RDS.ca vous propose une série de rencontres avec des athlètes québécois qui ont marqué l’histoire de leur sport à leur façon. Que font maintenant ces anciens athlètes de haut niveau? Nous débutons cette série avec l’ancienne grande skieuse, Mélanie Turgeon.

Il lui arrive encore parfois d’être reconnue. Comme par ce matin du mois de juin dans les Laurentides, alors qu’elle procédait à des tests de sol pour des travaux autour d’une fosse septique. « Êtes-vous Mélanie Turgeon… LA Mélanie Turgeon? »  

 

On peut comprendre la surprise de l’interlocuteur qui ne s’attend pas à retrouver dans ce contexte l’ancienne championne du monde de Ski Alpin.

 

Aujourd’hui âgée de 43 ans, Mélanie Turgeon, qui a été une battante sur les pistes de skis les plus rapides et difficiles du monde, travaille dur dans le monde de la construction. Elle est charpentière, menuisière, directrice de projet et s’occupe de nombreux autres dossiers pour la compagnie MNad CONSTRUCTION qu’elle possède avec son conjoint depuis quelques années. 

 

« Devenir ce que je suis maintenant a été un long processus après la carrière que j’ai eue » explique Mélanie Turgeon lors d’une entrevue téléphonique. « Il m’a fallu près de 20 ans pour devenir une championne du monde de ski. J’ai donc eu besoin d’également de beaucoup de temps pour me forger une nouvelle identité sans renier ce que j’avais fait auparavant. J’ai aussi du redécouvrir les choses qui m’animent maintenant, soit le goût de bâtir, de créer qui ont toujours été en moi. »

L'amour du ski alpin

 

Mélanie Turgeon rêve de descendre de nouveau un jour les pistes qui ont forgé sa renommée. « J’aimerais retourner skier à Innsbruck ou à Cortina d’Ampezzo, juste pour le plaisir. J’ai été chanceuse de visiter tous ces beaux coins en Europe. »

Il était une fois : Mélanie Turgeon, vedette montante

 

La vie d’athlète est souvent difficile, mais selon l’ancienne championne, ce n’est rien comparativement à ce que peut vivre le commun des mortels. « Le stress de la vie quotidienne est pas mal pire! Être athlète de haut niveau, c’est la plus belle “job” au monde! Les athlètes sont privilégiés malgré la pression, les blessures et les nombreux déplacements. »

 

Il a été difficile pour Mélanie Turgeon de tirer un trait sur sa vie d’athlète. Elle a dû surmonter des épisodes dépressifs pour arriver là où elle est aujourd’hui. Car elle a aimé ce sport qu’elle pratiquait depuis l’âge de 4 ans et par lesquels elle a atteint les plus hauts sommets : après avoir tout raflé chez les juniors (même dans les épreuves techniques!), la québécoise est sacrée championne du monde de descente en 2003 à St-Moritz, en Suisse. En Coupe du monde, elle récolte 8 podiums, dont une victoire acquise en Super-G à Innsbruck en Autriche le 26 février 2000. Lors de cette saison 2000, elle termine 2e du classement de la spécialité derrière l’autrichienne Renate Goetschl, gagnante du Globe de cristal. La skieuse de la région de Québec a aussi représenté son pays lors des Jeux Olympiques de Nagano en 1998 et de Salt Lake City en 2002, où elle a pris le 8e rang en descente. 

 

Malheureusement, les blessures ont empêché Mélanie Turgeon de défendre en 2005 son titre de championne du monde en plus de faire une croix sur la possibilité d’obtenir une médaille olympique lors des Jeux de Turin en 2006. Les maux de dos, qui l’ont accablée plus souvent qu’à son tour, l’ont forcée à prendre sa retraite en octobre 2005. « J’avais 30 ans, et j’avais de la difficulté à me pencher pour mettre des bas. Maintenant tout va bien. Après la fin de ma carrière de skieuse, il y avait moins de stress sur mon dos, qui a pu se reposer. J’ai suivi des traitements spécialisés et maintenant je peux traîner des matériaux et je peux encore skier! »

 

Le ski alpin fait encore partie de sa vie, modérément. Elle s’accorde annuellement entre 10 et 15 journées de ski, sur les sommets du Québec avec son conjoint. « C’est agréable, il faut vivre chaque virage, l’un après l’autre. On n’a pas le choix d’être dans le moment présent. C’est bon pour le moral. »

 

Les bons entraîneurs, et l'autre...

 

Les trophées de Mélanie Turgeon se trouvent actuellement dans quelques boîtes d’un entrepôt. Ils trouveront une place de choix lorsque l’ancienne championne aura aménagé une armoire spéciale dans sa nouvelle demeure de Mont-Tremblant. Un des honneurs qui la rend aussi fière ne peut toutefois se retrouver sur une étagère, puisqu’il s’agit d’une piste de ski qui porte son nom. En 2004, le Mont-Ste-Anne nommait la piste expert Mélanie-Turgeon en l’honneur de la skieuse locale. « C’est une grande fierté, c’est un honneur qui restera longtemps. »

6 octobre 2005, Mélanie Turgeon accroche ses skis

 

Mélanie Turgeon partage ses succès avec ses entraîneurs Serge Dugas et surtout, Piotr Jelen.

 

« Piotr est un homme en or avec un coeur immense », commente spontanément la skieuse à propos de l'entraîneur aujourd’hui attaché à l’Université de Montréal.

 

« Il a toujours cru en moi, il avait confiance en moi. Nous avons surmonté 1001 obstacles. Les équipes de ski de l’Allemagne et de l’Autriche nous regardaient aller et se demandaient comment nous pouvions obtenir d’aussi bons résultat avec si peu de ressources. »

 

La dynamique blonde ne cache pas qu’elle a eu de la chance de tomber sur ces entraîneurs de qualité, alors qu’au même moment, d’autres skieuses étaient abusées par Bertrand Charest.

 

« C’est épouvantable. Personne ne devrait subir pareil traitement, en particulier ces filles-là. Elles ne le méritaient pas. Pendant ces années, je les ai côtoyées sans savoir ce qu’elles avaient vécu. Malgré ces épreuves, elle ont pu mener de belles carrières très courageuses. »

 

Pas question pour Mélanie Turgeon d’enseigner le ski dans le futur. Elle affirme d’ailleurs avoir complètement déconnecté des activités du Grand Cirque blanc depuis la retraite de l’autre ancien champion du monde Erik Guay. Pour Mélanie Turgeon, le ski c’est uniquement pour le plaisir et le bonheur de retrouver une partie des émotions fortes du passé.