Lorsque les organisateurs du tournoi de la série 1000 à Monte-Carlo décident d'honorer Félix Auger-Aliassime en lui offrant une invitation dans le grand tableau, cela nous montre jusqu'à quel point tous les organisateurs de la planète respectent l'immense talent et professionnalisme de l'adolescent de 17 ans.

Si en plus, on vous offre le central pour cette première visite dans la Principauté c'est qu'on vous aiiiiiiiiiiiiime et qu'on croit en votre capacité de faire le spectacle et d'épater la galerie, pas n'importe quelle galerie, une des plus huppées du circuit. Normal parce qu'après tout, Monte-Carlo est non seulement la ville de l'opulence, mais aussi de l'élégance.

Je sais, j'y ai joué au milieu des années 90 lors d'une compétition amicale (pas vraiment amicale, mais spectaculaire tout de même) organisée par BMW.  Ce central est le plus beau au monde, pas le plus prestigieux, mais le plus époustouflant avec cette vue sur la mer qui apporte un bonheur quasiment viscéral.

Il ne faut donc pas s'étonner de réaliser jusqu'à quel point Félix est nerveux pendant toute la première partie du match. Beaucoup de grosses erreurs, parfois parce qu'il sur-joue et d'autres fois parce qu'il n'arrive tout simplement pas à ajuster son tennis d'attaque pour déstabiliser le vétéran Misha Zverev, 13 ans son ainé. Il faut d'ailleurs lui rendre hommage parce qu'il est épatant le frère de l'autre, par la justesse de ses déplacements, sa qualité de balle et sa patience dans l'échange, l'efficacité de son service, ses montées au filet effectuées juste au bon moment et sa capacité à gérer la pression lors des moments importants. Misha l'attaquant à tout prix, quasiment kamikaze? Non, pas dans ce match en tout cas et comme cela lui va à merveille!

La performance de Zverev est tellement belle qu'il mène 6-2, 4-2 avec en plus 3 balles de bris pour ajouter à son avance! Le match est presque scellé, à un point tel que le commentateur se permet de dire que notre québécois n'aura même pas eu le temps de défaire ses valises. Je comprends ses propos puisque Félix présentait jusque là une construction de points biscornue avec en plus une incapacité presque rédhibitoire à bien faire les choses au service, pourtant une arme redoutable normalement.

Mais la beauté du tennis, c'est que lorsque l'on garde espoir, peu importe le pointage, il y a toujours une possibilité de s'ajuster, changer de stratégie s'il le faut et redevenir combatif et efficace. Comme je lisais l'autre jour dans le journal l'Équipe: et cela explique bien ma pensée: « Il a su trouver sa place entre Bambi, pataud et craintif, et Rambo, puissant et définitif ». Ha, ha, ha...la plume merveilleuse de mes ancêtres m'impressionnera toujours. Eh bien oui dis donc Félix renverse complètement la situation pour arracher le set au bris d'égalité 7-4!

Juste le 2e set dure 1:26. Je me dis que ça y est, puisque les déplacements de Zverev se font plus difficilement, il y a aussi un peu plus de fautes dans son jeu en fond de terrain. Il est fa-ti-gué le trentenaire et Félix n'a qu'à le faire courir gauche/droite jusqu'à ce qu'il dépose les armes...Malheureusement c'est le contraire qui arrive. Le troisième set ne dure que le temps d'une chanson excepté que c'est notre québécois qui est au bout du rouleau.

Tout de suite après le match sur le terrain, l'annonceur va d'abord chercher les commentaires de Félix Auger-Aliassime. Spécial puisqu'on ne fait jamais cela normalement, parler sur le court avec le perdant, mais les premiers mots qui sortent de sa bouche sont ceux-ci: d'abord remercier les spectateurs qui l'ont adopté instantanément et grandement encouragé et aussi retourner à l'entrainement le plus vite possible pour pouvoir à l'avenir mieux livrer bataille au 3e set. Sa voix se casse légèrement laissant filtrer tout le regret qui l'anime. Quel beau kid tout de même. C'est impossible de ne pas l'aimer celui-là.

La dure réalité du circuit cependant c'est que les chiffres ne mentent pas: 62 fautes directes en 2:36 de jeu c'est beaucoup, en fait 2 fois plus que l'adversaire. En plus, au service: 54% et 44% de points gagnés en premières et deuxièmes balles, bien en dessous de ses pourcentages habituels. Aliassime s'est épuisé en n'arrivant pas à casser l'autre avec de belles séquences au service, son arme principale. Je sais que Félix adore jouer sur terre battue, mais selon moi il est d'abord et avant tout un attaquant et tout comme Milos Raonic et Denis Shapovalov: sans service point de salut.  

Tiens, tiens, pourquoi pas un petit appartement dans la Principauté pour s'assurer d'avoir des partenaires d'entrainement de très grande qualité pour se faire encore plus de coffre??? S'installer dans un paradis fiscal sera aussi une très bonne affaire puisque son talent crève les yeux et son avenir financier assuré s'il reste affamé et en santé. Dans son cas à lui, je n'ai aucun doute et si j'avais à le conseiller, je lui demanderais de déposer quelques valises près du Monte Carlo Country Club,  le MCCC pour les intimes.