Avant dernier tournoi de la série 1000 de l'année, le circuit fait un arrêt dans la ville la plus peuplée de Chine, Shanghaï. Pas surprenant que depuis plusieurs années, l'ATP tisse des liens serrés avec les dirigeants de cet endroit qui occupe une vaste place dans l'économie mondiale. Selon les derniers registres, plus de 24 millions d'habitants vivent à Shanghaï et c'est à se demander, en début de tournoi, où sont les spectateurs alors que la plupart des matchs se disputent devant une poignée de partisans seulement. Malgré tout, ce tournoi représente une belle opportunité pour grappiller de beaux points au classement en cette fin d'année. Chacun y trouve son compte. Que ça soit de finir l'année en force comme c'est peut-être le cas pour Novak Djokovic qui nous avait quitté en ronde des 16 à New York en laissant planer le doute sur les origines de sa mystérieuse blessure à l'épaule gauche. Pour d'autres, c'est carrément une question de pousser la machine à fond pour essayer de se qualifier pour le Championnat de fin de saison à Londres réservé aux huit meilleurs.  

 

Pour un joueur comme Vasek Pospisil qui est revenu au jeu au début du mois de juillet à Wimbledon après une opération au dos le 21 janvier, il s'agit d'une belle opportunité de se frotter à des joueurs de grande qualité. Malgré le fait qu'il a glissé à la 248e place, le déplacement de Pékin à Shanghaï en vaut la peine car bien des joueurs exclus du grand tableau sont fatigués et ont décidé de ne pas faire le long voyage jusqu'en Chine pour participer aux qualifications. Vasek a un peu de chance alors qu'il est un des derniers joueurs à avoir sa place.

 

C'est là que la belle aventure commence. Sa première victime est le Français Adrian Mannarino, 43e au monde et 2e favori des préliminaires, un honnête combattant mais qui manque de puissance pour profiter à plein d'une surface rapide comme celle du stade Qizhong. Vasek sert très bien et accélère avec intensité avec de belles intentions d'attaque pour renverser le top-50 en deux sets. Même scénario face au vétéran Marcel Granollers qu'il bat 7-5 et 7-6 (2) sans coup férir lors des moments clés. Mais quelle bonne nouvelle de se retrouver dans le grand tableau de ce Masters 1000 après des mois de galère! Il s'agit seulement d'une deuxième opportunité dans ce genre d'épreuves cette année après sa défaite au premier tour à Montréal face à Félix Auger-Aliassime au bris d'égalité de la troisième manche!

 

J'espère juste que le champion de Wimbledon en double (2014) ne se mettra pas trop de pression sur les épaules et qu'il saura profiter de cette expérience à plein. Après tout, c'est juste un sixième tournoi sur le grand circuit cette année donc il n'a pas le droit de se stresser avec cela mais il doit savoir profiter de cette grande bénédiction qui arrive tout de même assez vite après des mois de galère. Déjà on voit bien qu'il a réfléchi durant cette pause forcée à cause d’une blessure au dos en octobre dernier. Il est plus calme, posé et utilise mieux ses dons en pratiquant du tennis offensif bien ficelé, et ce, sur une base plus régulière qu'avant. À 29 ans et après plusieurs pépins physiques assez graves, il faut arrêter de niaiser (comme on dit chez nous au Québec) et jouer de la bonne manière.

 

Brillant comme pas un, il indique la porte de sortie au petit Argentin au coeur de lion Diego Schwartzman, 14e favori, et au Portugais Joao Sousa qui compte trois titres sur le grand circuit. Chaque fois il impose son jeu en deux manches consécutives. Wow!

 

Aujourd'hui pour son match de ronde des 16 se dresse devant lui l'homme de l'été en plus d'être celui qui a remporté le plus de matchs cette saison avec 55, le seul et unique Daniil Medvedev. L'infatigable Russe qui après ses finales à Washington, Montréal, son titre à Cincinnati et sa ronde ultime au US Open (ouf!) est allé gagner chez lui à St-Peterburg! Qui peut l'arrêter? Tennistiquement parlant, on sait que Vasek a le jeu et il l'a déjà prouvé il y a deux ans en battant le numéro 1 du moment Andy Murray à Indian Wells. Mais dans les faits, c'est la première fois depuis son retour qu'il gagne plus qu'un match dans le même tournoi et je crains qu'il soit très fatigué sans parler qu'il joue le premier match à 12 h 30 alors qu'il fait au-delà de 30 degrés Celsius avec plus que 70 % d'humidité. L'horreur pour un joueur comme lui qui transpire énormément. 

 

Je ne sais pas si Vasek aurait pu gagner le match mais il livre bataille au-delà des espérances. Malgré le fait qu'il est un peu juste physiquement, et cela se voit dès le début du match alors qu'il peine à respirer, il se procure cinq balles de manche dans ce seul set! Ses trois premières alors qu'il profite d'un gros 0-40 sur le service du russe à 5-4. Medvedev ne bronche pas tandis que Vasek fait voir quelques signes de nervosité. Pire encore alors qu'au bris d'égalité Pospisil fait une double faute sur une autre balle de manche. Le Russe joue comme si rien ne pouvait lui arriver, point par point sans trop s'en faire et ça marche encore et encore.

 

Un set et le bris d'entrée en poche pour Daniil, je crois bien que c'est la fin pour Vasek. Mais non, malgré la déception, la fatigue, des nausées et deux jambes de bois, il revient dans le deuxième set jusqu'à 5-5 avant de flancher pour perdre 7-6 (7) et 7-5 après 2 h 06 de jeu. Quel combattant ce Vasek et quelle belle poussée à Shanghaï qui lui permet d'avancer de 58 places jusqu'au 190e rang. Pas banal non plus de rajouter 92 000 $ à ses gains cette année. Parions qu'il partira de la Chine le corps ankylosé mais le coeur léger. Vivement la suite...

 

Pour ce qui est des deux autres Canadiens dans le tableau, rappelons-nous que Félix Auger-Aliassime gagnait à ce temps-ci l'an passé le Challenger de Tashkent, ce qui lui permettait de passer de la 128e à la 109e au classement de l'ATP. Cette année, dans une des plus grandes villes du monde avec ses gratte-ciels qui éclairent le ciel, notre Québécois bat Alexander Bublik au premier tour avant de s'incliner pour une première fois chez les pros devant le 7e mondial Stefanos Tsitsipas 7-6 (3) et 7-6 (3). Certes, c'est dommage alors que quelques moments clés lui filent entre les doigts mais regardons le grand portrait si vous le voulez bien : le jeune homme de 19 ans est en ce jour 17e au monde. C'est la 13e fois cette année qu'il atteint son meilleur classement à vie. Prenez quelques grandes respirations et pensez bien à cela avant de le critiquer pour ses petits manquements...

 

Pour Denis Shapovalov, lui aussi livre une belle bataille d'entrée en disposant de Frances Tiafoe en deux sets mais connaît quelques difficultés à démontrer de la hargne face à Novak Djokovic. Depuis que Denis travaille avec l'ancien joueur Mikhael Youzhny, son attitude est bien améliorée et peu importe ce qui lui arrive sur le terrain, il ne démontre rien de négatif. Il me donnait l'impression, comme cela avait été le cas à Rome, qu'il se sent extrêmement démuni face au Serbe. Comme le bon vin, il faut aussi lui donner du temps pour qu'il atteigne sa pleine maturation. Alors que Félix et Denis nous ont donné des moments riches en émotions cette année, à notre tour offrons-leur une denrée rare, soit du temps...