Par: Rolland Ouellette (auteur sportif) - Le patinage existe depuis environ 20 000 ans! Les premiers patins sont des côtes ou des tibias d'animaux attachés sous des bottes. Ils permettent à leurs usagers de se déplacer (en s'aidant d'un bâton muni d'une pointe) plus facilement et plus rapidement sur les surfaces gelées des lacs et rivières. Le mot anglais "skate" (patin) vient du hollandais "schaats", qui veut dire "os de la jambe".

Le patinage est devenu un sport sur les lacs d'Écosse et les canaux de Hollande. C'est vers le 15e siècle que les os attachés sous les bottes sont remplacés par le bois. C'est ensuite le fer qui est utilisé puisqu'il réduit la friction et permet aux patineurs d'appliquer une poussée beaucoup plus efficace, et donc d'atteindre des vitesses plus élevées. La venue des lames de métal date environ de l'an 1750 en Hollande.

Le premier club de patinage est fondé à Édimbourg en 1742. La venue des patins "modernes" avec leurs lames attachées en permanence à des bottines spéciales a aidé le sport à devenir plus populaire et mieux organisé. L'Association canadienne de patinage amateur est fondée en 1887 à Montréal. Quelques années plus tard, en 1892, est créée à Scheveningen, en Hollande, la Fédération Internationale de Patinage (ISU ou International Skating Union), qui régit, encore aujourd'hui, le patinage artistique et de vitesse. Les premiers championnats du monde de patinage ont lieu l'année suivante à Amsterdam et le Hollandais Jaap Eden devient le premier Champion du Monde.

L'apparition des patins incurvés en acier au milieu du XIXe siècle est essentielle pour le développement du patinage artistique dans lequel, à l'origine, les participants sont notés sur leur habileté à suivre des tracés prédéterminés, ou figures composées de successions à deux ou trois boucles.

L'Américain Jackson Haynes est considéré comme un pionnier dans l'histoire du patinage artistique. En effet, ce danseur a eu l'idée d'interpréter ses dons de maître de ballet sur un nouveau "parquet", la glace; sa réputation se propage jusqu'en Europe, où il présente en 1868 des exhibitions.

À Saint-Pétersbourg se déroule en 1896 le premier championnat du monde, qui consacre deux créateurs de sauts, le Suédois, Ulrich Salchow et le Norvégien, Axel Paulsen. Il faudra attendre 1906 pour assister au premier championnat féminin.

Le patinage artistique, sport où l'effet gracieux, la recherche de l'élégance, le désir de plaire et de "faire esthétique" comptent tout autant que la "technique" et "l'athlétique", peut-il prétendre être un sport à part entière? N'est-il pas plutôt un art? La réalité est
à mi-chemin : il conjugue les deux à la fois?

Les discussions toujours passionnées sur le sujet et cette remise en question quasi permanente de la notion de "vrai sport", sont de toute façon sans objet puisque le Comité Olympique International (CIO) a logiquement choisi d'inscrire d'entrée cette belle discipline au programme des premiers jeux Olympiques d'Hiver, à Chamonix, en 1924, après l'avoir antérieurement intégrée aux Jeux d'été en 1908 et 1920. À Chamonix, près de 300 athlètes de seize pays ont pris part à quatorze épreuves sportives.

Autant de facteurs favorables pour se maintenir à un sommet majestueux. D'autant qu'au cours des trente dernières années, d'authentiques stars ont rayonné comme Peggy Fleming (États-Unis), le couple Irina Rodnina-Alexandre Zaitsev (Russie), John Curry (Grande-Bretagne), Toller Cranston (Canada), Robin Cousins (Grande-Bretagne), Scott Hamilton et Brian Boitano (États-Unis), Katarina Witt (Allemagne) et plus récemment Oksana Baïul (Ukraine), les couples Ekaterina Gordeieva - Serguei Grinkov (Russie), Jamie Salé - David Pelletier (Canada), Shae-Lynn Bourne - Victor Kraatz (Canada), Michelle Kwan et Tara Lipinski (États-Unis), Kurt Browning et Elvis Stojko (Canada), Ilia Kulik (Russie)...

Le patinage artistique, qui peut être masculin ou féminin et se pratiquer aussi en couples, n'a en tout cas plus rien à voir aujourd'hui avec ce qu'il était au temps où il se pratiquait comme un divertissement sur des patinoires naturelles (lacs ou étangs), ni même au temps où Sonja Henie, la jolie blonde Norvégienne d'Oslo, qui devint star à Hollywood, cumulait titres mondiaux (dix de 1927 à 1936) et titres olympiques (trois: 1928-1932-1936) et faisait fantasmer les messieurs.

Quelques pionniers sont en effet passés par là pour anoblir et embellir l'exercice d'une discipline par ailleurs superbement harmonieuse grâce à l'évolution glissée sur la glace, à la faveur de poussées avant (le pas des patineurs), de poussées arrière, de croisés qui accentuent la vitesse de déplacement, de courbes ou spirales, d'arabesques, sans parler des pirouettes sautées, assises, allongées, cambrées, avec changements de pieds...

Si les Américains Jackson Haynes, les Norvégiens Lutz et Axel Paulsen, le Suédois Ulrich Salchow, etc... grands précurseurs ou inventeurs de sauts, ont donné, à l'origine, au patinage, un élan et un nouveau visage, on est passé à des prouesses techniques de plus en plus remarquables avec les triples sauts et le premier quadruple boucle piqué (quatre rotations) réussi lors des Championnats du monde en mars 1988, au Mondial à Budapest, par le Canadien Kurt Browning. L'intrépide Surya Bonaly, en plusieurs circonstances le tenta également et le réussit presque au Mondial, à Munich, en 1991. La Japonaise Midori Ito a été la première femme à passer le triple
axel, au Mondial à Paris, en 1989.

Les meilleurs patineurs masculins, en l'An 2000, multiplient désormais les triples y compris en combinaisons et tentent le quadruple. On notera, à ce sujet, que sur les six sauts classiques, les plus difficiles sont dans l'ordre l'axel avec appel vers l'avant, puis le lutz et le flip (piqués), le boucle, alors que le salchow et le boucle piqué sont plus faciles.

Parallèlement à la technique, l'évolution s'est aussi accomplie au plan artistique avec l'apparition de chorégraphes auprès des entraîneurs, la composition plus raffinée des programmes musicaux et le choix de thèmes favorisant une meilleure mise en scène
sur la glace.

Le meilleur patineur de patinage artistique du Canada dans les années 1920 et 1930, Montgomery « Bud » Wilson, de Toronto, a accumulé un nombre qui n'avait encore jamais été égalé de succès : 18 titres canadiens et 10 titres nord-américains. Il participait aux compétitions pour hommes, aux épreuves de patinage en couple et aux épreuves de patinage en quatuor. Il est le premier Canadien à obtenir une médaille olympique lorsqu'il termine en troisième position en 1932, à Lake Placid. C'était la première médaille de patinage artistique gagnée par un Nord-américain. Poursuivant une carrière exceptionnelle, Bud Wilson a consacré 20 ans de sa vie à former de nombreux jeunes patineurs talentueux.

Après avoir remporté le titre de champion canadien de patinage en couple en 1956, Barbara Wagner et Robert Paul ont continué à dominer le patinage en couple dans le monde pendant les quatre années suivant les olympiques. Champions canadiens coup sur coup de 1956 à 1960, ils remportent deux fois le titre de champions nord-américains et sont couronnés champions du monde de 1957 à 1960. Leur performance électrisante aux Jeux olympiques de 1960 à Squaw Valley a amené tous les juges à leur accorder la première place, ce qui leur a valu le titre de premier couple nord-américain à remporter la médaille d'or olympique. Après s'être retirés de la compétition amateur en 1960, Barbara et Robert ont poursuivi leur carrière de patineurs dans les rangs des professionnels pendant cinq ans.

La jeune patineuse de 10 ans, Barbara Ann Scott devient la plus jeune Canadienne à obtenir la médaille d'or du programme des tests. Championne canadienne des femmes juniors en 1940, elle s'approprie la couronne de championne senior de 1944 à 1948 et le titre de championne nord-américaine de 1945 à 1948. En 1947, elle gagne les Championnats européens et donne au Canada sa première médaille d'or des Championnats du monde. L'année suivante, en1948, elle remporte les Championnats européens, les Championnats du monde et les Jeux olympiques, devenant la première patineuse nord-américaine à rafler les trois titres dans la même année. Elle est également la première patineuse artistique canadienne à gagner une médaille d'or olympique et, coup sur coup, les Championnats du monde. Première femme nommée l'Athlète exceptionnelle canadienne de l'année trois fois, soit en 1945, 1947 et 1948, elle est surnommée «Canada's Sweetheart». La marque de Barbara Ann Scott sur le patinage artistique au Canada et dans le monde demeure légendaire.

Quoi qu'il en soit, le patinage artistique demeure de toute évidence un sport aimé de tous. À regarder des patineurs de la trempe de Jamie Salé et David Pelletier, de Shae-Lynn Bourne et Victor Kraatz sans oublier Elena Berezhnaya et Anton Sikharulidze, le public ne peut qu'adorer les prouesses hautement artistiques de ces patineurs constamment à la recherche de la perfection.