MONTRÉAL – Un feu a été allumé dans une poubelle au coin d’une rue. Les flammes gagnent rapidement en hauteur, l’épaisse fumée noire rend l’air irrespirable et une forte odeur de roussi imprègne tout le quartier. Pendant que la panique s’empare des passants, personne ne semble remarquer que le pyromane profite de la diversion pour vider le coffre-fort du commerce d’en face.

Mais du haut d’une tour adjacente à la scène, un homme a tout vu. Bien sûr qu’il croit important d’éteindre l’incendie, il y a même urgence d’agir. Mais son premier réflexe est de prioriser l’interception du criminel, sachant que si on ne lui met pas la main au collet, les chances qu’il répète son manège sont assez élevées.

La frustration des dix premiers matchs

Ce perspicace observateur, c’est Rémi Garde, et le feu qui accapare l’attention de tout le voisinage, c’est l’état de sa défensive. Mercredi à Chicago, l’Impact a perdu un point précieux en concédant un but à la 88e minute de jeu. Comme le relève le collègue Patrick Friolet dans sa plus récente chronique, il s’agissait du 15e but accordé par la formation montréalaise dans les trente dernières minutes d’un match. Pour vous donner une idée de l’ampleur du désastre : neuf des onze équipes de l’Association Est n’ont même pas encore accordé 15 buts depuis le début de la saison.

On vous disait que ça ne sentait pas très bon.

Garde savait qu’il serait interrogé au sujet de ce toxique brasier au retour du voyage crève-cœur de son équipe, mais il a préféré prendre en chasse le filou et a fait dévier les questions sur ce qu’il juge être sa première préoccupation, soit le rendement de son attaque.

La logique du coach : si ses joueurs avaient démontré une plus grande volonté à se projeter vers l’avant pour mettre la défensive adverse en danger, plutôt que d’errer du côté de la prudence, ils n’auraient potentiellement pas été exposés au coup d’assommoir qu’ils ont encaissé à la toute fin d’un match somme toute prenable.

« Je crois que sur ce match, on a assez bien défendu, estimait Garde lors de sa rencontre avec les journalistes vendredi. Mais je crois surtout qu’on a trop défendu. On n’a pas assez bien attaqué. Pour moi, le problème était surtout de ce côté-là. Parfois, pour bien défendre, il faut mieux attaquer aussi. Je dis toujours l’inverse, mais là, je pense que sur ce match, on a donné beaucoup trop de ballons faciles à l’adversaire. On n’a pas eu les bonnes réponses qu’on a pu avoir jusqu’à présent, on n’a pas eu les bonnes positions. Je n’ai pas vu de jeu combiné à trois sur les côtés. On a été timides, voilà. »

« Pour moi, en revoyant le match, la frustration est plus d’un point de vue offensif, d’un point de vue des intentions de jeu qu’on n’a pas nécessairement eues. C’était un match où, pour moi, on avait la place pour le faire. »

L’Impact n’a pas été complètement éteint contre le Fire. En première demie, il aurait suffi d’une touche un peu mieux mesurée d’Ignacio Piatti ou d’un synchronisme légèrement ajusté entre Daniel Lovitz et Anthony Jackson-Hamel pour lancer le onze montréalais en avant. En deuxième, des cafouillages et des baisses de lucidité dans la surface ont aussi empêché l’Impact de s’approcher – littéralement – du but.

« On ne peut pas vraiment se permettre de rater des chances du genre sur la route, a reconnu Lovitz. Éventuellement, l’équipe locale va toujours trouver le moyen de rester dans le coup. On a été les seuls responsables de notre vulnérabilité en fin de match. »

« Mais au-delà des opportunités qu’on s’est créées, qu’on aurait dû concrétiser et qui aurait changé la physionomie du match, je maintiens qu’on n’a pas eu les comportements collectifs qu’on avait eus jusqu’à présent et qui auraient pu déstabiliser cette équipe », a renchéri Garde.

Pendant qu’on fait grand cas des largesses défensives de l’Impact, une réalité tout aussi troublante est peut-être oubliée. Dans sept de ses dix matchs, l’attaque montréalaise a été blanchie ou limitée à un seul but.

« Je crois que tout le monde veut aller dans la même direction. Je ne remets pas en cause l’envie des joueurs de gagner, a défendu Garde. Je crois que là, il y a peut-être eu une envie un peu trop individuelle, justement, parce que les uns et les autres ressentent qu’ils ont des responsabilités. Ils veulent bien faire, je ne remets pas ça en cause. Je pense que le défi pour les prochains matchs... On l’a vu contre New England, quand on joue bien collectivement, il y a des individualités qui sortent, naturellement. »

À s’en mordre les doigts

Le retour bredouille de l’Illinois peut être vu comme une occasion ratée pour l’Impact, qui a vu deux rivaux directs s’incliner lors de la même soirée. Pendant que l’Union de Philadelphie, qui sera le visiteur samedi au Stade Saputo, perdait à Columbus, Toronto FC était battu chez lui par les Sounders de Seattle.

Comment faire pour redresser la barque?

« Quand la saison tirera à sa fin, on repensera certainement à ce segment du calendrier en se disant qu’on a laissé passer une belle opportunité, approuvait Lovitz. Et je crois que les gars le savaient. Les gars qui étaient sur le terrain, on a l’impression qu’on a été battus par une équipe qui ne devrait pas nous battre. Et ce match en particulier, c’est un match qu’on n’aurait pas dû perdre. »

Conscient des points qui ont été gaspillés, Lovitz dit tout de même ne pas accorder trop d’attention à l’allure du classement.

« Je le regarde, mais je n’y accorde pas encore vraiment d’importance. Par exemple, je ne m’attends pas à ce que Toronto reste dans la cave très longtemps. Je ne m’attends pas à ce qu’on reste où l’on est non plus. On sait qu’il y aura énormément de mouvement au cours des prochains mois, surtout dans les semaines plus occupées de l’été. Je ne crois pas que ça énerve bien des gars à cette période de l’année, mais je comprends que ça fasse quand même jaser. »