Seront-ils au rendez-vous? C’est la grande question à laquelle tentent de répondre toutes les organisations ou fédérations sportives à propos de leur principale clientèle: leur public qui leur a permis de prendre leurs places respectives avant cette paralysie sans pareil dans l’histoire du sport.
 
Car aucune guerre ou aucune catastrophe naturelle n’a eu autant d’impact sur l’industrie du sport que cette pandémie de la COVID-19. Tous les sports, collectifs ou individuels, sur tous les continents ont été forcés à l’arrêt

Aucune responsabilité

La bonne nouvelle est que le sport ne devrait pas souffrir d’une désaffection du public. La suspension actuelle du sport est imputable à une situation hors de contrôle, et ne peut être comparée par exemple à une grève ou à un scandale quelconque qui pourrait rebuter les amateurs. Si les amateurs de baseball sont revenus dans les stades après la grève des joueurs de 1994 et qu’ils y sont restés après l’ère des stéroïdes anabolisants, et si le cyclisme professionnel a survécu aux nombreux scandales de dopage, on peut croire que les sports ne feront pas les frais de la crise actuelle.
 
Au contraire, plusieurs organisations sportives ont voulu  contrer les effets de la pandémie dans la mesure de leurs moyens. Programmes de dédommagements financiers offerts à certains groupes d’employés, prêts d’installations sportives à des fins sanitaires, alimentaires ou médicales, fabrication de masques ou de respirateurs par certaines écuries de NASCAR et de Formule Un, etc. : le monde du sport a répondu «présent»! Certaines organisations sportives ont procédé à des mises à pied, mais d’aucuns ne pourront les accuser d’avoir profité de la pandémie pour poser ces gestes difficiles.
 
La plupart des organisations, ainsi que les athlètes, ont maintenu leur image de marque de bons citoyens corporatifs, et l’ont même améliorée dans certains cas. Et peu de gens tiendront rigueur au joueur de la NBA Rudy Gobert pour son geste de désinvolture commis au moment où l’on commençait à peine à concevoir l’étendue des effets de la propagation de la COVID-19.
 
Loin des yeux, loin du coeur?
 
D’autres événements passés laissent croire que le public sera de nouveau au rendez-vous lors de la relance, malgré la période d’inactivité variable d’un sport à l’autre. L’exemple le plus manifeste est survenu après le dernier lock-out dans la Ligue nationale de hockey : à la reprise, l’ensemble des 30 équipes avait enregistré une hausse moyenne de spectateurs de 2,6% lors de la saison écourtée de 2012-2013, comparativement à la saison précédente. La hausse avait été encore plus importante chez les téléspectateurs, tant pour la saison régulière que pour les séries de la Coupe Stanley, et tant au Canada qu’aux États-Unis. Le même phénomène avait été observé dans la NBA après le lock-out de 2011. Le public était en manque.
 
Cette hausse d’intérêt populaire, comme le rapportait le New York Times du 22 juin 2013, contrastait avec la reprise des activités après le lock-out de 1993-1994 dans la LNH, alors que le jeu de l’époque était beaucoup moins intéressant. En d’autres mots, selon les journalistes Jeff Klein et Stu Hackel, personne n’avait réellement hâte au retour au jeu des Devils du New Jersey de l’époque!
 
La durée de l’absence doit toutefois être comblée par une hausse de l’intérêt envers la reprise du sport, comme après cet autre lock-out de la LNH, qui avait mené à l’annulation complète de la saison 2004-2005. Au retour, malgré la longue absence, les amateurs étaient nombreux pour voir la nouvelle LNH avec l’arrivée des recrues Sidney Crosby et Alexander Ovechkin, ainsi que la nouvelle réglementation axée sur l’offensive qui a permis d’établir un record total de buts (record qui a été surpassé 13 ans plus tard, au printemps 2019). Malgré plus d’un an d’absence, la cote d’amour envers les joueurs était encore présente et les amateurs ont enrichi les propriétaires, instigateurs du conflit de travail.
 
Le danger pour les ligues comme la LNH (qui planche sur divers scénarios de finales de la coupe Stanley en pleine période estivale) serait peut-être d’effectuer un retour dans l’indifférence générale, ou sans égard aux sensibilités et aux réelles préoccupations de sa clientèle. Comme l’explique la philosophe française Isabelle Queval, dans une entrevue à « Ouest-France », le sport professionnel (qui n’existe que par ses spectateurs) arrive actuellement en arrière-plan des préoccupations de la population, ce qui ne signifie pas pour autant qu’on assiste à la fin du sport-spectacle.
 
Le sport rassembleur

 
Les amateurs de sports se souviennent encore du circuit de Mika Piazza des Mets lors du 1er événement sportif présenté à New York, 10 jours après les attentats du 11 septembre 2001. Ils se souviennent également du retour des Saints au Superdome de La Nouvelle-Orléans après l’ouragan Katrina. On ne peut également oublier le 1er match à domicile de l’histoire des Golden Knights, 10 jours après la tuerie de Las Vegas. De nombreux citoyens de cette ville ont trouvé du réconfort dans cette nouvelle et dynamique organisation, même si le hockey ne faisait pas partie de leur culture. Sans nécessairement le vouloir, les Golden Knights ont peut-être trouvé à ce moment des amateurs qui leur seront fidèles pour des décennies.

Circuit de Mike Piazza!

L’importance du sport sur la société est indéniable, car le sport permet de souder des communautés, ici comme ailleurs, au même titre que la culture, et peut-être même plus!  «Le tissu social de Montréal c’est la Sainte Flanelle» comme le chantaient les Loco Locass. Le sport permet une communion unique, peu importe la langue, la race ou le statut économique. Mais comment cette expérience sportive sera-t-elle vécue avec l’apparition des diverses règles de restrictions sanitaires? Car il est difficile pour l’instant d’imaginer un stade rempli de spectateurs émotifs, même à l’été 2021 lorsqu’auront lieu les Jeux olympiques de Tokyo.
 
L’avantage pour l’industrie du sport, c’est qu’un seul et même événement peut se consommer de diverses manières, soit sur place, ou via une plateforme de diffusion. On peut légitimement se demander si la retransmission d’un événement sportif, par exemple à huis clos, peut créer le même attachement auprès des amateurs qui regarderont l’événement isolé chacun de leur côté. Parce que sport-spectacle, c’est d’abord et surtout une affaire d’émotions.
 
Les responsables de la retransmission des événements devront faire preuve d’énormément de créativité pour parfaire l’illusion de joueurs transportés par la foule en réaction à chacune de leurs actions. Par leur professionnalisme, les descripteurs comme Pierre Houde sauront sans doute décrire l’action avec la même intensité que lors de l’époque des sièges remplis. Quant aux joueurs, ils ont déjà prouvé par le passé qu’ils n’ont pas besoin de l’appui de partisans pour célébrer une réussite. N’importe quel athlète qui a gagné « sur la route » face à une foule hostile, peut en témoigner!

Les Golden Knights à la rescousse de Las Vegas

Pour l’instant les chiffres sont encourageants : pour son événement du 9 mai, l’événement UFC 249 a attiré beaucoup plus d’audience qu’à la normale pour une carte de cette envergure, avec 700 000 achats de la carte sur ESPN+ aux États-Unis.  Les prochaines diffusions permettront de connaître la tendance.
 
Différents problèmes
 
Le monde du sport sera confronté à une multitude de problèmes au cours des prochaines années. Alors qu’une importante source de revenus provient des contrats de télédiffusions, ces mêmes médias subissent déjà les contrecoups économiques de la perte de contenu et de commanditaires. À moins d’exceptions, les revenus des équipes et des ligues seront à la baisse dans les prochains mois, ce qui mènera à des conséquences sur les contrats des joueurs. Des cauchemars de renégociations et d’ajustements se pointent déjà.
 
Les revenus des billetteries seront lourdement en baisse également. Les équipes devront trouver une formule magique entre l’offre et la demande pour des sièges plus rares, sans s’aliéner les fans qui ne seront plus en mesure de s’offrir les sièges.
 
Si le lien économique et affectif est maintenu entre les organisations sportives et leurs publics, alors oui , les partisans seront de retour