Cameron Porter : dix ans plus tard, les mêmes frissons
MONTRÉAL – C'est comme si c'était hier. Cameron Porter, les pupilles dilatées par l'adrénaline, peinant à verbaliser ce qui venait de lui arriver sous les gradins d'un Stade olympique qui tremblait encore.
« Maintenant que vous me le dites comme ça, oui, je commence à le réaliser », avait lâché l'improbable héros devant l'insistance des journalistes qui se demandaient s'il saisissait bien les implications historiques du but qu'il venait de marquer.
Dix ans déjà. Le CF Montréal a célébré les noces d'étain de ce moment phare de son histoire cette semaine au lancement de sa saison 2025. Après la présentation d'une brève vidéo, un gaillard est monté sur scène, la tête cachée dans un chandail à capuchon. Lentement, il s'est dévêtu pour découvrir un maillot floqué du numéro 39. On avait compris bien avant qu'il ne se retourne vers la foule. C'était lui, c'était Porter.
La vedette à la fois éphémère et éternelle du Bleu-Blanc-Noir s'est adressé au public dans un français impeccable. Une coupe de cheveux un peu plus sophistiquée, une pilosité faciale un peu plus développée, mais le même émerveillement dans le regard, la même sensibilité dans le propos.
Ça a été l'un des moments forts de la soirée. Sans doute son principal fait saillant.
« C'est incroyable. Les mêmes frissons que j'avais ce soir-là m'ont parcouru le corps, disait Porter pendant que les joueurs de l'édition actuelle de l'Impact signaient des autographes sur la scène du MTELUS. C'est fou quand on y pense. Ça fait une décennie, mais les gens continuent de m'accueillir de la même façon. C'est difficile à croire. Je suis très touché. »
Porter est passé comme une étoile filante dans le monde du soccer professionnel. Peu de temps après son coup d'éclat en Ligue des champions de la CONCACAF, il s'est bousillé le genou en Nouvelle-Angleterre. Il n'a jamais joué un autre match avec l'Impact. Il a accroché son maillot à 25 ans, après deux saisons de figuration à Kansas City.
« Quand j'ai quitté l'Université Princeton [pour être admissible au repêchage de la MLS], c'était une décision lourde de sens parce que je ne savais même pas si je finirais avec un contrat. Quand une équipe m'a sélectionné, ça a été un signe pour moi que j'avais fait le bon choix. Ensuite, après ce but, j'étais convaincu que ma carrière était lancée. Puis quand les blessures sont arrivées, j'avais l'impression que mon rêve me glissait entre les doigts. En peu de temps, j'ai vraiment vécu tous les hauts et les bas que le sport professionnel a à offrir. »
Les malchances n'ont pas terni ses souvenirs. Quand on lui demande s'il échangerait son but magique face à Pachuca contre une carrière plus longue, il répond en moins de temps qu'il n'en faut pour décider de viser l'ouverture entre les jambes d'un gardien mexicain. « Absolument pas. C'est un moment trop spécial. »
Le natif de l'Ohio habite maintenant à New York où il gère un fonds de capital de risque. Il lui arrive de chausser les crampons dans une ligue récréative, mais son lien avec le soccer est surtout maintenu par les souvenirs que son exploit a gravés dans l'imaginaire collectif.
« Chaque année vers la même date, je reçois des notifications de ma famille, de mes amis et même de partisans d'ici. Les souvenirs remontent sans cesse à la surface. J'étais avec l'ambassadeur du Canada en Arabie Saoudite cette année, on s'est rencontrés à l'ambassade de Riyadh. Quand notre rendez-vous a pris fin, il m'a accroché pour qu'on se fasse photographier ensemble. Il m'a dit qu'il se souvenait de mon but. »
Dans les coulisses d'un Stade olympique qu'il venait de faire exploser, Cameron Porter croyait qu'il pouvait mesurer l'ampleur de ce qu'il venait d'accomplir. Il sait aujourd'hui qu'il avait tout faux.
« Honnêtement, je me disais que j'en entendrais parler tant que ma grand-mère serait en vie. Je n'aurais jamais cru que ça prendrait une telle ampleur et que ça me suivrait pendant si longtemps », s'étonne-t-il.