Maintenant que le terme de «résilience» est bien entré dans le dictionnaire, vous ne pensiez pas qu’on allait s’en priver? Et qu’il serait destiné pour sans doute quelque temps à coller à cette équipe croate comme un maillot trempé de sueur.

Résilience? Pas tant au sens physique, sa capacité à résister aux chocs, qu’au sens plus large, son adaptabilité, sa capacité de réponse dans un environnement hautement défavorable. Trois prolongations de suite, trois matchs au cours desquels cette équipe aura été menée, trois fois victorieuse. Le tout en dix jours, ce qui en dit beaucoup sur les capacités des Vatrani.

Il est certain que l’essentiel des conversations, juste avant le coup d’envoi de cette demi-finale, portait avant tout sur l’énorme différence de fraîcheur  entre les deux. Oui, l’Angleterre était elle aussi passée par une prolongation, mais c’était il y a dix jours, une éternité en Coupe du monde. D’autant qu’elle n’a pas été poussée trop loin dans son quart face à la Suède.

«Poussée trop loin…. » On va y revenir.

Et lorsque les Anglais ouvrent la marque après cinq minutes de jeu, on peut totalement s’inquiéter de ce que les Croates risquent de subir pendant les 85 à venir.

L’Angleterre marque. Sur sa première attaque. Une montée de Dele Alli, stoppé à vingt mètres par Luka Modric. Modric? Sa saison au Real a été marquée par une charge supplémentaire de responsabilités, entre autres défensives. C’est un Modric qui défend, qui tacle, se replie et récupère. Même si Zlatko Dalic préfère le voir avec le ballon, un peu plus haut. Mais il s’est investi dans cette autre facette de son rôle. Un peu trop ce coup-ci. Le coup franc est idéal et Trippier ne s’y trompe pas. On le connait pour ses centres, corners, coup-francs excentrés, l’Angleterre s’est gavée de ces situations depuis un mois. Là, c’est direct et c’est parfait. Juste ce qu’il faut au-dessus du mur, juste assez d’effet pour redescendre, juste assez loin de Subasic.

L’Angleterre se met vite en mode «attente». Elle n’en descend pas profondément, mais son pressing cherche avant tout à gêner les relances croates, à empêcher Modric de diriger le jeu. Ce faisant, comme d’autres dans le passé, elle donne plus de jeu à Rakitic. Et comme celui-ci n’est pas serré aussi sérieusement par Lingard, il va prendre de plus en plus de responsabilités. Le jeu croate devient plus direct. Pas nécessairement «vertical», mais clairement destiné à utiliser Rebic et Perisic sachant que balle au pied ou dans les courses, ils peuvent battre les défenseurs anglais. Peu à peu, les deux latéraux, Vrsaljko et Strinic vont se joindre au mouvement. La Croatie attaque large, amène Trippier et Young à se concentrer sur les tâches défensives. Mandzukic rôde. Toujours à l’affut de ballons échangés entre défenseurs ou avec Pickford. Et quelques maladresses apparaissent.

Les Anglais ont relâché leur pression. Ils se concentrent sur le milieu du terrain, avec toujours la menace d’une longue ouverture vers Sterling. Il a été très critiqué depuis un mois, Sterling. C’est vrai que sa finition laisse à désirer. Mais ses appels, se courses - et il est rapide! - mettent souvent Vida dans l’embarras. Mais il n’est que trop rarement suivi d’une montée de tout le bloc anglais.

Et les Anglais ne vont se créer que peu d’occasions. Parmi lesquels des corners - trop peu - qui ne seront pas exécutés avec la même réussite que lors des matchs précédents.

Par contre, ce petit doute qui persistait sur leur défense devient soudain une tache de plus en plus visible. Erreurs de communication, placements hasardeux, difficulté à subir une pression régulière. Non, elle n’a pas été «poussée» si loin cette défense jusqu’à présent. Jamais par des vagues successives, jamais par des équipes capables de varier et de placer leurs attaques.

Alors, les alertes arrivent, se multiplient. Alors, le jeu croate - qui provoquait quelques haussements de sourcils - prend  du sens. Ces longs ballons dans la surface, autrefois un jeu d’enfant pour n’importe quelle défense «anglaise» sont autant de problèmes. Southgate a choisi sa défense à trois pour son aisance avec le ballon, à le récupérer et le sortir proprement. Pas à défendre juste devant le but de Pickford. La Croatie maintient la pression, les premiers, les deuxièmes ballons arrivent, reviennent. Perisic voit une belle frappe contrée à la dure par Walker. Lequel sera trop court quelques instants plus tard: un long centre anodin de Vrsaljko. Anodin? Personne ne semble à la réception, Walker s’apprête à dégager lorsque Perisic jaillit devant lui. Soudain. Il se jette et reprend la balle comme il peut à mi-hauteur.

Les Anglais sont encore incroyablement passifs quelques instants plus tard. Stones hésite sur un long ballon, le dégagement revient sur Perisic qui s’enfonce et frappe le poteau, le rebond étant trop soudain pour que Rebic ne marque.

La déception anglaise

Il reste moins de vingt minutes et l’Angleterre est sonnée. Une autre combinaison directe Vrsaljko - Perisic est écartée de justesse. Et c’est sur cette dynamique qu’arrive la prolongation… après qu’une ultime chance sur coup franc ait vu une tête de Kane passer à côté.

Les Anglais réagissent. L’entrée de Dier (pourquoi pas plus tôt?) a calmé les choses au milieu, un temps abandonné à la baguette du duo Modric - Rakitic. Et c’est une poussée de Dier qui amène un corner déposé sur la tête de Stones. Reprise parfaite, décroisée… et sauvée sur la ligne par le retour de Vrsakjko. Ce même Vrsaljko incapable de finir le quart contre la Russie et annoncé la veille comme inapte pour la demie…

Parlant de ressuscité… Mandzukic a lui aussi fini sur les genoux le match de samedi. C’est pourtant lui qui jaillit pour reprendre derrière la défense un centre de Perisic. Il est contré par Pickford et même blessé lors du contact. Il va se reprendre en début de deuxième partie de prolongation. Encore un long ballon, encore un mauvais renvoi, encore un duel aérien gagné par un croate (Perisic) et un ballon qui file derrière Stones, Supris. On a loué la capacité de réaction de Mandzukic sur son égalisation face au Danemark. Il est encore le premier là-dessus, ajustant Pickford à bout portant d’une frappe croisée. Le reste est forcément dramatique : la sortie de Trippier, qui force l’Angleterre à finir à dix, un contre pour tuer le match où Kramaric oublie totalement Perisic, seul comme jamais. Et un tout dernier coup-franc anglais, loin dans le temps additionnel. Flotté profond… et repris par Perisic, l’homme du match, qui redémarre avec le ballon lorsque Monsieur Çakar met fin à cette demi-finale.

Vingt ans que les Croates vivent avec les exploits de la « Génération dorée » (eux aussi) de 1998, troisième du Mondial en France.

Parlant de la France, elle a suivi cette demie dans son fauteuil. Et sans doute souri très large devant cette prolongation. La troisième de suite. Trois prolongations de suite! AUCUNE CHANCE que les Cro…….. oops!