MONTRÉAL – Djordje Mihailovic entend tout ce qui se dit à son sujet. Son entraîneur, Wilfried Nancy, le décrit d’ailleurs comme « un gars qui regarde beaucoup ce que les gens disent ou encore les statistiques ». Alors bien sûr que ça n’a pas été trop long avant que les récents commentaires d’Alistair Johnston arrivent à ses oreilles.

Après la victoire de samedi dernier contre les Whitecaps de Vancouver, dans laquelle Mihailovic a marqué un but et en a préparé un autre, Johnston avait déclaré qu’il était temps de promouvoir la candidature de son coéquipier au titre de joueur par excellence de la MLS.

Vu sa grande confiance et son tempérament de compétiteur, il ne serait pas surprenant qu’il s’agisse là d’un objectif que Mihailovic se soit secrètement fixé pour sa deuxième saison au sein du CF Montréal. Mais malgré la qualité de son début de saison, il accepte pour l’instant les fleurs sans se permettre de les sentir de trop près.

« Je crois que c’est un peu trop tôt [pour ce genre de conversation], a réagi le milieu de terrain avant l’entraînement de jeudi. Il n’y a que 20% de la saison d’écoulé. Il faut que je fasse ça pendant 34 matchs, pas seulement sept. »

« Ça fait plaisir d’entendre ça, mais ça ne vaut plus grand-chose au-delà du moment présent, a-t-il poursuivi. Une carrière, ce n’est qu’une accumulation de tranches de trois jours. Chaque match aura son histoire différente. Je pourrais être un héros un soir donné et un bouc-émissaire au prochain match. Il faut prendre les choses comme elles viennent. »

Mihailovic a ajouté un commentaire en apparence banal, mais qui ne l’est peut-être pas tant que ça : « tant que j’aide l’équipe à gagner, c’est tout ce qui compte ». C’est le genre de phrase plutôt vide que tous les athlètes vont insérer de temps en temps dans une réponse. Où ça devient intéressant, c’est lorsqu’on entend Nancy suggérer que ce n’est pas nécessairement la mentalité avec laquelle sa jeune vedette est débarquée à Montréal.

« J’ai des valeurs qu’on a mises en place avec le staff et il y en a une qui est super importante, explique l’entraîneur. C’est en anglais, je suis désolé, mais on dit ‘We, not me’ [NDLR. Nous, pas moi]. Il a énormément progressé dans ça. Il ne pense pas qu’à lui, il pense à l’équipe. Bien sûr il a des aptitudes individuelles et il a de l’ambition, il veut atteindre des choses. Mais la réalité, c’est que l’environnement que l’on a créé depuis l’année dernière, les joueurs savent que là-dessus, je ne bafoue pas ces valeurs. »

Nancy n’a donc pas de doute qu’à mesure que son poulain enchaînera les grandes performances et que davantage de paires d’yeux se tourneront dans sa direction, il  saura garder les deux pieds sur terre et conséquemment ses priorités à la bonne place.

« On a eu des discussions assez profondes par rapport à sa personnalité, à comment il est en tant que personne. Je n’ai pas de doute. Il sait d’où il vient, il sait qu’il doit contrôler ce qu’il peut contrôler et ça, c’est le terrain. Il sait très bien qu’avec moi, la première chose, c’est se concentrer sur la tâche. Et mieux il le fera, plus il sera bon. »

Qualité avant quantité

Deuxième meilleur passeur de la MLS la saison dernière – ses 16 passes décisives l’ont placé au deuxième rang du circuit à ce chapitre derrière le joueur désigné du Revolution de la Nouvelle-Angleterre Carles Gil – Mihailovic se démarque cette année par un flair insoupçonné pour trouver le fond du filet adverse.

Avec quatre buts à ses quatre derniers matchs, l’Américain a déjà égalé sa production de 2021, qui représentait déjà à l’époque un sommet personnel. Il est le meilleur franc-tireur du CF Montréal à l’approche du quart de la saison.

À ses yeux, l’expérience acquise au fil de ses 2800 minutes passées sur le terrain l’an dernier l’aide cette année à pénétrer les derniers mètres le séparant du gardien adverse avec plus de calme et de patience. Pour le reste, ses succès ne seraient qu’une simple question de mathématique.

« Je ne marquais pas autant l’an dernier, mais ce n’est pas parce que je ne tentais pas ma chance. Je crois que j’ai pris 50 tirs au but [NDLR. 59], mais seulement 15 ont été cadrés. C’est une chose que je devais améliorer. Cette année, sept de mes dix tirs ont atteint la cible. C’est 70%. Je choisis mieux mes moments au lieu de juste tirer au but. Si le tir est cadré, il y a plus de chances qu’il finisse dans le but. »

En français, s’il vous plaît

Les plus actifs sur les réseaux sociaux ont récemment remarqué un autre nouvel atout dans la manche de Mihailovic : sa maîtrise du français.

Début avril, dans une brève vidéo publiée sur ses comptes personnels, on a pu voir le jeune homme de 23 ans réciter les jours de la semaine dans la langue de Molière. Cette semaine, sur le copte Twitter du CF Montréal, ce sont les douze mois de l’année qui y sont passés sous le regard amusé de James Pantemis. « Y fait froid! », a-t-on aussi pu l’entendre s’exclamer en sortant du centre d’entraînement.

Mihailovic dit prendre un cours de français de 90 minutes par semaine. Il blague que ses progrès ont récemment stagné parce que les dernières séances concordaient avec la présentation des matchs de la Ligue des champions.

« Honnêtement, ce n’est pas si dur. Je trouve qu’apprendre l’italien est encore plus difficile », répond-il humblement lorsqu’on le questionne sur son initiative.

C’est un détail qui peut paraître trivial, mais qui reflète encore une fois l’environnement que tente de créer Wilfried Nancy.

« Moi, de temps en temps, j’essaie de parler en français aussi parce que c’est important, note ce dernier. Déjà que mon anglais, des fois, c’est pas tout en anglais, c’est du franglish! Mais les gars le savent, la langue française c’est important, on est à Montréal. Petit à petit, on essaie d’inciter les joueurs à parler un peu français et Djordje, c’est un exemple concret. Il prend des cours et il est content de donner quelques phrases en français. Pour moi, comme coach, je suis très content parce que ce sont des valeurs qui sont importantes pour moi. »