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Quelle belle prestation de la part de Félix Auger-Aliassime pour s'extirper de cet immense piège que représentait Corentin Moutet au deuxième tour de Wimbledon aujourd'hui. C'est certain que Félix est conscient que son arme principale, le service, se doit d'être au rendez-vous comme ce fut le cas à Stuttgart et au Queen's. Mais j'ai parfois l'impression qu'il se met peut-être un peu trop de pression sur les épaules, donc il est un peu tendu depuis le début de la quinzaine.

 

Ce n'est quand même pas évident de se présenter au plus grand tournoi du monde pour une première fois et compte tenu de son classement  de ne pas avoir le droit de décevoir. Déjà il fait écarquiller les yeux avec une maturité bien au-delà de son âge et une technique quasi parfaite dans tous les aspects du jeu.  

 

Lors de son premier tour face à un ami, Vasek Pospisil, Félix brise en premier mais flanche au service deux fois en fin de set pour perdre la manche. Peu importe, notre Québécois reste calme, garde la bonne attitude et continue de mettre de la pression sur Vasek sachant fort bien qu'il ne pourra pas tenir. Il s'agit après tout d'un premier match en simple pour Pospisil depuis octobre 2018 après des mois de réadaptation à la suite d'une opération au dos. Ce que l'on note c'est que les résultats de Félix sont intimement liés à sa capacité de faire parler sa puissance en premières balles.

 

À partir du début de la deuxième manche, Félix retrouve sa justesse avec 92 % de réussite en premières balles lors des 2e et 3e manches et 75 % au 4e set. Pour atteindre son plein niveau et bien se sentir aussi dans les autres aspects de son jeu, il faut qu'il se retrouve au moins dans les hauts 70 % de points gagnés en premières balles.

 

Aujourd'hui face à Moutet, Félix doit batailler comme un forcené pour sauver cinq balles de bris au premier set dès ses premiers jeux au service. Cette fois-ci, il fait face à un joueur ultra talentueux qui l'amène à la dérive à quelques reprises avec ses touches formidables, ses accélérations étonnantes et sa grande combativité. Il n'y a jamais une balle trop loin pour Moutet qui force Félix à repartir l'échange plus d'une fois.

 

Comme tous les grands champions le font si bien s'il y a un aspect du jeu qui n'est pas au rendez-vous, on sait compenser et surtout se battre farouchement. Les choses se placent, « FAA » brise pour mener 4-2 et gagne le set 6-3 en servant très bien pour la manche. Encore mieux, d'entrée au 2e set, notre Canadien ravit le service de l'adversaire. Je crois que maintenant, ça y est, Félix va dérouler, lui imposer sa puissance dans tous les aspects du jeu, finalement lui marcher sur le corps quoi! Mais non, il commet quelques fautes pour se compliquer la vie, perd son service, rate une autre balle de bris à 4-4 et même le set 6-4!

 

Alors qu'on pense qu'il retrouve son rythme, il s'égare en manquant de constance en premières balles. Donnons cependant le crédit au Français qui de sa patte de velours nous concocte quelques bijoux en passings et amortis. J'ai même l'impression de voir en lui un mélange de Fabrice Santoro pour les touches merveilleuses, les balles à plat précises du gaucher Adrian Mannarino et la folie (génie) de Benoit Paire. 

 

Je reviens quand même à ma thèse du début, lors des trois premiers sets, FAA n'est que dans les 60 % de réussite lorsqu'il passe sa première balle. Au 4e set, il retrouve des chiffres éloquents avec cette fois 83 % de points gagnés avec son arme principale. Croyez-moi, ce n'est pas un hasard qu'il s'agisse du seul set où Félix va chercher 2 bris de service. Tout est plus facile quand tu sers bien. Tu es plus calme, positif et en confiance.

 

En entrevue après sa victoire, Félix est bien conscient qu'il aurait dû trouver la manière de s'économiser en gagnant le 2e set. Il est quand même heureux de s'en être sorti malgré quelques difficultés avec certains schémas d'attaque. J'aime bien sa lucidité et sa franchise quand il nous dit ceci : « Je suis content d'avoir gagné mais je ne suis pas satisfait de mes prestations jusqu'ici. Je peux faire mieux ». En entrevue, notre champion ne joue pas à l'hypocrite en se donnant un faux rôle et ne se cache pas non plus derrière des clichés d'une banalité indicible. À 18 ans seulement, dans un monde de grands, c'est impressionnant.

 

Un autre Français l'attend : Ugo Humbert, un autre gaucher, 66e au monde qu'il ne faut pas prendre à la légère non plus car il possède un bon service et raffole venir au filet pour finir les points. D'ailleurs, les deux se connaissent bien, ils se sont affrontés chez les juniors, se sont entraînés aussi ensemble. Ugo dit de Félix qu'il est « cool » et qu'il aime sa manière de penser.

 

Raonic accède au 3e tour à Wimbledon

Pour sa part, Milos Raonic continue d'impressionner en bris d'égalité pour disposer d'abord de Prajnesh Gunneswaran et de Robin Haase, chaque fois en trois manches consécutives. Milos dispute 3 bris d'égalité et en gagne trois. Haase doit cependant se mordre les doigts d'avoir laissé filer le premier set après avoir servi pour la manche. Voilà pour les bonnes nouvelles. La mauvaise : Milos souffre d'une blessure au pied gauche. En entrevue, il croit que ça ira pour la suite alors qu'il affronte le géant de 7 pieds Reilly Opelka qui a sorti Stan Wawrinka en cinq sets. 

 

Revenons maintenant sur la belle prestation, malgré la défaite, d'Eugenie Bouchard en 3 manches face à Tamara Zidansek 6-3, 5-7, et 8-6. Genie tirait de l'arrière par un set et 3-0 mais profite de la nervosité de la Slovène de 21 ans, pour qui il s'agit d'un premier Wimbledon, pour renverser la vapeur au 2e set. Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu Bouchard si concentrée et combative. Malheureusement, bien que je la félicite pour cette brillante remontée, je trouve dommage qu'elle se perde de la même manière au 3e set alors qu'elle tire de l'arrière à nouveau 3-0 et puis 4-1. Aussi spécial que cela puisse paraître, la jeune Tamara baisse à nouveau de niveau à un point tel que Genie se retrouve à deux points de la victoire pour ne pas dire du hold-up. Mais le manque de matchs et de victoires (que six en 2019) la rattrape à nouveau alors qu'elle fait de mauvais choix sur points importants. Dommage car elle a bataillé comme une lionne et se dit encouragée par sa prestation.

 

Pour Denis Shapovalov, la situation est complètement différente. Il est en forme et bat des joueurs de haut niveau à l'entraînement. En match cependant, il fige lors des moments clés. Par la suite, il se décourage et devient négatif. Lors de ses neuf derniers tournois, il n'a gagné que deux maigres rencontres. Il songe à consulter soit un ancien joueur de haut niveau, soit un psychologue. À lui de décider pourvu qu'il agisse. Il a bien trop de talent pour rester dans la médiocrité.