Comme surprise en ce début d'année 2019, franchement difficile de demander mieux! Qui aurait cru que la petite Bianca Andreescu, 18 ans seulement, soit LA révélation de l'année d'entrée de jeu? Certes, son talent et sa détermination à l'entrainement sont connus depuis longtemps de la part des spécialistes de Tennis Canada. D'ailleurs, pourquoi pensez-vous que Louis Borfiga avait pris l'an passé la décision de donner un nouveau rôle à Sylvain Bruneau, le détachant du capitanat de la Coupe Fed pour appuyer Bianca à faire le grand saut chez les pros?

Même si cela peut s'apparenter au miracle cette poussée phénoménale à Auckland, je pense que pour comprendre un peu mieux ce qui s'est passé, ça vaut la peine de revoir certaines de ses performances lors des derniers mois. Je vous amène en 2017 puisque déjà, en début de saison, elle gagne deux tournois ITF de 25 000 $, grappillant assez de points en peu de semaines pour gagner quasiment 100 places au classement. Puis en juillet, après avoir soufflé sur 17 bougies, elle épate la galerie en se qualifiant à Wimbledon, le plus grand tournoi au monde!

Et ce n'est pas tout! La jeune prodige est du grand tableau WTA de catégorie internationale à Washington et indique la porte de sortie à Camila Giorgi, grosse cogneuse sur le circuit qui a plusieurs grandes victoires en carrière, et Kristina Mladenovic, alors 13e au monde. Déjà vous voyez que Bianca est une championne dans l'âme. Elle n'est pas impressionnée ou freinée par l'historique et le décorum de l'endroit, le prestige de l'adversaire ou son manque d'expérience : elle donne tout, s'arrache au coeur de la bataille.

Évidemment, cette course folle vers les hauts sommets à l'âge de l'adolescence rapporte, mais coûte aussi beaucoup. Petit gabarit à 5 pieds 5 pouces ou si vous préférez 1 mètre 65, l'année 2018 sera faite en majeure partie de déceptions. Le genou et le dos couinent. Les attentes sont soudainement grandes et Bianca glisse au-delà de la 200e place... Forcée de prendre du repos après le tournoi de Granby, cela lui permet de faire une analyse complète de la situation avec son coach Sylvain Bruneau. À force de discuter sur son jeu à haut risque, Sylvain lui fait comprendre que même les meilleurs doivent par moments accepter l'échange. Impossible de toujours se donner des minuscules marges par-dessus le filet en plus de viser l'intersection des deux lignes en fond de terrain tout en gardant un haut pourcentage de réussite. Mission impossible.

Remise sur pieds en fin d'année dernière, Sylvain lui offre un grand mandat : disputer cinq tournois en cinq semaines en Amérique. Tout un défi avec tous les voyages, passer d'une surface à une autre, de l'intérieur à l'extérieur avec peu de temps de prep, tout en gardant une confiance et une ardeur inébranlables. Et bien, la petite Canadienne de descendance roumaine accepte et performe en gagnant 18 matchs sur 21. Elle commence ce petit périple avec un titre et finit avec un titre. Elle gère bien et récolte grandement puisqu'elle passe de la 242e place pour finir l'année à la 152e place!

En plus, le corps tient le coup! Cela permet de continuer le processus de développement physique avec une longue préparation en fin d'année à Bradenton en Floride à l'académie IMG de Nick Bollettieri, bien entourée de ses coachs et aussi notre jeune bataillon composé de Denis Shapovalov et Félix Auger-Aliassime. On est de la même génération, on est copains, on se motive l'un l'autre, on croit en ses rêves donc les douleurs sont comme des cicatrices dont on est fier. Tout se fait dans le respect et non dans le drame. Vous connaissez sûrement ma façon de voir les choses depuis le temps que j'en parle. C'est pourtant tellement simple à comprendre : « Le plus grand talent que quelqu'un peut avoir c'est d'être travaillant ». D'une grande simplicité comme vérité, mais avouez qu'il faut apprivoiser voir même aimer la douleur. Lui donner une autre saveur et même savoir se moquer d'elle pour la surmonter. Quel privilège d'avoir une monture à gérer, à pousser, à découvrir jusqu'où elle peut nous mener...

Pour Bianca Andreescu, cela l'amène à Auckland à gagner trois beaux matchs en qualifications. À se farcir d'entrée dans le grand tableau Timea Babos (26e il y a deux ans et 1re en double en 2018) avant d'épater en disposant de deux championnes Grand Chelem et anciennes numéro 1 mondiales Caroline Wozniacki et Venus Williams. Ce n'est pas tout, elle continue avec un triomphe sur Su-Wei Hsieh (28e) une des filles les plus difficiles à jouer avec ses changements de rythme constants. Et puis contre la 14e mondiale et championne en titre Julia Goerges, notre Canadienne menait 6-2 et 5-4 et a juste manqué un tout petit peu de force pour conclure. Croyez-moi ce n'est que partie remise... Une étoile brille au firmament après cette semaine mirifique de sept victoires en huit matchs! Cependant vous connaissez la chanson : dans les qualifs à Melbourne, elle sera attendue puisqu'épiée par tous les coachs de la planète, il faudra gérer les attentes avec l'assurance d'une vétérane. En tout cas, Bianca la tornade est armée d'une puissance rare, d'une superbe main et d'une énergie hors norme. Ça regarde bien...

Bravo aussi à Eugenie Bouchard, qui est très en jambes en ce début d'année, tout comme Milos Raonic. Oh, ça promet...