Contre toute attente, le Brésil, pourtant dramatiquement touché par la COVID-19, a récupéré lundi l'organisation de la Copa América qui débute dans 14 jours (13 juin-10 juillet), après le retrait de l'Argentine pour raisons sanitaires, comme la Colombie dix jours plus tôt.

S'il fallait trouver un hôte à deux semaines du coup d'envoi, le pari paraît extrêmement risqué. Le Brésil est le deuxième pays le plus touché au monde par la COVID-19, après les États-Unis, avec 461 931 morts et 16 515.120 cas au dernier bilan, publié lundi midi.

Et les épidémiologistes craignent une troisième vague de contaminations en juin.

« On ne peut pas dire que c'est plus sûr, mais il y a moins de risque », a justifié lundi le vice-président brésilien Hamilton Mourao. Selon lui, « l'avantage, c'est la taille de notre pays et le nombre de stades. On peut répartir » les matchs sur tout le territoire.

Le Brésil avait organisé la précédente Copa América, en 2019, et s'était imposé à domicile comme lors des quatre autres fois où le tournoi sud-américain s'est disputé sur son sol (1919, 1922, 1949, 1989). Il possède les meilleures infrastructures d'Amérique latine après avoir organisé la Coupe du monde 2014.

Selon le président de la Conmebol, Alejandro Dominguez, le Brésil « possède l'infrastructure éprouvée et l'expérience accumulée et récente pour organiser une compétition de cette ampleur ».

Initialement, la Copa América devait se jouer un an plus tôt, co-organisée pour la première fois par deux pays, la Colombie et l'Argentine, avant d'être reportée par la pandémie.

Mais Bogota a brandi la carte de la COVID-19 pour demander il y a dix jours un report « à la fin de l'année » de la compétition, que lui a refusé la Conmebol. La fronde sociale, qui a fait des dizaines de morts dans le pays et rendait impossible l'organisation du tournoi, n'a rien à voir avec cette requête, avait biaisé le gouvernement.

Période critique

Puis Buenos Aires a renoncé lundi à accueillir seul la compétition. « L'Argentine avait un engagement et nous avons tout fait pour le tenir mais la situation épidémiologique nous en a empêchés », a expliqué le chef du gouvernement argentin, Santiago Cafiero.

Le pays de 45 millions d'habitants a enregistré près de 3,8 millions de contaminations au nouveau coronavirus et plus de 77 000 décès depuis le début de la pandémie.

« Nous avons travaillé avec les autorités de la Conmebol sur les différentes possibilités et scénarios. Mais (cela) va au-delà de l'organisation du tournoi et (c'est) lié à l'augmentation des cas, avec la façon dont la deuxième vague d'infections continue de frapper », a justifié M. Cafiero.

L'Argentine, pourtant folle de ballon rond et passionnée par les exploits de son équipe nationale emmenée par sa superstar Lionel Messi, toujours en quête d'un premier trophée international, traverse la période la plus critique de la pandémie avec plus de 41.000 personnes infectées en 24 heures jeudi, un record.

Dans ce contexte, 70% des Argentins se sont dits opposés à l'organisation la Copa América, selon un sondage publié vendredi, même si les autorités avaient prévu de mettre en place un protocole sanitaire strict, en limitant notamment la taille des dix délégations.

« Terrible irresponsabilité »

Certains joueurs, et non des moindres, commencent à mettre en doute la pertinence de la tenue du tournoi.

« Je suis frappé par le fait que la Copa America se joue malgré la situation actuelle », a lancé Luis Suarez, tout juste sacré champion d'Espagne avec l’Atlético Madrid, de retour en Uruguay pour disputer les 3 et 8 juin deux matches de qualification pour la Coupe du monde 2022 au Qatar.

Son compatriote Edinson Cavani (Manchester United) est encore plus remonté: "C'est une terrible irresponsabilité que tout soit fait pour disputer ces matches de qualification et la Copa América. Rien dans la situation sociale n'a d'importance ici, pas même les risques liés au virus", a-t-il vitupéré.

Le capitaine Diego Godin a de son côté demandé « des garanties et la tranquillité d'esprit pour tous ceux qui participent à la Copa América ».

Mais c'est au Brésil, évidemment, que la colère couve : « l'Argentine a refusé la Copa América en raison de l'aggravation de la pandémie. Là-bas, le nombre moyen de décès au cours des sept derniers jours a été de 470 personnes... Ici, il  a été de 1 844. QUATRE FOIS PLUS. Voilà à quoi ressemble un gouvernement assassin », a réagi Marcelo Freixo, député d'opposition du Parti socialisme et liberté (gauche) sur Twitter.