MONTRÉAL - Dans les faits, il s'agissait d'un duel sans grande importance entre deux nations situées aux antipodes du globe terrestre, sans historique de riches confrontations passées et qui ne parviendront probablement jamais à établir une intense rivalité. Un match amical, selon le jargon du soccer.

Pourtant, par une froide soirée d'automne, 11 323 personnes se sont rendues au stade Saputo mardi, une preuve que le soccer féminin au Canada ne passe plus inaperçu, particulièrement depuis le courageux triomphe de l'équipe nationale aux Jeux olympiques de Tokyo.

Parmi cette foule se trouvaient un groupe exclusif de 30 adolescentes passionnées par ce sport.

Peut-être que par moments, l'attention de ces jeunes filles s'est détournée de l'action sur le terrain parce qu'elles se sont mises à rêver. Rêver, un jour, de porter l'uniforme de l'équipe nationale du Canada et de répéter son exploit du 6 août dernier au Japon.

« Cette équipe a donné, peut-être, une voie au soccer féminin au Canada. Le fait d'avoir gagné la médaille d'or, ça va ouvrir des portes pour nous, les générations plus jeunes. Ce qu'elles ont fait, c'est vraiment beau », croit Florianne Jourde, une Montréalaise de 17 ans dont le rêve est d'évoluer avec l'équipe nationale du Canada, de participer aux Jeux olympiques, à des Coupes du monde et de jouer au niveau professionnel.

Jourde est l'une de ces 30 adolescentes qui ont été témoins de la victoire de 1-0 du Canada contre la Nouvelle-Zélande et qui fait aussi partie du Programme Excel Féminin (PEF), né d'une initiative de Soccer Canada.

Ce nouveau programme sports-études, officiellement en marche depuis quelques semaines au Québec, est réservé à un maximum de 30 Québécoises âgées entre 15 et 18 ans. Ces filles doivent posséder le potentiel pour rejoindre les équipes nationales et en avoir le désir.

Successeur de l'ancien programme sports-études du Centre national de haute performance (CNHP), il permet à ces 30 adolescentes de s'entraîner pendant une année complète à raison de cinq après-midis par semaine au Centre sportif Bois-de-Boulogne à Laval, après être allées à l'école le matin.

« C'est un programme permanent qui leur offre des opportunités d'être vues par les équipes nationales, par des universités américaines, éventuellement par des équipes professionnelles », précise Julie Casselman, coordonnatrice du soccer féminin à Soccer Québec, qui fait aussi partie du groupe d'entraîneurs au sein du programme.

« C'est un programme qui va aider nos Québécoises à pouvoir rêver et pouvoir avoir des opportunités. C'est vraiment un bonus pour le soccer féminin qui a débuté il y a quelques semaines », ajoute-t-elle.

Le programme réunit divers spécialistes, notamment deux thérapeutes du sport, un préparateur physique et un responsable de la performance mentale, pour assurer aux jeunes filles un développement aussi complet que possible.

« J'aime les installations et les ressources qui nous sont offertes. On a tout ce qu'il faut », admet Janet Okeke, une Lavalloise de 15 ans qui s'était joint au programme du CNHP l'an dernier.

Offrir des opportunités

Avec plus de 53 000 jeunes filles inscrites à Soccer Québec en 2021, c'est plutôt facile de trouver 30 joueuses de classe élite qui rêvent d'atteindre le niveau professionnel ou l'équipe nationale.

La difficulté, à l'heure actuelle, vient plutôt du manque de débouchés dans la province et au pays pour ces jeunes filles ambitieuses et talentueuses.

"Ce sur quoi Soccer Québec doit travailler, mais avec d'autres partenaires, c'est d'offrir des opportunités de haut niveau aux joueuses québécoises", souligne Mathieu Chamberland, directeur général chez Soccer Québec.

« Chez les garçons, par exemple, il y a l'Académie du CF Montréal, il y a le CF Montréal qui est le club professionnel, et il y a, depuis 2019, la Canadian Premier League (CPL), une ligue professionnelle. Toutes ces opportunités, malheureusement, ne sont pas là chez les filles. Ça force une jeune fille à s'expatrier à l'extérieur de la province et même du Canada pour pouvoir vivre sa passion, pour pouvoir aspirer au plus haut niveau possible. »

Par ses fonctions d'analyste et son implication de longue date dans ce sport, Patrick Leduc a vu le soccer féminin grandir au fil de la dernière décennie au Canada. Au point où, note-t-il, la performance des équipes nationales féminines a surpassé celle des formations nationales masculines pendant de nombreuses années.

Aussi, il et a été épaté par le tour de force de l'équipe du Canada cet été au Japon. Toutefois, il rappelle que des joueuses de l'envergure de Christine Sinclair ne surgissent pas tous les ans.

« Sans un effort de développer les prochaines générations, sans un réseau de compétition qui amène du défi, on n'aura pas toujours les conditions alignées pour trouver des Christine Sinclair. Il y en a une par génération, au maximum, et parfois, ça peut sauter une ou deux générations. »

La médaille d'or de l'équipe féminine du Canada pourrait procurer cette rampe de lancement qui mènera à la formation d'équipes professionnelles au pays, voire d'une ligue comme la CPL.

Rosalie Olou, une Blainvilloise de 16 ans qui fait partie du PEF, le souhaite de tout c?ur.

« Avec cette médaille d'or, les gens peuvent constater à quel point le soccer féminin est à un niveau élevé au Canada. Ce serait plus accessible, plus facile d'avoir une ligue au pays, et je pense que la médaille peut nous apporter ça plus tard. »