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RÉSULTATS

Le Maroc en demi-finale : « C'est la victoire d'un peuple, d'un continent »

Des partisans marocains Des partisans marocains - Getty
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Tableau de la Coupe du monde

DOHA, Qatar – Quelques joueurs marocains étaient toujours affalés au sol, soulagés par le sifflet qui venait de mettre fin au siège portugais auquel ils avaient résisté pendant près d'une heure. L'air tout aussi exténué, Hamza Tazi a empoigné son maillot et l'a porté à son visage. Lorsqu'il l'a retiré, des larmes qu'il n'était pas arrivé à essuyer complètement étaient figées sous ses yeux bruns.

La scène tout en bas lui paraissait surréaliste. Quelques jours plus tôt, on vantait cette équipe simplement pour avoir passé la phase de groupes pour la première fois depuis 1986. Ses compatriotes et lui étaient maintenant là à célébrer sa qualification pour la demi-finale d'une Coupe du monde.

« Aujourd'hui, c'est une journée historique pour le Maroc, criait Hamza pour élever sa voix éraillée au-dessus des cris et de la musique pop crachée par les haut-parleurs. On y a rêvé, on y a cru. La vérité, c'est qu'on est tombés sur un groupe quand même difficile, mais on a cru en cette équipe dès le premier jour. J'avais un feeling qu'on allait aller loin, mais arriver en demi-finale c'est du rêve. »

Ce rêve, on n'a qu'à tendre l'oreille et à ouvrir l'œil pour le comprendre, est partagé par la masse à Doha, où il est évident que les Marocains portent plus que les espoirs d'un seul pays sur leurs épaules.

Seulement trois équipes africaines étaient auparavant parvenues à atteindre les quarts de finale d'une Coupe du monde. Aucune n'avait réussi à briser le plafond de verre qui vient de voler en éclat sous les rugissements des Lions de l'Atlas.

Cette responsabilité de faire honneur à tout un continent est non seulement acceptée, mais chérie par le sélectionneur Walid Regragui, qui constate aussi que les exploits de ses joueurs ont rallié les pays de la péninsule arabique et du Proche-Orient à leur cause.

« Je pense qu'il y avait cette énergie, a dit Regragui après la victoire de samedi. Les Africains, le monde arabe nous ont donné cette énergie pour qu'on puisse passer ces ondes positives qui font qu'à un moment donné, tout le monde a envie que cette équipe gagne. »

Dans l'euphorie de la victoire, Hamza Tazi s'enorgueillissait de cette mission dont est investie son équipe de cœur. « C'est une victoire pour les Arabes, pour les musulmans, pour tout le peuple marocain et pour les Africains. Parce que l'Afrique, aujourd'hui, fait partie des grands », s'émouvait-il.

Hamza Tazi

George Addo, qui couvre la Coupe du monde pour le compte de Radio Ghana, ne pourrait être plus en accord. Il compare le support que reçoit présentement l'équipe marocaine à celui dont avait bénéficié le Ghana avant de s'incliner en tirs de barrage devant l'Uruguay dans les quarts de finale du Mondial de 2010.

« C'est gros, c'est très gros. L'Afrique n'est pas toujours prise au sérieux au niveau du football mondial, alors quand l'une de nos équipes se retrouve dans la cour des grands, c'est tout le continent qui se range derrière elle. » Il note que seulement cinq équipes, sur les 54 qui composent la Confédération africaine de football (CAF), peuvent se qualifier pour la Coupe du monde. En comparaison, la CONMEBOL, qui englobe les dix nations de l'Amérique du Sud, peut y envoyer quatre de ses membres.

« L'Afrique est souvent la cible de moqueries parce que ses équipes ne sont généralement que de passage à la Coupe du monde, approuve Isaac Fanin, un journaliste de la BBC qui a notamment couvert les sports d'une perspective africaine à la barre de l'émission Sport Africa. Le Maroc procure présentement espoir, fierté et joie à tant de gens. »

« J'ai parlé à des partisans du Liban, du Yemen, de l'Arabie Saoudite qui n'avaient même pas de billets, mais qui ont fait le voyage et qui sont venus au stade juste pour vivre ce moment. Ce qui se passe présentement, c'est gigantesque pour cette partie du monde et pour toute l'Afrique. »

« Le Rocky de cette Coupe du monde »

La fierté qui découle de ce succès polarisant est amplifiée par la présence du charismatique Regragui, un rassembleur né qui a présentement un peuple entier à ses pieds. Né et formé en France, il a porté les couleurs du Maroc à 45 reprises dans sa carrière de joueur. C'est aussi au pays de ses ancêtres qu'il a fait ses classes dans le métier d'entraîneur.

Avant sa nomination, il y a quelques mois à peine, la sélection marocaine avait pendant longtemps été confiée à des étrangers, avec des succès mitigés. Elle n'a toujours pas perdu sous sa gouverne.

« Cette équipe est poussée par l'esprit de bête, une grinta, l'envie de tout laisser sur le terrain. Et pour ça, je dis merci au coach Regragui, nous lance Hamza Tazi. On a toujours eu une bonne équipe, mais on attendait un coach national qui allait la pousser vers l'avant. Avec Regragui, on a trouvé cet équilibre qu'on cherchait depuis plusieurs années. C'est cet esprit qu'il a inculqué aux joueurs d'aller tout laisser sur le terrain. Même si on affronte la meilleure équipe du monde, on arrivera à la secouer. C'est le cœur qui parle. »

Idriss Bennani, un Montréalais qui a fait le voyage à Doha juste avant la demi-finale, lui fait écho. « Pour une fois notre coach est Marocain, donc il y a une fusion avec les joueurs qui est incroyable. Je pense qu'ils mettent leur cœur sur le terrain pour ce coach-là. »

Idriss Bennani

Au même moment, à l'intérieur du stade, ces observations étaient validées par le gardien Yassine Bounou. « Le coach nous l'a dit, on est venus ici avec l'idée de changer notre mentalité, de se défaire de notre complexe d'infériorité. Il faut arrêter de croire que les joueurs marocains ne sont pas de taille contre les meilleurs au monde. On veut le faire pour nous, mais aussi pour permettre à la génération future d'y croire. »

« Je ne veux pas m'enflammer parce que ça aurait pu basculer, mais on est dans l'état d'esprit qu'on voulait atteindre, a clamé Regragui au même podium. On rend notre peuple heureux, on rend un continent heureux, on rend le monde heureux je pense. Tu sais, quand tu regardes Rocky Balboa, t'as envie d'être pour Rocky parce que c'est celui qui sort d'en bas. Alors voilà, on est un peu le Rocky de cette Coupe du monde. »

La France sera l'adversaire du Maroc en demi-finale. Le match sera présenté mercredi à 14h sur RDS.