MONTREUX, Suisse - Dans un appel direct aux propriétaires des clubs anglais associés au projet Super Ligue, le président de l'UEFA, Aleksander Ceferin, les a exhortés à changer d'avis par respect pour les amateurs de soccer.

Ceferin a à la fois cajolé et critiqué le groupe anglais de six clubs, composé de milliardaires américains, de monarchie arabe et d'un oligarque russe, moins de 48 heures après le lancement de la Super Ligue en alliance avec trois clubs italiens et espagnols.

« Messieurs, vous avez fait une énorme erreur, a affirmé Ceferin dans un discours aux dirigeants européens du football lors de la réunion annuelle de l'UEFA. Certains diront que c'est de la cupidité, d'autres (diront) de l'arrogance, de la désinvolture ou de l'ignorance totale de la culture du football anglais. Peu importe.

« Ce qui compte, c'est qu'il est encore temps de changer d'avis. Tout le monde fait des erreurs. »

Ceferin les a exhortés à faire marche arrière par respect pour les amateurs en Angleterre, visant à nouveau ce qu'il a plus tôt qualifié de « quelques personnes égoïstes ».

« Reprenez vos esprits, a-t-il ajouté. Pas par amour pour le football parce que j'imagine que pour certains d'entre vous ce n'est pas la priorité. »

Le président de l'UEFA a cité un courriel qu'il a reçu d'un partisan de Tottenham, l'un des six clubs rebelles de Premier League.

« Si vous lisiez le courriel, vous seriez sur le point de pleurer », a noté Ceferin à propos de l'amateur qu'il a seulement identifié comme Trevor, à qui il avait donné deux billets pour la finale de la Ligue des champions 2019, lorsque Tottenham a perdu contre Liverpool.

Ceferin a affirmé que les supporters et les gouvernements ont apporté leur soutien à l'UEFA pour résister à la proposition de Super Ligue à 20 équipes, qui menace de contester directement la Ligue des champions et de faire du tort à la structure pyramidale historique du football européen.

« Nous ne pouvons pas perdre ce match », a affirmé Ceferin, un avocat slovène.

Les clubs n'ont pas annoncé le moment où leur ligue, soutenue par la banque américaine JP Morgan Chase, lancera ses activités.

Lundi, Ceferin a mentionné qu'il souhaitait que les clubs de Super Ligue et leurs joueurs soient bannis de toutes les compétitions de l'UEFA « dès que possible ».

On ne sait pas si les statuts juridiques de l'UEFA et les règlements de la Ligue des champions le permettront avant que le Real Madrid, Chelsea et Manchester City ne jouent en demi-finale la semaine prochaine. Manchester United et Arsenal joueront également la semaine prochaine en demi-finale de la Ligue Europa.

Plus tôt mardi, dans un discours qui semblait blâmer les propriétaires de club et absoudre les joueurs, le président de la FIFA, Gianni Infantino, a révélé qu'il ne pouvait que « désapprouver fortement » la Super Ligue.

« Si certains choisissent de suivre leur propre voie, ils doivent vivre avec les conséquences de leur choix, a déclaré Infantino. Ils sont responsables de leur choix. »

Boris Johnson promet de s'opposer

Par ailleurs, l'opposition anglaise à la Super Ligue s'est intensifiée, mardi, alors que la Premier League a menacé de prendre des mesures contre les six clubs rebelles et que le premier ministre Boris Johnson a envisagé d'introduire des lois pour les empêcher de créer une nouvelle compétition européenne.

Des dissensions au sein même des clubs de la Super Ligue sont apparues. L'entraîneur de Manchester City, Pep Guardiola, a affirmé que rejoindre une compétition en cercle fermé à l'extérieur de la Ligue des champions existante de l'UEFA pourrait nuire à l'intégrité et aux valeurs du sport. L'entraîneur de Liverpool, Jürgen Klopp, a également exprimé des inquiétudes quant aux actions des propriétaires de son club.

La Premier League a déjà menacé les six clubs de la Super Ligue d'expulsion s'ils allaient de l'avant avec ce projet. Les 14 autres clubs se sont réunis mardi et ont "unanimement et vigoureusement" rejeté les plans de la Super Ligue.

« La Premier League envisage toutes les actions disponibles pour empêcher le projet d'aller de l'avant, ainsi que pour obliger les actionnaires impliqués à rendre des comptes conformément à ses règles », a révélé la première division anglaise dans un communiqué.

Les six clubs, pilotés par les propriétaires américains de Manchester United, Liverpool et Arsenal, se sont associés à trois équipes de premier plan d'Espagne et d'Italie pour ébranler les structures du soccer européen.

Chelsea et Tottenham font également partie des clubs dissidents, les assurant d'une présence garantie chaque année en Super Ligue plutôt que de devoir se qualifier via le classement de la Premier League la saison précédente.

« Le sport n'est plus un sport lorsque la relation entre l'effort et le succès, l'effort et la récompense n'existent pas, a affirmé Guardiola, dont l'équipe de Manchester City mène la Premier League. Ce n'est pas un sport. Ce n'est pas un sport lorsque le succès est déjà garanti. Ce n'est pas un sport quand ce n'est pas grave quand vous perdez. »

Des responsables de la Premier League ont également participé à une réunion aux côtés de représentants de groupes de partisans menés de Downing Street par Johnson, qui a qualifié la Super Ligue d'"anticoncurrentielle" et s'est engagée à « lâcher une bombe législative » si nécessaire.

Le gouvernement pourrait adopter la règle des 50 plus 1 de l'Allemagne qui donne aux amateurs la majorité des droits de vote, nominalement pour protéger les clubs d'être contrôlés par des investisseurs privés.

« Tous les participants ont convenu qu'une action était nécessaire pour protéger l'équité et la compétition que nous attendons du football, et pour défendre le principe fondamental selon lequel tout club devrait avoir l'occasion de jouer et de gagner contre les plus grands acteurs du sport", a déclaré dans un communiqué le bureau à Downing Street de Johnson.

La Super Ligue réunit 15 clubs fondateurs, trois places restent à pourvoir, et seulement cinq places avec un accès plus ouvert.

« Le premier ministre a confirmé que le gouvernement ne resterait pas les bras croisés pendant qu'une petite poignée de propriétaires créerait une ligue en circuit fermé, a déclaré Downing Street. Il est évident que ne rien faire est hors de question et le gouvernement examinera toutes les options, incluant des mesures législatives, pour contrer cette initiative. »

Everton a décrié l'« arrogance absurde » des clubs de Super Ligue. Les neuf titres d'Everton leur permettent d'occuper le quatrième rang dans l'histoire de la première division anglaise, et le club de Merseyside était considéré comme faisant partie de l'élite du pays dans les années 1980 et au début des années 1990.

« Le contrecoup est compréhensible et mérité, et doit être pris en considération, a fait savoir le conseil d'administration d'Everton dans un communiqué. Cette arrogance absurde n'est voulue nulle part dans le football en dehors des clubs qui ont élaboré ce plan. »

Le propriétaire majoritaire d'Everton, l'homme d'affaires anglo-iranien Farhad Moshiri, a beaucoup dépensé ces dernières années dans un effort pour amener l'équipe, dirigée par Carlo Ancelotti, dans la phase de groupes de la Ligue des champions pour la première fois.

West Ham poursuit également une place parmi les quatre premiers pour se qualifier en Ligue des champions pour la première fois. Le club de l'est de Londres a révélé que la Super Ligue était une « attaque contre l'intégrité sportive, sapant la compétition ».