TORONTO – Quand Greg Vanney a rappelé Sebastian Giovinco au banc et l’a remplacé par Benoit Cheyrou au début de la période de prolongation du match retour du Championnat de l’Est, peu de gens ont cru que l’entraîneur du Toronto FC venait de déplacer ses pions de façon à assurer son équipe d’une qualification pour la danse finale.

« C'est dur, on avait le contrôle »

Giovinco est l’un des attaquants les plus menaçants du continent, le premier à connaître deux saisons consécutives de plus de trente points en MLS. Cheyrou, un milieu de terrain vieillissant, n’avait pas vu d’action depuis plus d’un mois. Il n’avait marqué qu’un but en 44 matchs au cours des deux dernières années.

Au change, l’Impact ne pouvait être perdant, n’est-ce pas?

Mais en deux minutes, avec une seule touche, Cheyrou a influencé la trame narrative de l’un des plus importants matchs de l’histoire du soccer canadien, brisant le rêve montréalais et envoyant les méchants Torontois aux portes d’un premier championnat.

« Quand Giovinco est tombé au combat, je crois qu’on est devenu un peu trop complaisant et arrogant dans notre façon de défendre et ça nous a fait mal. Malheureusement, on n’a jamais pu s’en remettre, a candidement admis le gardien Evan Bush dans un vestiaire éteint au terme d’un match que l’Impact a finalement perdu 5-2.

« C’était un piège », a reconnu Hassoun Camara, complètement à plat devant son casier. C’est lui qui avait le mandat de couvrir son compatriote sur le jeu qui a fait la différence.

« Benoit, je le connais depuis dix ans, je sais de quoi il est capable, a poursuivi le grand défenseur. Il a su profiter de l’espace et mettre la tête. J’ai essayé de le contrer. Malheureusement, j’ai vraiment été à court de peu sur ce duel. C’est dommage, vraiment dommage. Bravo à eux. De notre côté... franchement je ne sais pas quoi dire. Je suis désolé. C’est juste très dur ce soir. »

La déception était grande chez l'Impact

Pour Marco Donadel, le problème trouvait sa source en amont du but décisif. Le vétéran milieu de terrain croit qu’à partir du moment où Ignacio Piatti a créé l’égalité et donné l’avantage à l’Impact, au total des buts, à la 53e minute du match, les visiteurs avaient le devoir de mieux protéger leurs acquis.

« Nous avons fait les mêmes erreurs que lors du match aller. Nous n’avons pas été en mesure de bien gérer le match, constatait l’Italien de 33 ans. À 2-2, nous n’avons rien fait pour conserver notre avantage, comme la semaine dernière quand nous menions 3-0. Je crois que c’est la plus grosse erreur que nous avons commise. »

« Je suis très fier de cette équipe »

« C’est peut-être ma mentalité italienne, mais quand vous êtes à égalité 2-2 avec 20 minutes à faire, vous devez jouer à fond les 20 dernières minutes, a poursuivi Donadel, qui a ouvertement reconnu sa part de responsabilité dans l’effondrement des siens. Il n’y a pas de raison pour donner des coups de pied de coin comme nous l’avons fait. À la fin, je crois qu’ils ont été meilleurs que nous sur l’exécution des détails. »

« Avec du recul, je crois qu’on aurait dû pousser davantage pour aller chercher un but de plus avant la prolongation, au moment où les buts à l’étranger étaient toujours un facteur, croyait pour sa part Evan Bush. Si on avait été capable d’en mettre un de plus au tableau, ça leur en aurait pris deux pour nous sortir... »

« Le moment le plus difficile de ma carrière »

En plus de ruminer l’échec collectif, Camara passait en revue les erreurs individuelles qui avaient caractérisé sa soirée. L’un des piliers des succès de l’Impact en 2016, l’une des voix les plus respectées dans un vestiaire tapissé de vétérans, le vétéran de 31 ans a connu un match difficile à Toronto.

« Que ce soit sur les coups de pieds arrêtés, on devait être plus vigilants, moi le premier, a-t-il confessé. Sur le but d’Altidore, je pense que je peux faire mieux que ça. [...] Je pense que les coups de pieds arrêtés ont été la clé du match. On sait qu’ils sont costauds là-dessus et on n’a pas été à la hauteur. »

Les joueurs de l’Impact savaient qu’ils devraient survivre à une forte pression après avoir cédé une parcelle d’espoir un peu trop grande aux Rouges dans le match aller. Pendant 65 minutes, ils sont parvenus à conserver l’avantage, traversant en alternance l’opportunisme et la souffrance, l’euphorie et le découragement. Mais la résistance fut vaine, le dernier mot évanescent.

« C’est peut-être le moment le plus difficile de ma carrière, a soupiré Camara. C’était un match avec beaucoup d’émotions, un match où on a eu des temps forts, mais ils en ont eu aussi et ils ont su en profiter plus que nous. »

« Je ne veux pas dire qu’on s’est cru en finale, mais c’est sûr que quand tu marques deux buts à l’extérieur, tu te dis que le plus dur est fait. C’est sûr que tu sens que tu en as fait assez pour te rendre. Mais bon, clairement, ce n’était pas assez », constatait Patrice Bernier, qui ne se souvenait pas avoir pris part à une série ponctuée d’autant de rebondissements.

« Ça a été un match très émotif à cause de ce va-et-vient de buts, tous les changements d’avances. C’était une montagne russe d’émotions », tentait de décrire le capitaine, dépité.

« Quand vous jouez des matchs aussi relevés, c’est difficile, tentait d’expliquer Camara. Vous avez l’impression que vous y êtes, que vous touchez la coupe d’une main,  et ensuite vous n’y êtes plus.  Puis vous revenez, vous vous battez  jusqu’à la fin. Malheureusement, ce n’est pas pour nous cette année. On a essayé de tout faire pour ramener la coupe à Montréal. Je pense que c’est ce qui fait le plus mal. On voulait le faire pour nos partisans et on ne l’a pas fait. »