Marco Donadel : la « fibre » d'un entraîneur
CITRUS RIDGE, Floride – Les paupières de Marco Donadel paraissent lourdes alors qu'il se laisse tomber dans les coussins moelleux où l'attend son interlocuteur. « Oh, ce sofa est dangereux! », souffle-t-il en cherchant une position confortable dans le havre molletonné.
L'état de fatigue de Donadel est compréhensible. Le CF Montréal vient de se taper une troisième séance d'entraînement en 24 heures après un vol transcontinental qui nécessitait un réveil au petit matin. Et même s'il est aujourd'hui entraîneur, on réalise que l'ancien milieu de terrain dépense à peu près autant de calories que les joueurs qu'il dirige sur le terrain. Impossible de le manquer : il court, crie, gesticule et corrige avec ferveur.
Pendant la vingtaine de minutes où on l'invite à nous parler de son nouveau métier, c'est à peine s'il s'arrêtera pour prendre son souffle.
« Il semble être omniprésent, a remarqué Patrice Bernier lors du passage de l'équipe au Complexe sportif Marie Victorin la semaine dernière. Laurent Courtois lui donne une bonne marge de manœuvre. Des fois, il y a des assistants qui font des exercices, mais ils ne sont pas tout le temps dans les aspects tactiques. Lui semble très impliqué. »
Si on a sollicité le point de vue de l'ancien capitaine de l'Impact, c'est qu'il connaît probablement mieux que quiconque à Montréal le nouvel adjoint de Courtois. Ils ont été coéquipiers pendant deux saisons, en 2016 et 2017, et sont restés amis après la fin de leurs parcours athlétiques respectifs. Que ça soit pour prendre des nouvelles de la famille, pour jaser de tactique ou pour trouver les meilleurs endroits à visiter en Italie, Bernier a toujours gardé contact avec Donadel.
Il n'est pas surpris de le voir revenir au club dans de nouvelles fonctions.
« C'est un gars qui est très méticuleux, qui a le sens de ce qui se passe, qui pose des questions, qui veut savoir pourquoi ce qui est fait est fait. Il a fini un peu plus tard que moi au CF, mais je le savais, on était constamment en conversation. S'il y a un joueur avec qui j'ai joué, c'en est un que je pouvais dire qu'il avait la fibre d'un futur entraîneur. »
Donadel corrobore sans le vouloir les dires de Bernier en sortant de ses souvenirs ses premières expériences à Montréal sous un certain Frank Klopas. Il insère les noms de Nigel Reo-Coker, Justin Mapp et Nacho Piatti dans la conversation pour faire comprendre que l'Impact était une équipe bien servie par ses vétérans à l'époque. Les entraîneurs avaient le contrôle du vestiaire, précise-t-il, mais le canal de communication avec les joueurs était bien dégagé et ceux-ci ne se gênaient pas pour l'alimenter.
« Ici, c'est un peu différent de l'Europe. En tout cas dans notre équipe, les joueurs étaient intéressés à offrir leurs points de vue et les entraîneurs étaient ouverts à les écouter. Ils ne faisaient jamais exactement ce qu'on leur disait de faire, mais surtout Mauro Biello et Wilfried Nancy, ils étaient ouverts à ce qu'on ressentait sur le terrain. »
Une décision familiale
Donadel avait déplacé sa famille au Québec avec l'idée de vivre une expérience culturelle tout en se donnant quelques années pour se faire une tête sur ses plans d'avenir. Dans la dernière année de son contrat, le club avec lequel il avait passé la majorité de sa carrière européenne a démontré de l'intérêt pour le ramener au bercail.
Une fois l'obtention de ses licences d'entraîneur complétées, il a intégré l'académie de la Fiorentina. Un an et demi plus tard, il a accédé au staff de la première équipe. Il n'y est resté que pendant sept mois durant lesquels il a travaillé pour deux entraîneurs. Avec Cesare Prandelli, il a eu les deux pieds sur le terrain et participé activement aux entraînements. Avec Giuseppe Iachini, il a été davantage impliqué dans la préparation stratégique.
Quand on a décidé de le réaffecter à l'académie, il a poliment décliné et décidé de faire sa route. Pendant cinq mois, il fait le tour de l'Europe. En Angleterre, en France, en Belgique, en Espagne, en Autriche, il a vu des matchs, serré des mains, pris des notes, beaucoup de notes.
« J'étais passé de joueur à entraîneur, je n'avais jamais vraiment arrêté, alors ça m'a permis de prendre un peu de recul. Ça a été bon parce que ça m'a donné une vue d'ensemble sur mon sport. »
Il est revenu sur les lignes de touche à la fin de l'année 2021, quand l'entraîneur italien Paolo Vanoli lui a tendu une invitation qu'il n'attendait pas, celle d'aller l'épauler avec le Spartak de Moscou. Une brève expérience, mais où il apprend la réalité du travail sous pression. « Tout, en Russie, tourne autour du Spartak de Moscou, en a-t-il gardé l'impression. Ça a été très intense. »
Donadel est retourné en Italie pour occuper son premier poste d'entraîneur-chef avec Ancona, en troisième division. Pourtant, il parle de ce nouveau départ à Montréal comme une décision familiale.
« Ma femme est de Gênes, on a vécu à Florence ensemble pendant sept ans et moi je viens de Trévise, plus au nord. [...] Pour nos deux filles, surtout, déménager à Montréal, c'est comme revenir à la maison. Elles avaient 5 ans et 7 ans quand on a quitté la première fois. Elles s'y sentent plus chez elles qu'en Italie. Et quant à moi, je ne veux rien précipiter. À court terme, je n'ai pas d'autre ambition qu'être là pour ma famille. »
Défendre en attaquant
Tel que mentionné il y a quelques jours dans ces pages, Donadel sera principalement responsable de l'organisation des phases défensives au CF Montréal. Mais son influence dans l'identité de sa nouvelle équipe risque d'être aussi vaste que sa feuille de route.
« Je pense qu'il va apporter sur pas mal de choses, même plus que l'aspect défensif, prédit Patrice Bernier. Parce que Marco a été assistant, il a été coach, c'est quelqu'un de très pointilleux sur beaucoup de détails. Ça ne me surprendrait pas qu'il donne sa sauce dans d'autres départements, même si ce n'est peut-être pas de ça dont il est en charge. »
La vision qu'a Donadel de son mandat donne raison à son ancien coéquipier.
Marco Donadel« En général, je préfère un style de jeu offensif. Mon rêve, c'est de ne jamais devoir défendre. On ne fait qu'attaquer! C'est notre objectif. Vous l'avez vu si vous avez assisté à notre entraînement. Notre but, quand on défend, c'est de regagner aussitôt la possession. C'est le message qu'on veut partager. »
« Pour moi, en tant que piston, il me partage ses connaissances pour m'aider à mieux jouer vers l'avant, témoigne Jahkeele Marshall-Rutty. Il m'aide à voir ce que l'adversaire me présente, à bien positionner mon corps, à prendre les bonnes lectures de jeu afin de fluidifier l'attaque. »
Samuel Piette, qui a brièvement croisé Donadel dans le vestiaire de l'Impact à son arrivée à Montréal, voit un entraîneur qui démontre la même ouverture aux opinions extérieures que celle qu'il a observée chez Biello et Nancy à l'époque.
« Mais il a une idée claire de ce qu'il veut faire, nuance le capitaine. Je suis quand même impressionné par lui. Il est vraiment à sa place. »
« Il n'est pas là parce qu'il est un ancien bon joueur, continue Piette. Ce n'est pas sa première expérience en tant qu'entraîneur. Il a été adjoint. Il a été entraîneur-chef. Il connaît son rôle, mais il sait aussi sûrement comment le coach pense. Ça peut juste aider d'avoir porté plusieurs chapeaux. »