MONTRÉAL - Après des cas hautement médiatisés d'athlètes victimes d'agressions et de harcèlement, une étude sera réalisée sur toutes les formes de maltraitance vécues par les sportifs au Canada.

La dernière enquête de ce genre remonterait à plus de 20 ans, dit AthlètesCAN, l'association des athlètes des équipes nationales canadiennes, qui sera à la barre du projet.

L'étude sera menée en collaboration avec des chercheurs de l'Université de Toronto et reçoit l'appui financier du gouvernement fédéral. Elle est conçue de façon à ce que les athlètes aient un rôle-clé dans sa formulation, fait valoir AthlètesCAN.

Elle va se pencher sur les abus sexuels, émotionnels et physiques dont sont victimes les athlètes ainsi que sur les cas de négligence, de harcèlement, d'intimidation, d'exploitation et de discrimination.

Parmi les cas qui ont retenu l'attention se trouve celui de Bertrand Charest: l'ex-entraîneur de l'équipe canadienne junior féminine de ski alpin a été reconnu coupable en 2017 de 37 chefs d'accusation pour des crimes de nature sexuelle. Il a écopé de 12 ans de prison. L'homme en appelle toutefois de ses verdicts de culpabilité et de sa peine.

Et ce n'est pas le seul cas: parmi d'autres, l'ex-entraîneur sportif Michel Arsenault a été arrêté l'an dernier pour des agressions sexuelles et des voies de fait sur des gymnastes. Sheldon Kennedy, un ancien joueur de hockey professionnel dans la LNH, a été pendant de nombreuses années agressé sexuellement par son entraîneur Graham James.

Puis très récemment, une enquête de Radio-Canada/CBC a rapporté que 340 entraîneurs du sport amateur ont été accusés d'un délit sexuel au cours des 20 dernières années au Canada.

« Un changement culturel systémique est nécessaire », insiste le gouvernement canadien dans un communiqué.

Car les athlètes canadiens ont le droit de s'adonner à leur sport dans un environnement exempt d'abus, de discrimination et de harcèlement, note la ministre des Sports, Kirsty Duncan.

« Ça me brise le coeur quand j'entends que des athlètes ont souffert ou souffrent encore, a-t-elle dit en entrevue. C'est pourquoi ce dossier est ma priorité. »

L'ex-olympienne Allison Forsyth, l'une des victimes de Bertrand Charest, apporte son appui à cette étude. "En tant que victime d'abus et de harcèlement, je ne peux vous dire à quel point ce travail est important", déclare-t-elle dans un message vidéo. Elle dirige le groupe de travail sur la sécurité dans le sport d'AthlètesCAN composé d'athlètes olympiques et paralympiques.

« Depuis la dernière étude de prévalence de ce genre, il y a plus de 20 ans, le climat en ce qui concerne la sensibilisation, la compréhension et la divulgation des abus a changé radicalement. Ces comportements sont devenus les menaces les plus répandues pour ceux qui font du sport et nuisent à l'influence positive que le sport peut avoir sur la société. En comprenant mieux ce que vivent actuellement les athlètes de haut niveau, nous serons mieux placés pour cerner les lacunes du système sportif et prendre des mesures visant à assurer la sécurité de l'environnement sportif au profit de tous », a indiqué par communiqué Ashley Labrie, directrice générale d'AthlètesCAN.

Ottawa croit que les résultats de l'enquête l'aideront à prendre des décisions éclairées en vue d'assurer la sécurité dans le sport.

« J'ai besoin de savoir ce qu'ils vivent et ce à quoi ils font face. Après, on pourra savoir quoi faire », a dit la ministre Duncan. Elle espère avoir les résultats de l'étude au printemps.

L'enquête vise à déterminer comment mieux favoriser le bien-être des athlètes, à évaluer s'ils sont à l'aise de signaler les cas de maltraitance et à formuler des recommandations sur de nouvelles initiatives pour enrayer les abus, la discrimination et le harcèlement.

Car il n'est pas facile pour les athlètes, souvent jeunes, de dénoncer.

Dans leur poursuite au civil contre Canada Alpin, l'employeur de Bertrand Charest, trois de ses victimes allèguent justement que la fédération sportive n'a rien fait pour les protéger et a préféré fermer les yeux, pour préserver son image et conserver les commanditaires. Elles font valoir dans la procédure que l'organisation n'a même pas pris les mesures les plus élémentaires pour qu'elles ne subissent pas ces sévices.