Le trek « elles marchent » édition 2018 est maintenant terminé. Le Sahara marocain nous aura fait suer, peiner et marcher encore et encore, nous forçant à trouver des ressources insoupçonnées au fond de nous. Mais avant de vous parler de sa conclusion, laissez-moi revenir sur les deux dernières étapes. Je vous ai raconté la tempête de sable de la première, puis des découvertes fabuleuses de la deuxième. La troisième étape avait un tracé très long, 23 km de prévus, avant le défi supplémentaire, et c’est le troisième jour que le corps se plaint le plus. Les pieds de Suzy n’entraient plus dans ses chaussures, de grosses ampoules la forçant à utiliser des sandales de marche et de se priver par le fait même de nos précieuses guêtres de sable qui ont fait l’envie de toutes. Mais en dépit de la douleur et de l’inconfort, elle a vaillamment continué la route.

 

Après une première borne relativement facile à trouver, tout est relatif et rien n’est vraiment facile dans le désert, nous avons eu à traverser un oued parsemé d’acacias et de buissons épineux qui ne semblaient pas rebuter les petits oiseaux qui s’y cachaient pour nous chanter la sérénade. Une étape longue où on se sentait terriblement à découvert sous ce soleil implacable. Régulièrement, l’une d’entre nous lançait un « Buvons! » pour nous rappeler à toutes l’impérieuse nécessité de régulièrement s’hydrater. Pour trouver la troisième borne, il nous fallait franchir un col, mais surtout d’abord en trouver la bonne entrée pour ne pas se retrouver devant une falaise infranchissable. L’effort en valait la peine. Ce col s’ouvrait sur un paysage grandiose où de nombreux arbres amenaient des taches verdoyantes dans cet environnement aride et desséché. Sur la droite, les bâtiments bien alignés du village de Djaid, où nous allions nous retrouver deux jours plus tard pour une journée de solidarité. Une fois la troisième borne trouvée, nous avons filé vers le défi, filé étant un bien grand mot puisqu’il n’était nullement question de courir! Nous devions trouver, à des coordonnées précises, des gravures rupestres sur le sommet d’une colline. Ce défi nous a permis d’aller voir quelque chose qui nous aurait certainement échappé autrement. Il y a un sentiment presque mystique à contempler ces dessins qui datent de quelques milliers d’années et qui ont traversé le temps et les âges pour qu’à notre tour nous puissions les contempler. Le retour au bivouac a été joyeux, bien que nos pieds aient été lourds, surtout ceux de Suzy.

 

Trek « elles marchent » 2018Le lendemain, dernière journée de l’épreuve sportive, nous avons eu la chance de tirer un bon ordre de départ. Partir une demi-heure plus tôt fait toute une différence... La première borne nous amenait en direction de la dune des dessins rupestres, mais en traversant un vaste lac asséché, impressionnant de blancheur et d’uniformité. Une fois cette borne validée, nous avons longé une montagne que nous savions devoir éventuellement franchir pour poursuivre notre parcours. Ces montagnes ne sont pas verdoyantes et accueillantes, mais plutôt menaçantes avec leurs cailloux acérés au coeur desquels il faut bien se tailler un passage. Concentrées sur notre objectif plus immédiat, nous avons trouvé la deuxième borne installée au grand soleil et avons, à l’instar de nos collègues d’aventure, cherché à se cacher sous un arbre pour profiter de son ombre rachitique et avaler une bouchée. Si boire est important dans le désert, manger l’est tout autant sinon les réserves d’énergie baisseront rapidement.

 

Nous nous sommes ensuite engagées dans ce qui serait notre dernier franchissement. Une mince trace de piste de dromadaire au milieu des roches sans fin, une trace bienvenue qui épargne nos pieds meurtris, mais nous oblige tout de même à une vigilance de tous les instants. Le directeur de course attendait les équipes au sommet de la montagne, à la fois comme guide et comme support moral. C’est qu’entre la deuxième et la troisième borne, on avait exceptionnellement positionné le défi.

 

Cette fois-ci, il s’agissait de trouver une tente berbère et de calculer les coordonnées de la troisième borne. La tente se fondait dans le paysage et rapidement un joyeux attroupement s’y est formé. Nous n’avons pas traîné. Francine, notre navigatrice en chef, a rapidement ressorti ses outils et s’est mise en frais de nous trouver un cap sur cette carte en noir et blanc à la définition fantaisiste et pas assez précise (1/100,000 c’est assez vague pour de la marche à pied!) et nous sommes vite reparties pour un dernier objectif. Vite reparties et vite revenues. Suzy a fait la preuve que les ampoules aux pieds n’empêchent pas de réfléchir : nous avions oublié l’élément qui faisait la preuve de notre passage sous la tente berbère, soit un tatouage au henné pour chacune d’entre nous! Une fois cette obligation remplie, c’est le coeur léger que nous avons pu reprendre la route vers notre dernière borne, astucieusement située au haut d’une dune demandant ainsi un dernier effort aux participantes.

 

Trek « elles marchent » 2018L’atmosphère était à la fête au bivouac, même s’il nous restait une ultime tâche à accomplir. La cinquième et dernière journée du trek était consacrée à une journée de solidarité où nous allions prêter main-forte aux 220 habitants du village de Djaid que nous avions croisé deux jours plus tôt. Notre programme du jour : planter des oliviers et des palmiers, construire un mur à pain et fabriquer un mur à l’aide d’outils artisanaux. Même si cette journée donnait des points au classement, c’est avec grand coeur et bonne volonté que les trekkeuses se sont mises aux diverses tâches. Marie-Josée et moi qui étions sorties du trek sans ampoules aux pieds (merci à Fuel notre commanditaire de bas!), en avons eu plusieurs aux mains, étant dévolues à la construction du mur. Manipuler la pioche et la pelle, piétiner la terre dans les coffrages, pilonner cette terre avec un outil au manche rustique plein d’aspérités, un travail harassant certes, mais qui nous laissait le sentiment d’avoir fait avancer les projets de ce village. La population, à la fois discrète et accueillante s’est mêlée à nous et les femmes du village ont préparé le repas, un gigantesque couscous pour nourrir les ouvrières affamées. Le dispensaire a reçu les dons amenés par les participantes, des centaines de kilos de vêtements et de toutes sortes d’objets utilitaires pour l’école et la communauté.

 

Et le moment du gala est enfin arrivé, celui où on connaîtrait notre classement final. Nous n’avions aucune idée de notre position. Les points étaient accumulés par les bornes pointées, les défis réussis, mais aussi par des questionnaires à remplir à chaque borne : questions sur le Maroc, questions d’ordre général, mots entrecroisés, énigme à solutionner. C’est ce qui fait la différence en bout de ligne, un facteur légèrement aléatoire sur lequel il faut espérer avoir un peu de chance.

 

Trek « elles marchent » 2018Nous avons terminé au 4e rang et sommes très fières de ce classement qui nous positionne dans le top-5, alors que nous visions un top-10. Ce sont les Sarahou’elles qui ont terminé premières. L’autre équipe formée de Québécoises, Les 4 Z’elles du désert, ont fini au 48 rang. Mais peu importe le classement, toutes sont sorties gagnantes de cette expérience extraordinaire et si pour nous c’était une aventure de plus à notre parcours, pour plusieurs cela deviendrait l’élément déclencheur dans leur vie, celui qui leur ouvre des horizons insoupçonnés jusque-là et qui les fera marcher, au propre et au figuré, encore plus loin dans leur vie.

 

Je vais revenir au Québec fourbue et brûlée, je vais trouver du sable dans mes bagages et dans mes vêtements pour des mois et des mois, mais je vais surtout garder dans mon coeur et dans ma tête ces moments d’exception vécus avec des femmes formidables qui me serviront d’inspiration dans les moments difficiles, me rappelant que je suis privilégiée d’avoir une vie confortable alors que tout se gagne si chèrement ailleurs sur la planète. C’est ça aussi, la beauté de ce trek.