MONTRÉAL – Peut-être que Rémi Garde a trop parlé. Ce qui est certain, c’est qu’il n’a rien inventé. Après avoir regardé passer la parade pendant les trois dernières fenêtres de transferts, l’Impact souffre indéniablement d’une carence de talent. Mais la MLS ne fera pas de pause pour laisser la formation québécoise rattraper le train. Pour y remédier, il faudra du temps et de la patience.

 

En attendant, l’énergie semble circuler par un malheureux cercle vicieux dans l’entourage de l’équipe. Un entraîneur exigeant frustré par un groupe qui n’en donne pas assez. Des joueurs improductifs qui se braquent contre des méthodes difficiles à instaurer.

 

Quelle est la cause et quelle est la conséquence?

 

S’il est aussi bon qu’on le dit, Garde devrait être capable de galvaniser ses troupes, aussi imparfaites soient-elles. Mais chacun de ses joueurs doit également se prêter à une sérieuse introspection. Personne n’est exempt de blâme et d’un côté comme de l’autre, la proactivité doit primer sur l’apitoiement.

 

Sans prétendre réinventer la roue, voici cinq conditions à l’arrivée de jours meilleurs.

 

Simplicité volontaire

 

On revoit encore Chris Duvall, à la 24e minute du match contre Minnesota United samedi, tenter une passe à travers la surface alors qu’un large corridor de tir s’ouvrait devant lui. Et Ignacio Piatti, pas plus fin, qui gaspille une occasion toute aussi précieuse une fois le ballon miraculeusement arrivé à ses pieds.

 

On repense aussi à Raheem Edwards, quelques minutes plus tard, qui hésite à utiliser son pied droit et qui perd un précieux ballon près des six mètres. Que ce soit une question de capacité ou de volonté, personne n’est en mesure de faire la différence.

 

« On n’est pas capables de concrétiser nos chances, reconnaît Samuel Piette. On se rend souvent dans le tiers offensif. Quand on part de derrière, on sort bien la balle, on se rend dans des zones dangereuses, mais on n’est pas capables de mettre le ballon au fond du filet. Je trouve qu’on manque de justesse dans le dernier geste, surtout dans la décision de la dernière action. Un tir, un centre ou dribbler? On ne fait pas toujours les bons choix dans la zone offensive. »

 

L’insécurité est flagrante. Dans ces circonstances, ramener le jeu à sa plus simple expression pourrait être un bon point de départ.

 

Frapper le cadre

 

Quand ils se décident à tirer, les joueurs de l’Impact sont incapables de le faire avec précision.

 

Sur l’ensemble des quatre derniers matchs, ils ont décoché un total de 63 ballons vers le filet adverse. Seulement 15 d’entre eux ont atteint la cible, pour un taux d’efficacité de 23,8%.

 

En comparaison, le Revolution de la Nouvelle-Angleterre a disputé trois matchs depuis qu’il a été corrigé sur le terrain du Stade Saputo au début du mois. Des 40 tirs qu’il a générés, 18 ont été placés à l’intérieur des poteaux et six se sont retrouvés dans le fond du but.

 

C’est six de plus que l’Impact au cours de la même période.

 

Un projet inclusif

 

Garde veut implanter une nouvelle culture. Pour ce faire, il compte sur une vision et des méthodes qui lui sont propres et il mérite qu’on lui laisse le temps de les implanter. Toutefois, force est d’admettre que l’ancien de l’Olympique lyonnais n’a rien fait pour rendre son projet rassembleur depuis son arrivée.

 

Bien avant que ses déclarations ne révèlent réellement le fond de sa pensée, Garde avait clairement laissé voir ce qu’il pensait des joueurs à sa disposition. En ignorant presque complètement ses réservistes lors d’une séquence de trois matchs en huit jours, au début du mois, l’entraîneur a raté une belle occasion d’impliquer tout son monde dans une aventure qui en est à ses balbutiements.

 

Si on dit à Louis Béland-Goyette qu’il n’a pas ce qu’il faut pour affronter l’équipe B d’un club de bas de classement, alors que ses coéquipiers n’ont plus rien dans les jambes, comment peut-il sentir qu’il fait partie de la solution?

 

Qu’aurait-on à perdre à faire jouer Dominic Oduro, un vétéran respecté qui démontre une attitude irréprochable malgré les circonstances défavorables? Pourrait-il vraiment faire pire que ceux qui lui sont présentement préférés?

 

Ces deux joueurs, comme tous les autres dont la place dans le groupe des 18 joueurs en uniforme est une incertitude hebdomadaire, ne sont pas des sauveurs. L’Impact manque de qualité sur le banc, c’est clair pour tout le monde. Mais en leur trouvant une place plus fréquemment sur le terrain, Garde limiterait les risques de dissension en ces temps fragiles.

 

Pour l’instant, le coach semble prêt à vivre ou mourir avec les mêmes onze joueurs. Avec les résultats qu’on connaît.

 

Appel aux leaders

 

À la défense de Garde, ceux qu’il fait jouer doivent être meilleurs.

 

Ignacio Piatti n’est qu’une pâle copie de lui-même depuis son étincelante performance contre la Nouvelle-Angleterre. Il a été particulièrement absent en fin de semaine contre le Minnesota et mardi, son entraîneur a évoqué sans trop de subtilité que son joueur étoile avait mal reçu les récentes allusions du président Joey Saputo, qui semble déjà regretter le lucratif contrat qu’il a consenti à l’Argentin.

 

Mais « Nacho » n’est pas le seul qui ne semble pas dans son assiette. Anthony Jackson-Hamel n’a cadré que deux tirs en plus de 200 minutes depuis son doublé du 5 mai. Le joueur désigné Saphir Taïder n’a pas noirci la feuille de pointage depuis cinq matchs. Et Alejandro Silva, après dix matchs à Montréal, tarde à démontrer les qualités qui ont incité l’état-major de l’Impact à le déraciner de l’Amérique du Sud. Sa brève sortie au Minnesota a sans doute été l’une de ses plus ardues en bleu-blanc-noir.

 

« Alejandro était un peu moins bien sur ce match, a concédé Garde. Il est arrivé en cours de saison, ça demande peut-être un peu plus de temps. La semaine dernière, il avait joué à son poste préférentiel, qui est attaquant du côté droit. Là il était revenu au milieu parce que je pense qu’il peut évoluer là après avoir discuté avec lui et les gens qui le connaissent bien. Voilà. Parfois, on est un peu moins bien. Ça peut arriver. »

 

Un mot à bannir

 

Arrêtons de parler du prochain mercato.

 

À l’heure où il est, tout le monde a compris qu’un grand ménage estival se prépare. Mais l’accent a tellement été mis sur cette prochaine fenêtre d’opportunités, question d’entretenir l’espoir, qu’on semble oublier que pour chaque arrivée, un joueur devra partir.

 

Vous défonceriez-vous au boulot si vous aviez l’impression qu’on vous foutra à la porte d’un jour à l’autre?

 

« J’ai essayé de faire en sorte que ça ne soit pas quelque chose de préoccupant pour les joueurs, se défend Garde. Parce qu’on en est très loin, de ce marché d’été, et ce n’est pas moi qui ait mis ça sur le tapis. Maintenant j’essaie d’agir avec les outils dont je dispose. Évidemment que les joueurs sont là jusqu’au 8 juillet minimum. C’est ce que je leur avais dit quand ça s’était fermé. Si, au 8 juillet, les routes doivent se séparer, on actera à ce moment-là, mais il se trouve que l’actualité a fait qu’on en parle beaucoup plus tôt et moi j’essaie de tenir tout le monde. »

 

« Les joueurs ont quand même intérêt à donner le meilleur d’eux même, ajoute l’entraîneur. Déjà parce qu’on est professionnels et on doit avoir de la passion. Le foot, ce n’est pas qu’être professionnel. C’est être passionné, c’est aimer son métier, c’est venir s’entraîner dans des très belles conditions comme celles qu’on a ici. C’est aimer gagner, aimer souffrir, aimer faire des courses où parfois on ne va peut-être pas recevoir le ballon, mais on va le récupérer ou on va aider son copain à le récupérer. C’est de la passion. C’est de ça, moi, dont j’ai envie de parler, et non de tout ce qui peut arriver quand on perd deux ou trois matchs de suite. »​

Garde persiste et signe avec « le manque de talent »