La période de floraison approche pour les Roses
LAVAL – À l'heure convenue, Marinette Pichon et Robert Rositoiu sont apparus avec rien d'autre que deux sourires et un micro. Tout ce qui les entourait – un vestiaire spectaculaire, une grande salle de musculation, un lounge apaisant et une intime salle de réunion – n'existait pas il y a quelques semaines à peine.
« Ça paraît fou parce qu'on est partis de rien. C'était vraiment une feuille blanche », s'épatait Pichon.
La directrice sportive des Roses de Montréal parlait spécifiquement du nouveau centre d'entraînement de l'équipe, où les médias avaient été conviés à une visite guidée jeudi. Mais son analogie s'appliquait tout aussi bien au projet sportif qu'elle a imaginé et qui est en train de prendre forme au Complexe sportif du Collège de Bois-de-Boulogne.
Dans le jargon botanique, on pourrait dire que Rositoiu, l'entraîneur-chef de l'équipe montréalaise de la nouvelle Super Ligue du Nord, n'avait jusqu'à tout récemment dans les mains qu'un sac de semences. Mais le temps file et la période de floraison approche pour les Roses FC.
L'équipe a déjà complété la moitié de sa préparation en vue de sa saison qui sera lancée le 19 avril à Toronto. Les cinq dernières semaines ont servi à Rositoiu et son groupe d'adjoints à se « mettre à niveau » et à « apprendre le même langage » pour ensuite transmettre les bases de leur philosophie sportive à leurs athlètes. « Sur le terrain avec les joueuses, c'est de parler de comment on voit le jeu ensemble. On appelle ça "see together, solve together". [...] Les situations et les principes de jeu, c'était la première étape. »
« C'était un peu la vitesse de croisière, illustre Pichon. Mais là, on entre en mode Formule 1 pour les cinq prochaines semaines »
L'équipe disputera un premier match préparatoire à huis-clos le 20 mars contre une équipe semi-professionnelle. Une première rencontre devant public devrait avoir lieu une semaine plus tard à Québec. Suivront une série de tests « contre des oppositions plus ou moins élevées ». Le souhait du club est de conclure sa préparation contre une équipe rivale de la SLN.
La composition de l'effectif demeure un travail en cours, tout comme l'installation d'une hiérarchie à l'intérieur de celui-ci.
L'équipe compte présentement 19 joueuses sous contrat, une de moins que le minimum requis. Elle n'a aussi comblé que deux des quatre places réservées à des joueuses de moins de 18 ans. Des ajouts sont donc à prévoir d'ici le début de la saison.
Chaque équipe de la SNL pourra compter à son bord une joueuse désignée dont le salaire ne comptera pas contre son plafond salarial. Pichon a précisé que les Roses n'ont toujours pas recruté cette joueuse au statut particulier. « On a plusieurs cibles actuellement », a-t-elle glissé au milieu d'une réponse, laissant planer la possibilité que son équipe amorce la saison sans cette joueuse désignée.
Des beaux problèmes
Dans un vaste vestiaire qui brille encore comme un sou neuf, le nom et le numéro des joueuses des Roses sont tapissés autour des casiers qui ceinturent la grande pièce rectangulaire. La disposition des joueuses dans cet environnement n'a pas été laissée au hasard. Elle est le fruit de la réflexion d'Antoine Guldner, un entraîneur-adjoint qui agit comme préparateur mental et responsable de la culture et de la performance. Son objectif était d'assurer un mélange entre les plus jeunes et les plus expérimentées, entre les joueuses locales et les nouvelles arrivantes.
Parce que c'est la réalité de la Super Ligue du Nord. Certaines joueuses se greffent au projet en provenance de grands championnats européens tandis que d'autres sortent à peine de l'université. Les Roses, par exemple, ont recruté la milieu de terrain Charlotte Bilbault, une habituée de la première division française qui a joué 52 matchs avec les Bleues. À côté d'elle dans le vestiaire est assise Lorie Thibault, qui vient de compléter un stage de quatre ans avec les Carabins de l'Université de Montréal.
Robert Rositoiu« C'est sûr qu'il y a une étape d'éducation, reconnaît Rositoiu. Être pro tous les jours, ce n'est pas juste en signant le contrat, ça s'apprend. On est chanceux d'avoir des joueuses qui ont connu ça et pour qui c'est business as usual. C'est un exemple et les autres doivent suivre. »
« C'est assez naturel en fait, a remarqué Pichon. Celles qui ont déjà connu les compétitions internationales, la Ligue des champions, les équipes nationales ou autres, partagent naturellement avec les jeunes. Parce que les jeunes sont assez demandeuses, mais les anciennes, si on peut les appeler ainsi, vont vers les jeunes et partagent, tant sur le terrain que dans le centre d'entraînement. On le voit par exemple pendant les repas, chez les filles, il y a cette mixité. On sent qu'il y a un état d'esprit, une synergie qui s'est créé dans cette préparation qui dure depuis cinq semaines. »
Et sur le terrain, l'entraîneur avoue que la première photo que son staff avait prise d'un potentiel onze de départ a changé dans les premières semaines du camp.
« Oui, honnêtement. C'est sûr qu'on avait des impressions au début, en étudiant, en regardant quelques joueuses sur internet. Et maintenant que la chimie commence à prendre, on voit des complémentarités... ou pas! Et on s'ajuste en conséquence. On a des beaux problèmes devant nous. »
Des objectifs ambitieux
Marinette Pichon ne le cache pas : malgré les conditions de travail intéressantes offertes par la SLN, le recrutement de joueuses vedettes établies demeure un défi.
« La seule inquiétude, c'est qu'on n'a toujours pas de comparatif sur le niveau de compétition. Aujourd'hui, c'est ce qui freine les joueuses qui évoluent déjà en Suède, en Italie, en France, en Angleterre avec des championnats qui se développent très bien. On est encore dans des phases d'incertitude, d'interrogation. »
Cette part d'inconnu rend tout aussi difficile d'établir des attentes réalistes sur le rendement de chaque équipe. Plutôt conservateur, Robert Rositoiu cite une participation aux séries – « donc être dans le top-4 » - comme l'objectif des Roses pour sa première année d'existence.
Mais à plus long terme, sa patronne voit grand. « Les années suivantes, ça serait d'aller décrocher une place qualificative pour la [Coupe] des champions de la CONCACAF, de jouer dans cette [Coupe] des champions et de figurer, d'ici cinq à sept ans, parmi les 30 meilleurs clubs au monde. »
« C'est d'offrir à nos joueuses pas seulement un championnat, mais aussi des perspectives de s'opposer à des clubs, à des nations, à des pays comme on le fait dans d'autres championnats. Ça nous permettra de gagner une fois encore en visibilité et en crédibilité. »