C'est bien connu, les joueurs de tennis carburent à la gratification différée. Tous ces sacrifices jour après jour pour être récompensés demain. Je ne sais pas si vous réalisez jusqu'à quel point cela prend de l'abnégation de soi et une éthique de travail sans faille pour se rendre en finale dans ce genre d'épreuve surtout chez les hommes compte tenu de leur format de jeu pantagruélique.

Djokovic confirme son grand retour à Wimbledon

Comment s'imaginer l'état physique et mental de Kevin Anderson après avoir livré six matchs de très très grande qualité et passé 21 heures 1 minute sur le terrain en deux semaines? Pensez juste à ses deux derniers matchs, d'abord devant Roger Federer et puis John Isner. C'est déjà énorme de se rendre à la limite mais encore plus hallucinant de devoir disputer 24 parties pour battre Federer et 50 pour se défaire d'Isner, à la 5e manche seulement! 

 

Pour sa part, Novak Djokovic ne s'éparpille pas autant. Seul Kyle Edmund lui arrache une manche en première semaine et en deuxième, son match le plus difficile face à Rafael Nadal se joue à toit fermé dans des conditions idéales pour lui. Oui, il aurait pu le perdre parce que Nadal s'offre 5 balles de bris au 5e set mais au bout du compte juste en deuxième semaine Novak ne disputera qu'un seul long match tandis qu'Anderson trois de suite! Si on fait le compte cela veut dire que Kevin doit se battre comme un diable dans l'eau bénite 4 h 43 de plus que le Serbe en deuxième semaine. Come on, trop c'est trop! Changez-moi cette archaïque formule du long 5e set et vite le bris d'égalité à 6-6. Pourquoi cela n'a pas été fait en 2010 après le 70-68 du match Mahut/Isner? On ne peut pas s'attendre à un concert de flûte traversière entre les deux boum-boum Isner/Anderson mais de la façon que ces deux là servent c'est normal qu'après 6 heures de jeu, ils n'arrivent plus à retourner. Alloooooo? Y-a-t-il quelqu'un à la tête de ce sport qui peut prendre des décisions qui se tiennent une fois de temps en temps? Les joueurs ne sont pas des bêtes de cirque et en plus ils vous font vivre et très bien vivre, messieurs les dirigeants.

 

Pour revenir à la ronde ultime aujourd'hui, pour se donner une petite chance de remporter le tournoi le plus prestigieux au monde, Anderson ne peut pas se permettre de connaitre une entame de finale calamiteuse. C'est pourtant ce qu'il vivra. Êtes-vous étonnés? John Isner a dit après sa demie perdue devant Anderson qu'il n'aura aucune chance de gagner. AUCUNE. D'ailleurs, il n'arrive pas à servir puissamment (blessé au coude), ses déplacements sont trop justes (mal aux pieds) et décoller à temps pour bien retourner semble trop difficile (jambes de jello) sans oublier toutes ses fautes directes en coups droits d'attaque en décroisé. La seule chose qui lui reste c'est son coeur de champion animé par un grand grand désir de ne pas gaspiller ce dernier moment passé sur ce central garni d'une foule toute acquise à sa cause.

 

Le merveilleux Sud Africain que nous avons appris à apprécier au cours de la quinzaine réussit à trouver un peu d'énergie au plus profond de son être pour finalement présenter du tennis à la hauteur de son talent. Certes il a la grinta en berne pendant les deux premiers sets perdus 6-2 et 6-2 mais soudainement il retrouve une belle justesse au service en 3e manche. Comme cela le porte vers l'excellence! À un point tel qu'il s'offre 5 balles de manche à 5-4 et 6-5. Malheureusement Djokovic redevient cosmique, comme à ses belles années. Le Serbe survolera le bris d'égalité pour remporter un 4e titre à Wimbledon, un 13e Grand Chelem au cours de sa carrière. Qui l'eut cru en début de tournoi que Djoko retrouve cette fusion corps et âme qui fait à nouveau de lui l'homme des grandes occasions?

 

Dans un sport qui vous triture à l'excès le corps et les méninges, Novak a slalomé sa portion de tableau avec doigté, tel un maitre en la matière. En ce jour, Anderson est logiquement tombé sur un os trop dur à ronger...