MONTRÉAL – Après des mois de spéculations, de menaces et de rumeurs, l’incendie a fini par apparaître derrière le nuage de fumée. Ignacio Piatti, l’une des figures les plus marquantes de l’histoire de l’Impact en MLS, quitte après avoir donné un peu plus de cinq formidables années au club.  

 

Les circonstances entourant son départ laisseront un goût amer dans la bouche de plusieurs, mais elles ne devraient pas reléguer dans l’oubli tout ce que l’homme a accompli à Montréal.

 

« Je suis triste de partir »

Voici dix raisons de garder un bon souvenir de « Nacho ».  

 

« L’importance d’attaquer »

 

On ne savait encore trop ce que Piatti avait dans les jambes quand le Crew de Columbus est arrivé en visite au Stade Saputo le 30 août 2014. Débarqué à Montréal deux semaines auparavant, l’Argentin avait été intégré progressivement dans le onze par l’entraîneur Frank Klopas et n’avait rien produit offensivement à ses deux premiers matchs.

 

À la 30e minute du match contre Columbus, Piatti reçoit une passe à l’entrée de la surface et décoche un tir menaçant qui est repoussé par le gardien. « Il démontre qu’il comprend le jeu et l’importance d’attaquer », note alors l’analyste à la diffusion des matchs du Crew.

 

Sans blague! Dix minutes plus tard, Piatti a rendu la première copie de ce qui deviendrait sa carte de visite en MLS. Parti du centre du terrain, il a dévalé le flanc gauche à pleine vitesse, a effacé trois adversaires avec deux crochets du pied droit et a utilisé son gauche pour laisser partir un plomb dans le fond du filet.

 

Piatti a fini le match avec deux buts et a marqué dans chacun des deux matchs suivants. Une étoile était née.

 

Ignacio Piatti, Andrés Romero et Marco Di Vaio

 

L’homme des grandes occasions

 

L’Impact était déjà engagé dans la Ligue des champions de la CONCACAF quand Piatti, tout juste couronné champion de la Copa Libertadores avec San Lorenzo, s’est joint au club. Par sa contribution à la suite de ce magique parcours, « Nacho » a confirmé qu’il appartenait à cette trempe de joueurs qui se nourrissent de la lumière des projecteurs. Il a marqué un but dans le match aller de la demi-finale contre Alajuelense, un autre dans la première manche de la finale au Stade Azteca et a préparé les deux buts des siens dans la défaite ultime au Stade olympique.

 

« Quand c’est difficile, je sors quelque chose, avait expliqué Piatti à la fin de sa première saison complète à Montréal. C’est vrai. Dans les matchs plus importants, ce n’est pas de la pression que je ressens. C’est comme si tout venait du cœur. Il y a plus de passion. »  

 

La bête noire de Toronto

 

Dans le cœur des Montréalais, peu de matchs sont plus importants que ceux contre Toronto. Piatti a fait sa large part pour attiser le feu de cette brûlante rivalité, marquant un total de dix buts en autant de matchs de MLS contre les Reds. Seul l’Orlando City SC peut se plaindre d’avoir été martyrisé aussi souvent par l’assassin argentin.

 

On retiendra notamment son rôle (un but, une passe décisive) dans une victoire mémorable de 3-0 en match éliminatoire, au Stade Saputo, en octobre 2015. Piatti a aussi été au cœur de deux triomphes inespérés au BMO Field. Le 27 août 2016, il marquait l’unique but d’un match au cours duquel l’Impact a joué pendant une demie complète avec un homme en moins. Puis le 20 septembre 2017, il marquait deux buts et ajoutait deux passes décisives dans un gain de 5-3 sur un terrain où les locaux n’avaient toujours pas subi la défaite.

 

Un guerrier à l’étranger

 

Quand on parle de victoires en territoire hostile, impossible de ne pas penser au parcours éliminatoire de 2016. Cette année-là, l’Impact avait écrasé D.C. United dans un match de barrage, puis avait réalisé le tour de force de sortir vainqueur du Red Bull Arena. Piatti avait fourni un but et une aide dans la capitale américaine et avait marqué les deux buts nécessaires aux siens à New York.

 

Piatti a terminé ses séries avec quatre buts cette année-là. Tous ont été inscrits à l’étranger.

 

Sur le radar

 

L’année 2016 a véritablement été celle de l’éclosion pour l’ailier gauche de l’Impact. De vedette locale, l’Argentin a fait sa place parmi les étoiles de la MLS avec sa première de trois saisons consécutives d’au moins 16 buts.

 

Le 23 juillet, dans une victoire de 5-1 contre l’Union de Philadelphie, « Nacho » marque un but, fournit deux passes décisives et est crédité de huit tirs au but. Il compte alors huit buts à ses neuf derniers matchs et malgré le tour du chapeau de Didier Drogba, c’est son nom qui est sur toutes les lèvres.

 

« C’est un gars qui peut facilement être dans le top-3 de cette ligue, il le démontre match après match », remarquait Patrice Bernier. Le même soir, Evan Bush déclarait : « Il marque des buts dans des situations où, auparavant, il déjouait quatre joueurs adverses sans toutefois être capable de finir le travail. Maintenant, les résultats sont au rendez-vous et on se rend compte que les équipes adverses en sont très conscientes. »

 

Ignacio Piatti et Didier Drogba

 

David contre Goliath

 

L’Espagnol David Villa n’avait probablement jamais entendu parler d’Ignacio Piatti avant d’arriver en Amérique pour participer au lancement du New York City Football Club. Rapidement, une saine compétition et un fort respect mutuel se sont installés entre les deux rivaux.

 

Le 1er août 2015, les deux joueurs s’affrontent pour la troisième fois. Mais dans un match qui marquera aussi les débuts de Frank Lampard dans le maillot bleu poudre des New-Yorkais, c’est Piatti qui vole la vedette. Il marque deux buts, dont un sur penalty à la 84e minute, dans une victoire de 3-2, la seule de l’histoire de l’Impact sur la pelouse du Yankee Stadium.

 

Un c’est bien, deux c’est mieux

 

Piatti a réussi dix doublés à ses quatre premières saisons en MLS. Le 21 avril 2018, dans un match dont on se souvient surtout pour le retour de Laurent Ciman à Montréal, il complète le premier tour du chapeau de sa carrière en MLS. Son troisième but, inscrit à la 43e minute, donne une avance de 3-1 à l’Impact, qui doit alors se défendre à 10 joueurs après l’expulsion de Victor Cabrera. Ses efforts furent toutefois vains, les siens s’écroulant finalement vers un revers de 5-3.

 

Deux ans plus tard, Piatti quitte la MLS avec 14 matchs de plus d’un but à son palmarès.

 

Ignacio Piatti

 

Une autre corde à son arc

 

Longtemps reconnu pour sa réticence à partager le ballon à proximité du but adverse, Piatti a dévoilé une autre facette de son jeu en 2018 alors qu’il a terminé la saison au 10e rang de la MLS avec treize décisives. Il en a notamment distribué trois dans une victoire de 4-2 sur la Nouvelle-Angleterre en mai et trois autres dans un gain de 4-2 à Philadelphie en septembre.

 

Cette année-là, seuls Piatti et Carlos Vela sont parvenus à combiner un rendement d’au moins 13 buts et 13 passes décisives. En 135 matchs de saison régulière, Piatti quitte avec 35 aides à son compteur.

 

Un scrapbook bien rempli

 

Piatti a été élu quatre fois Joueur par excellence de l’Impact et a été invité trois fois au Match des étoiles de la MLS. Il a récolté une passe décisive sur un but de Jozef Martinez à sa troisième participation à la classique annuelle du circuit Garber. Seul Mauro Biello a marqué plus de buts que lui dans l’histoire de l’Impact.

 

Son nom sera admissible au Mur de la renommée du Stade Saputo en 2029. Vous pouvez commencer à astiquer sa plaque.

 

Un cadeau de départ

 

Piatti quitte au moment où l’Impact aurait le plus besoin de lui. Sans son faiseur de miracles, quelles sont les chances du Bleu-blanc-noir d’étirer son parcours en Ligue des champions en 2020?

 

Consolez-vous en vous disant que cette aventure n’aurait peut-être pas lieu sans la contribution essentielle du Magicien lors du dernier Championnat canadien. Piatti a peut-être eu un impact limité sur le dénouement de la dernière saison MLS, mais la Coupe des Voyageurs serait-elle revenue à Montréal sans ses buts contre York9 FC, Calgary et Toronto?

 

« Nacho » est peut-être parti, mais son héritage est littéralement bien vivant. 


Ignacio Piatti soulevant la coupe des Voyageurs en 2019.