MONTRÉAL - Roger Federer célèbre ses 30 ans aujourd'hui et le légendaire Jimmy Connors est certainement la personne la mieux placée pour donner des conseils au nouveau trentenaire.

Mais celui qui a remporté 14 de ses 109 titres sur le circuit de l'ATP après avoir soufflé ses 30 bougies se garde plutôt une petite gêne, jugeant qu'il s'agirait probablement de la pire chose à faire au monde.

« J'ai appris il y a longtemps qu'on ne doit jamais donner de conseils », a lancé Connors aux journalistes, lundi après-midi, quelques heures avant d'être officiellement intronisé au Temple de la renommée de la Coupe Rogers. « Mais je peux vous dire que lorsque tu vieillis, plus tu dois travailler et surtout y mettre du temps. »

« Je sais que (la) vie (de Federer) a changé. Il a deux enfants et bien d'autres préoccupations en tête. Mais il ne doit cependant pas oublier ce qui lui a permis de se rendre à ce haut niveau. »

Connors est toutefois d'avis que le style de jeu tout en douceur préconisé par Federer lui assurera une longévité supérieure à d'autres joueurs qui disputent chaque point comme si c'était le dernier.

« Je considère Federer encore très jeune, car il a été capable de remporter sa part de matchs sans trop taxer son corps tellement il était dominant », précise le sextuple demi-finaliste des Internationaux du Canada. « J'ai l'impression qu'il est encore en très bonne forme physique et que ses 30 ans ne lui pèseront pas trop. »

Comme tous les observateurs du monde du sport, Connors se demande si Federer sera en mesure de reprendre le premier rang du classement mondial qu'il a occupé pendant 285 semaines - une de moins que le meneur de tous les temps Pete Sampras.

« Il ne s'agit plus seulement d'une lutte entre Federer et Nadal. Il y a aussi Novak Djokovic et Andy Murray », rappelle celui qui a remporté huit tournois du Grand Chelem pendant sa glorieuse carrière. « Tout dépendra du temps qu'il prendra avant d'en avoir assez d'être numéro deux, trois ou n'importe quel autre. »

Connors avoue également avoir une préférence pour Nadal et Djokovic, mais pour des raisons complètement différentes.

« J'aime Nadal uniquement pour son style, il donne toujours tout ce qu'il a », explique le quintuple vainqueur des Internationaux des États-Unis. « L'histoire de Djokovic mérite quant à elle qu'on s'y arrête. Il y a à peine un an ou deux, ce gars-là avait de la difficulté à survivre à un match de plus de deux manches. Et il est aussi le seul à faire un paquet de petites choses. »

Faire du tennis un premier choix

Tout comme son ancien grand rival et compatriote John McEnroe, Connors s'explique mal comment son pays a pu passer de super-puissance à simple acteur sur la scène internationale.

« À mon époque, 8 des 10 premiers joueurs au monde étaient des Américains », se remémore celui qui a occupé la première place du classement de l'ATP pendant 269 semaines. « La génération suivante formée de Sampras, Jim Courier, Michael Chang et Andre Agassi a également très bien fait. »

« Andy Roddick et Mardy les ont remplacés, mais qui prendra leur place ensuite? »

Connors a évidemment une réponse toute prête à la question qu'il a lui-même posée.

« Il faut trouver des gens qui inciteront les jeunes à se tourner vers le tennis », mentionne l'homme originaire de l'Illinois. « La plupart des jeunes découvrent le tennis, après avoir essayé le football, le baseball, le basketball et le soccer. Mais à 16 ou 17 ans, il est déjà trop tard. »

Connors croit que le moment est peut-être bien choisi pour procéder à un sérieux examen de conscience avant qu'il ne soit trop tard.

« En sommes-nous venus à penser que nous en avions fait assez et que c'était correct comme ça », questionne celui qui a également gagné deux fois Wimbledon. « Tous les autres pays se sont améliorés. Nous devons absolument lever notre jeu d'un cran ou deux. »

Malheureusement, Connors ne semble pas faire partie de la solution, du moins pour l'instant.

« C'est une longue histoire. J'ai offert mes services à la fédération américaine, mais les dirigeants n'en ont pas voulus», résume celui qui a pris sa retraite à l'âge de 46 ans. « Ils ont décidé d'y aller avec leur propre programme, mais c'est bien correct ainsi. »

« Il y a d'autres choses que je peux faire dans le monde du tennis et qui me satisferont autant. »

Difficile néanmoins de croire qu'une fédération peut se passer d'une telle expertise alors qu'aucun Américain - tant chez les hommes que chez les femmes - n'occupe une des 10 premières place du classement mondial.