Ce fut un match dantesque, un de ces rendez-vous auquel on se rend la peur au ventre, le souffle court et la gorge nouée. Où on craint le résultat autant qu’on l’espère. Un match de tous les dangers avec l’euphorie ou le désespoir en guise de conclusion. Ce fut, malheureusement, le désespoir.

L’Impact s’était compliqué la tâche en accordant deux buts au Stade olympique et dès lors, on savait qu’il avait donné quelque chose en pâture aux loups qui rôdaient. Cette chance de redresser les épaules, de sortir la tête de l’eau, de s’accrocher à l’arbuste alors que la terre se dérobe sous les pieds. Avec un adversaire comme le Toronto FC, avec des guerriers de la trempe d’Altidore, de Bradley, de Cooper, sans parler de Giovinco et de Moor, c’était jouer avec le feu. Et l’Impact s’est brûlé.

Le BMO Field était rempli à craquer et la proximité des gradins avec le terrain donnait de la voix aux 36 000 spectateurs comme s’ils avaient été 60 000. L’ambiance surchauffée, malgré la pluie froide qui tombait, a aidé la cause de l’équipe locale. En conférence de presse après le match, le capitaine Bradley le disait, cette foule les a supportés, les a aidés à se relever quand ils étaient atteints et les a poussés devant quand ils manquaient d’énergie. Le douzième joueur était en voix et il l’a fait entendre.

Pourtant, l’Impact n’était pas sans ressource. Il s’est même retrouvé qualifié à quelques reprises dans le match : les trente premières minutes, alors que Toronto devait aller chercher deux buts après celui d’Oduro, puis quand l’étrange but de Piatti a nivelé la marque qui redonnait la qualification perdue suite au doublé Cooper-Altidore. Mais l’improbable 3-2 qui allait obliger la prolongation s’est produit quand Nick Hagglund a marqué son premier but de la saison, une prolongation qui a été réglée bien vite. Deux buts rapidement enfilés, une cause pliée devant un Impact étourdi qui sentait qu’on tirait le tapis sous ses pieds.

Cette finale de championnat s’est jouée dans les détails, d’ailleurs le diable ne s’y trouve-t-il pas? Des détails comme ces coups francs meurtriers qu’on aurait pu mieux défendre ou encore mieux éviter. Les errances défensives, la latitude accordée à l’adversaire dans la surface de réparation, le recul soudain alors que l’équipe bénéficie d’une avance parfois confortable. Les fautes qui n’ont pas été sifflées, les cartons qui n’ont pas été donnés. Le banc sur lequel il faudra se pencher pour lui apporter plus de profondeur.

La défaite fait mal. Très mal. Les joueurs ont quitté le terrain abattus, la pluie se mêlant aux larmes de dépit qui mouillaient les joues de certains. C’est un Mauro Biello brisé qui s’est présenté devant les journalistes au point de presse. Déçu, mais fier en même temps du parcours incroyable parcouru par ses joueurs. Mauro a beaucoup utilisé le terme « grandir » durant la saison. Grandir au fil des expériences, grandir au fil des matchs. S’il y a beaucoup à tirer d’une victoire, il y a peut-être encore plus à tirer d’une défaite. On dit qu’il n’y a pas de héros sans chute. L’Impact est tombé hier, mais l’important est de voir maintenant comment il se relèvera.

En attendant, les prochains jours seront cruels pour ces joueurs que le public a appris à connaître et à aimer. L’abattement marquait les traits du capitaine Patrice Bernier qui ne s’est jamais défilé pour représenter son équipe dans les moments heureux ou malheureux. Hassoun, Marco, Matteo, Laurent, Victor, Evans, Ambroise, Hernan, Dominic, Ignacio, Didier, Johan, Harry et tous les autres ont réussi à tisser un lien d’attachement entre eux et le public devenu partisan et de plus en plus fan. Comme ces deux amateurs qui ont changé leur itinéraire de voyage de retour de Calgary pour faire un arrêt à Toronto afin d’assister au match et qui faisaient et défaisaient des plans de voyage à Seattle au fur et à mesure que le match progressait.…

Chose certaine, le spectacle a été intense et les amateurs, convaincus ou néophytes, en auront eu plein la vue. Et qu’on ne vienne plus me dire qu’il n’y a pas de buts au soccer. Douze dans une série aller-retour, c’est un record de la ligue. L’Impact a probablement perdu contre le premier vainqueur canadien de la Coupe MLS. Mince consolation, direz-vous, et en plus, le Toronto FC n’a pas encore gagné. Mais il jouera à domicile et encore une fois la foule sera au rendez-vous. Et si Altidore joue à la moitié de l’intensité qu’il a démontrée devant l’Impact, Seattle sera quand même en eaux troubles.

La saison 2016 est terminée pour l’Impact de Montréal. Les joueurs, les entraîneurs, les partisans décanteront tout ça et dans quelque temps, les beaux souvenirs remonteront à la surface pour mettre un baume sur les blessures fraîches. Et de beaux souvenirs, il y en a eu suffisamment pour qu’on ait hâte à l’année prochaine.