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RDS au Qatar : J'ai pensé à vous, Abderrahman

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Tableau de la Coupe du monde

DOHA, Qatar – Je jasais depuis à peine deux minutes avec Abderrahman quand je me suis dit qu'il était exactement l'Amateur – oui, l'Amateur avec un grand A - que devait trouver, courtiser et convaincre le CF Montréal.

Un mordu de soccer comme vous en croiserez des milliers en ville. J'ai oublié quel club il m'avait dit supporter, mais je n'ai pas oublié qu'il m'en avait parlé pendant dix minutes. Le gars, il faut lui donner ça, connaissait son affaire.

Bon joueur en plus. C'est ce qu'il disait en tout cas. Il avait fait les sélections du Supra dans son jeune temps. On ne l'avait pas gardé, il s'était blessé et sa petite carrière était devenue une anecdote pour ses vieux jours. Il disait maintenant trouver son plaisir dans ces précieux moments de rapprochement que son sport lui procurait, au terrain ou devant la télé, avec son fils.

Un passionné, un vrai je vous dis. Pourtant, c'est moi qui avais dû lui expliquer c'était quoi, le Centre Nutrilait, et quel chemin emprunter pour s'y rendre.

Un chauffeur de taxi, imaginez!

Les problèmes de l'équipe locale ne l'intéressaient pas vraiment. C'était lui le premier qui avait fait bifurquer la conversation sur la Coupe du monde. Dans son rétroviseur, son regard avait croisé le mien et avant qu'il n'ose les premiers mots, ce que j'avais deviné être un sourire espiègle avait légèrement relevé sa paupière inférieure et modifié la définition de ses yeux.

« Vous savez que le Maroc va jouer le Canada au Mondial... », qu'il m'avait lancé, préparant discrètement le terrain pour la suite.

Bien sûr que je le savais. Je savais aussi depuis un bon bout de temps déjà que je ferais le voyage au Qatar pour couvrir le tournoi. Ça m'avait fait plaisir de le lui dire. Je savais que c'était la seule petite victoire qu'il me laisserait savourer pour le reste de la conversation.

Je lui avais demandé ce qu'il pensait du groupe F. « Ça sera pas facile contre la Belgique et la Croatie, mais contre le Canada, ça devrait pas être trop compliqué. »

J'avais répondu que l'équipe était sur une belle lancée, qu'elle s'était quand même qualifiée en battant les États-Unis et le Mexique. Qu'elle avait fait un bond important au classement mondial dans les 18 derniers mois. Ça ne l'avait pas impressionné.

Je lui avais parlé de Davies, qui jouait pour le Bayern Munich. Il m'avait parlé de Mazraoui, qui venait justement d'y être transféré.

« Jonathan David a été le meilleur buteur des champions de la Ligue 1, c'est pas rien quand même », que j'avais proposé. Il m'avait demandé si je connaissais Hakimi, le pote de Mbappé au PSG.

Il ne m'avait plus laissé parler par la suite, comme s'il savait que j'avais déjà déposé mes meilleures cartes. Les noms s'étaient mis à sortir de sa bouche plus vite que les chiffres se succédaient sur son compteur.  Ziyech à Chelsea, En-Nesyri et Bounou à Séville, Amrabat à Fiorentina. Harit à Marseille. Il était fier, Abderrahman.

« Des grands joueurs dans de vrais clubs, les plus grands championnats, hein! », avait-il conclu, baveux mais toujours sympathique, en se stationnant sur l'avenue Letourneux.

En sortant, j'avais réalisé qu'il s'était payé sans que je m'en rende compte un généreux pourboire. Je me souviens aussi m'être dit que si les joueurs marocains avaient la moitié de sa confiance et de son culot, ils allaient peut-être réussir à faire quelque chose de bien à cette Coupe du monde.

J'ai souvent pensé à vous depuis cette course, Abderrahman. D'abord en me demandant si j'allais un jour pouvoir vous faire ravaler, sans rancune, vos belles paroles. Ensuite quand j'ai commencé à réaliser que vous ne disiez vraiment pas de conneries.

Le Canada n'était en effet pas de taille contre vos Lions. Pas de honte à ça, peu d'équipes l'ont été au cours du dernier mois.

Il fallait que ça finisse un jour, mais c'est toute une « ride » que viennent de nous donner vos favoris.  

Je ne vous en veux pas pour le pourboire.