« J'ai encore la passion pour ce que je fais et je n'échangerais ma vie pour rien au monde. Mais par bout, je suis 'tanné' de tout ce qu'on doit faire entourant la COVID. »

La pandémie ne l'empêchera toutefois pas de prendre part aux deux étapes de la Coupe du monde de Deer Valley, la semaine prochaine.

« C'est toujours dans mes plans d'aller à Deer Valley, mais il va falloir que je fasse extrêmement attention dans mon déplacement. C'est certain qu'il y a une partie de moi qui pense à aller s'enfermer et n'avoir qu'un test négatif (avant les JO). Tout ce que je veux, c'est d'entrer dans le Village olympique. Une fois rendu là, je ne suis pas trop inquiet. C'est de s'y rendre qui sera difficile. Il faudra éviter plusieurs pièges.

« J'ai confiance en ce que je fais, mais il faut faire très attention et ce n'est pas agréable en tant qu'athlète de vivre tout ça. On n'a pas le choix de voyager et on arrive au moment où on veut être au sommet, mais je n'ai pas accès à un gym. Et même si je l'avais, je ne sais pas si j'irais. Je fais tout dans ma chambre: je déjeune, je fais mon échauffement, je dîne, je soupe, je fais mes traitements, je m'entraîne. Tout ça par moi-même. »

Position peu habituelle

Le compétiteur en lui ne peut s'empêcher de penser au globe de cristal, lui qui a dû y renoncer l'an dernier après une domination de neuf ans.

« Si je ne vais pas à Deer Valley, ce sont deux départs très importants que je manquerais. Ça prend un test négatif pour prendre l'avion: je fais confiance aux mesures. Tu mets ton masque, des gants et tu désinfectes tout ce qu'il y a autour de toi avant de t'endormir. Il ne faut juste pas faire ce que les influenceurs ont fait pour se rendre au Mexique! »

C'est très rare qu'on ne voie pas Kingsbury portant le maillot jaune de meneur du classement de la Coupe du monde. Kingsbury portera le dossard no 2 ce week-end, à tout le moins pour la première course de vendredi.

« C'est certain que le but, c'est de retrouver le maillot jaune. Ce serait cool! Je crois que c'est la première fois que je cours à Tremblant sans le maillot jaune. Pour vrai, ça ne change rien : le travail reste le même et au classement général, je ne suis qu'à huit points d'Ikuma (Hiroshima, le meneur avec 400 points).

« Je suis content des conditions de la piste et du travail qu'on a fait (à Tremblant). La dernière descente que je viens de faire, si je peux la répéter (vendredi), je serai difficile à battre. »

Voilà sûrement des mots que ses compétiteurs ne seront pas ravis de lire.

Kingsbury et le reste du plateau seront de retour dès samedi, pour une deuxième épreuve de bosses comptant au classement de la Coupe du monde.