MONTRÉAL – Samedi prochain, pendant que l’Impact et le Toronto FC écriront le plus récent chapitre de leur rivalité sur la surface synthétique du Stade olympique, Mauro Biello débarquera en Espagne avec l’équipe nationale canadienne. Il s’agira de sa première mission à l’étranger dans ses nouvelles fonctions d’adjoint au sélectionneur John Herdman.

Biello supervisera la préparation du groupe qui aura été choisi pour prendre part à un match amical contre la Nouvelle-Zélande. Mais à son agenda est également inscrite une importante mission : rencontrer Ballou.

« Il joue au même endroit où on va tenir notre camp d’entraînement, explique-t-il en repassant dans sa tête la logistique nécessaire pour revoir son ancien joueur. On arrive le samedi et je pense qu’il joue la même journée, alors je vais regarder s’il y a moyen de faire concorder mes vols. On a déjà échangé quelques messages textes. J’aimerais le voir, ça serait bien. »

Bien qu’anecdotique, ce bref coup d’œil à l’emploi du temps de Biello illustre parfaitement le lien indéfectible qui existe entre son passé et son présent. Impossible de parler de lui, et encore moins de lui parler, sans ramener à la surface la fin de son association avec le club qu’il a représenté pendant 25 ans comme joueur et entraîneur, le club qui fut jadis toute sa vie.

Avant de pouvoir s’imaginer supporter d’autres couleurs que le bleu-blanc-noir qui a, pendant un quart de siècle, teinté ses larmes et son sang, Biello a eu besoin de temps. Les années passées à la barre de l’Impact, un intense entremêlement d’euphorie et de conflits, de grands rassemblements et de douloureuses séparations, l’avaient laissé quelque peu essoufflé. Le repos et la réflexion s’imposaient.

« Ce n’est jamais facile à vivre, convient-il quand il repense aux mois qui ont précédé la séparation. C’est sûr que 2017 a été une année difficile. Mais si je regarde les deux saisons précédentes, on a eu beaucoup de succès et on a vécu tellement de grandes émotions. La dernière année a été plus difficile et ça fait partie du rôle d’un entraîneur de gérer tout ça. Avant les dix derniers matchs, je pense qu’on était pas mal corrects, puis les choses ont commencé à se dégrader. À la fin, l’équipe a pris une décision qui fait partie de la vie d’un entraîneur. Je savais, quand j’ai signé le contrat, que ce jour-là arriverait. »

Malgré les mauvais résultats générés par l’Impact en 2017, le congédiement de Biello a été décrit par plusieurs comme une injustice. Ses défenseurs ont dénoncé les mauvaises décisions prises par le staff technique après l’élimination de l’équipe en finale de l’Association Est l’année précédente. De lourds contrats ont été accordés à des vétérans qui n’ont pas livré et les renforts importés en cours d’année ont été insuffisants.

D’autres ont dénoncé la sortie indigne qui a été réservée à une figure légendaire de l’organisation. Pendant le dernier mois de son règne, Biello a dû commenter sur une base hebdomadaire les rumeurs de son congédiement imminent. Lors de son bilan de fin de saison, le président de l’équipe, Joey Saputo, a avoué qu’il avait commencé ses recherches pour un éventuel successeur au mois de juillet.

« Je ne veux pas rentrer là-dedans, interrompt poliment celui dont le numéro 20 est retiré dans les hauteurs du Stade Saputo. Les fans et les journalistes pourront en discuter. Moi, maintenant, je veux me concentrer sur mon avenir. C’est sûr que ce n’est pas une saison qui s’est terminée de la bonne manière, mais c’est derrière moi maintenant. »

« Ça va m’aider à grandir professionnellement »

Biello dit avoir eu des discussions avec Saputo au sujet d’un possible prolongement de son association avec l’Impact, dans un rôle qu’il ne précise pas. Il a aussi reçu des appels d’autres clubs s’informant de sa disponibilité ou de son possible intérêt pour leur projet. Certaines conversations se sont rendues plus loin que d’autres, mais aucune n’a attiré son attention comme celle qu’il a eue avec les dirigeants de Soccer Canada.

Biello avait rencontré John Herdman à une seule reprise, très brièvement, dans une formation pour entraîneurs en 2016. Un peu plus d’un an plus tard, les patrons du programme national voulaient savoir s’il pouvait s’imaginer travailler à ses côtés.

« Une semaine ou deux après l’annonce de son embauche, j’ai eu un appel de John, raconte Biello. On a eu une bonne discussion. Il m’a dit qu’il avait une longue liste d’entraîneurs, du Canada et d’ailleurs, qui étaient considérés pour un poste d’adjoint. Il est venu à Montréal, j’ai fait une présentation et on m’a rappelé pour me dire que ma candidature était l’une des trois dernières en lice. J’ai passé une ou deux autres entrevues avec les dirigeants de l’Association, puis on m’a dit que j’avais le poste. »

« J’étais extrêmement content. Durant toutes les rencontres que j’ai eues avec John, j’ai eu la chance d’apprendre à le connaître, de comprendre comment il veut travailler, ce qu’il veut mettre en place. Je trouve que c’est extrêmement intéressant. Et d’un point de vue personnel, ça va m’aider à grandir professionnellement. C’était quelque chose de bien pour ma carrière et pour ma famille. »

En plus de son rôle d’entraîneur-adjoint au sein de l’équipe senior, Biello devient aussi directeur du programme U23, un titre qui pourrait l’amener à diriger le Canada aux Jeux olympiques. Il travaillera à partir de Montréal, mais deviendra un visage familier dans les aéroports du pays. En plus de suivre l’équipe première dans ses déplacements, il parcourra le Canada pour visiter les associations provinciales et les clubs professionnels afin de voir au développement du talent local.

« John travaille de façon très structurée. Il veut aligner tous les programmes et mon travail à moi, ce sera de suivre nos jeunes et de m’assurer qu’ils soient dans des environnements où ils peuvent progresser et monter à tous les niveaux, du U17 à l’équipe nationale. C’est très important d’assurer un suivi de leur développement sur le terrain, mais aussi de travailler étroitement avec les instances qui les supervisent. »

C’est donc dire que le jour viendra où Biello devra rencontrer Rémi Garde, son successeur, pour s’informer de l’état d’esprit d’Anthony Jackson-Hamel, de la forme physique de Samuel Piette ou de la léthargie de Raheem Edwards. Malaise? Lourdeur? Jalousie? Biello rejette toutes ces possibilités.

« Non, ça ne sera pas bizarre. C’est normal de discuter d’un joueur, comment il va à l’entraînement, comment il est dans sa tête. C’était la même chose pour moi quand j’étais entraîneur-chef, j’avais des discussions avec le sélectionneur du Cameroun pour Oyongo, avec le sélectionneur de la Belgique pour Ciman. C’est normal d’avoir ces discussions, ça fait partie du suivi qu’on doit faire. C’est du travail », assure Biello.

Mais pour l’instant, Garde ne peut lui être d’aucune aide. Le joueur qu’il a dans sa mire est une vieille connaissance qui est lui aussi libéré du giron de l’Impact. Biello s’en va voir Ballou comme supporteur et comme ancien entraîneur, mais les retrouvailles prendront aussi des airs d’opération séduction.

« C’est sûr que je vais mettre mon chapeau de sélectionneur adjoint de l’équipe nationale. Ballou, c’est un joueur important. On sait qu’il est attaché à [la Côte d’Ivoire], mais si on a la chance de l’avoir avec l’équipe canadienne... Je vais lui en parler pour voir c’est quoi ses plans. On va voir. »​