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Samuel Piette : la valeur de la constance

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MONTRÉAL – Sans tambour ni trompette, Samuel Piette a célébré cet été le dixième anniversaire de sa première convocation avec l'équipe nationale senior du Canada. Quelques mois plus tard, il intégrait le top-10 des joueurs ayant porté le plus souvent le maillot de la sélection. Son compteur est présentement à 64.

À 27 ans, Piette tient déjà compagnie à des icônes canadiennes comme Alex Bunbury, Dwayne De Rosario et Julian de Guzman. Dans l'équipe qui représentera le pays à la Coupe du monde dans quelques jours, seuls Atiba Hutchinson et Milan Borjan ont plus de vécu que lui sur la scène internationale.

Le Repentignois affirme ne pas trop avoir versé dans la nostalgie pour ses noces d'étain avec l'Unifolié. Ses explications tiennent plus d'un brutal réalisme que d'une honorable humilité.

« Est-ce que c'est le fait qu'on n'a tellement pas connu de succès avant? Je sais qu'il ne faut pas penser comme ça parce que les moments difficiles nous font encore plus apprécier le présent. Mais on dirait que c'était comme une autre époque. On dirait qu'il y a ce qui se passe depuis que John Herdman est en poste et qu'avant, c'était comme dans une autre vie. Ça fait dix ans, mais en même temps les années précédentes, c'était rien pour se péter les bretelles et le crier sur les toits. »

De Stephen Hart à Octavio Zambrano, de Colin Miller à Benito Floro jusqu'à la prise de possession souveraine de Herdman dans les quatre dernières années, le rôle de Piette a changé selon la vision des entraîneurs qui se succédaient et l'afflux de talent à leur disposition. Ça, ça ne le dérange pas. Mais le fait qu'il soit encore là, témoin d'un passé médiocre et leader respecté de la nouvelle génération dorée, lui procure une fierté qu'il ne tente même pas de dissimuler.

On le laisse raconter.

« Même si j'ai fait mes débuts tôt, que j'ai été l'un des plus jeunes joueurs à faire ses débuts avec l'équipe nationale, je ne me suis jamais vu comme le Wonderkid à la Alphonso Davies, le gars qui allait devenir le plus grand joueur canadien de tous les temps. De toute façon, avec ma position, ça ne se peut pas. Ce n'est pas moi qui vais marquer les buts, qui vais battre des records. »

« Il y a le record du nombre de matchs joués et ça, justement, pour moi ça vaut plus parce que ça démontre à quel point tu es constant. Ça fait dix ans que je suis là. Ça a été dix longues années, mais j'ai été appelé à chaque camp. Ça veut dire que je fais quelque chose de bien. Il y a des gars avec qui j'ai joué dans les équipes de jeunes qui avaient plus de talent que moi, mais qui finalement ne sont plus du tout dans le portrait. C'est drôle, je suis tombé sur une photo dans mon téléphone récemment, on jouait contre la Jamaïque à Toronto à mes débuts. Honnêtement, il y a peut-être deux gars qui sont encore là. Anthony Jackson-Hamel était là, Dejan Jakovic était là... »

« C'est vrai que mon rôle n'est plus le même.  Mais ça n'a pas nécessairement été dur à accepter parce que John me l'a tellement bien vendu. Avec le groupe, la fraternité qu'on a créée, je sais que j'ai mon rôle à jouer, que je joue ou non. C'est sûr que je veux jouer, t'sais. Surtout pendant le dernier camp [contre le Qatar et l'Uruguay], j'ai été super content de jouer parce que sans dire que ma place au Qatar était garantie, mes chances étaient très bonnes. Là, j'avais une chance de jouer et de prouver que oui, je suis un bon gars, mais je suis capable de jouer aussi. Je suis capable d'emmener de la qualité et quand on m'appelle, je livre la marchandise. »

« Moi, c'est juste ça qui me rend fier. J'étais là en 2012, mais en 2022 je suis encore là et je ne suis pas là parce qu'on me demande d'être le bon gars, le bon Jack pour le vestiaire. Si ce n'était pas de mes qualités, on ne m'appellerait plus. Surtout en ce moment, la compétition est de plus en plus forte pour faire partie de l'équipe nationale. C'est de plus en plus un honneur de se faire appeler comparativement à avant où on y allait parce qu'il n'y avait personne d'autre! »  

« Ces dix années-là prouvent qu'il y a quelque chose qui fonctionne. Je vois souvent des commentaires négatifs à mon sujet. Les gens me comparent à Eustaquio, Osorio, Kaye... mais si tu regardes ma carrière, partout où je suis allé, j'ai joué. Si les entraîneurs me font jouer, ça veut dire qu'il y a quelque chose qui marche. »

À l'aube de la Coupe du monde, Piette revient avec nous sur quelques-uns de ses moments marquants au sein de la sélection canadienne.

4 juin 2012 : les premières minutes

« On jouait contre les États-Unis, on portait le maillot bleu. C'était le match du centenaire, c'est-à-dire que Canada Soccer célébrait ses 100 ans. J'étais entré en fin de match, vers la 85e minute, pour Julian De Guzman, qui était un peu mon modèle. Même position, même parcours – il avait commencé en Europe avant de revenir en MLS – même physionomie et c'est quelqu'un avec qui je m'entendais super bien. C'est encore quelqu'un avec qui je parle beaucoup, qui m'a aidé énormément. Le remplacer, sans dire que ça a été le passage du flambeau parce qu'il n'avait pas terminé, c'était quelque chose de significatif pour moi. Mes parents étaient là au BMO Field, mon entraîneur en France était là tout comme mon entraîneur au niveau amateur, Lyne Beauregard de Boisbriand. C'était un gros moment. »

« Pour la première fois, j'avais vraiment été starstruck. Je regardais Michael Bradley, Clint Dempsey et je me souviens de m'être dit que j'avais l'impression d'être dans une pub de Nike. C'était des joueurs que je voyais à la télé et là wow, j'étais à la même place qu'eux. »

« Ça avait été un choc pour moi que cette première convocation arrive si vite. Cette année-là, je jonglais entre les U20, les U23 et les seniors. En décembre 2011, on avait eu un camp avec les U20 et Stephen Hart, l'entraîneur des hommes, était là. C'est là qu'il m'avait vu. Le camp d'après, il m'avait invité. Je me retrouvais avec des gars comme Kevin McKenna, de Guzman, Atiba, Josh Simpson... ils approchaient tous la trentaine ou l'avaient entamée. C'était une grosse différence par rapport à ce dont j'étais habitué. »

28 mai 2013 : la première titularisation

« C'était sur synthétique au Commonwealth Stadium, mieux connu aujourd'hui sous le nom de l'Iceteca! C'est un match dont je me souviens surtout pour avoir accordé un penalty. On avait perdu 1-0 contre le Costa Rica et j'avais commis une faute dans la boîte. Rien de méchant, vraiment juste de la malchance. J'avais joué en milieu défensif avec de Guzman. Je me souviens aussi que c'était le premier camp d'Osorio. »

Juillet 2013 : la grande scène

« J'ai joué mon premier match en Gold Cup contre la Martinique devant 56 000 spectateurs au Rose Bowl. Il devait faire 40 degrés ce jour-là. Will Johnson avait dû recevoir des injections par intraveineuses à la mi-temps parce qu'il n'était plus capable. Russell Teibert avait été malade dans le vestiaire après la rencontre. On avait perdu dans les arrêts de jeu sur une frappe de 40 mètres dans la lucarne. C'est drôle parce que six ans plus tard, on a affronté la même équipe dans le même stade et on a gagné 4-0. C'était fou de voir l'évolution. »

« Après notre défaite contre la Martinique, on avait affronté le Mexique. Je ne peux pas dire qui jouait de l'autre côté, on dirait qu'on les connaissait moins. Ce dont je me souviens, c'est que je savais qu'on rentrait dans ce match et qu'on n'avait aucune chance. Notre mentalité, c'était d'essayer de faire de notre mieux. On n'allait pas là pour gagner, mais pour ne pas perdre la face. C'était vraiment ça dans le temps. »

16 octobre 2019 : le point tournant

« Une victoire de 2-0 contre les États-Unis, à la maison, en Nations League. Pour moi, c'est vraiment le premier match qui a fait basculer la perception de notre équipe vis-à-vis les Américains. On avait dominé le match au niveau de l'intensité, de la qualité... On dirait que ça a comme réveillé la bête au Canada, ça a éveillé les partisans sur le niveau qu'on avait atteint. C'est vraiment là que j'ai senti que le pays était derrière nous et qu'on était capables d'être compétitifs contre les grosses équipes. Bon, le mois d'après ils avaient pris leur revanche en nous battant 4-1, mais ce n'était pas grave! »

« Ce match a une signification particulière pour une autre raison. On avait eu une grosse préparation de dix jours, mais on avait fait un genre de mini-grève pour tenter d'améliorer nos conditions. Pendant un jour ou deux, on ne s'était pas entraînés. Je savais à quel point ce match était important pour le staff, mais nous on se battait pour des trucs qu'on jugeait importants aussi. On avait des appels tard le soir avec le petit groupe de leaders. Il y avait un petit café où on se rassemblait pour faire le point. C'était un camp "rock ‘n roll". Finalement on avait gagné le match. Un drôle de moment qui s'était bien terminé. »

8 janvier 2020 : le premier brassard de capitaine

« À la base, je pense que je suis un leader naturel. Que je porte le brassard ou non, je ne change pas ma manière d'être. Mais avoir cette reconnaissance du coach, c'était quelque chose quand même. Je ne pense pas que le fait d'avoir porté le brassard pour un match ait changé la perception de mes coéquipiers à mon égard. Si je regarde le groupe actuel, c'est Atiba notre capitaine, mais s'il n'est pas là, ça peut être Borjan ou Junior Hoilett. Personne ne se pose la question là-dessus. Pas qu'on s'en fout, mais le groupe est tellement uni, on est tous des leaders à notre manière. Je pense que le respect, je l'avais acquis avant ça. »

 

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