Tout le monde le sait : battre Rafael Nadal sur terre battue est un coquillage difficile à ouvrir. Encore plus compliqué lorsqu'on fait le calcul pour réaliser que l'Autrichien Dominic Thiem a hérité du pire horaire en cette fin de tournoi. Il est forcé d'enchainer ses rencontres de quarts, demies et finale sans jour de congé puisque la demie de 4 h 13 face à Novak Djokovic se joue en deux jours. 

 

Ce qui est super important pour remporter un Grand Chelem qui se déroule pendant deux longues semaines c'est de ne pas gaspiller d'énergie, ne pas s'éparpiller. Thiem livre deux grosses batailles d'entrée face à Tommy Paul et Alexander Bublik en perdant chaque fois un set (presque deux face à Bublik), alors que Nadal se balade comme il se doit devant Yann Hanfmann et Yannick Maden. Après des rencontres en ronde des 16 et quarts bien ficelées devant Gaël Monfils et Karen Khachanov, Dominic doit travailler comme un forcené pour se défaire de Novak Djokovic, surnommé la teigne des courts. Souvent, Thiem est devant, mais est rattrappé, soit parce qu'il est nerveux et commet des fautes ou que Novak retrouve sa hargne et justesse. Quoi qu'il en soit, Nadal est frais et dispo pour cette 12e finale tandis que Thiem est sur le poil des yeux.

 

Rares sont les joueurs qui sont en mesure de battre Djokovic et Nadal dans le même tournoi du Grand Chelem. Stan Wawrinka est d'ailleurs le seul à l'avoir fait à Melbourne pour s'emparer du titre en 2014. Malgré cette tâche herculéenne qui attend l'Autrichien, je l'admire pour son attitude de guerrier alors qu'au premier set il n'y a PAS une balle qui est trop loin pour lui. Il est absolument ÉPATANT pour utiliser toute la surface et tout remettre en jeu, peu importe l'énergie que cela demande. Le nombre de fois qu'il repousse l'Espagnol, le forçant à repartir le point encore et encore m'épate, Thiem est tout simplement extraordinaire de résilience.

 

Comme l'a dit si bien dit Roger Federer, merveilleux pour se rendre jusqu'en demie, tout peut arriver dans un match, même les scénarios les plus fous peuvent devenir réalité. Surprise totale donc que Thiem soit le premier à briser au premier set. Nadal renverse complètement la situation tout de suite après en égorgeant l'adversaire avec des attaques virulentes. Le premier set lui appartient et se pointe à l'horizon une avance de deux sets à zéro alors qu'à 5-6 avec Nadal au service, l'improbable se produit: Nadal cafouille royalement en faisant trois grosses fautes directes en coup droit pour perdre le set 7-5. Dire qu'avant cette dernière partie Rafa n'avait perdu qu'un seul petit point au service! Preuve est faite, quand il n'est pas possible d'escalader la montagne, il faut savoir la contourner. 

 

Les joueurs d'expérience, ceux qui ont beaucoup gagné, ont plusieurs cartes dans leur jeu. Ils savent comment réagir lorsque le match tourne et qu'il faut tout utiliser à bon escient. Plutôt que de se morfondre devant son incapacité de mener deux à zéro, Nadal quitte le court, allonge donc la pause pour se refaire la cerise. Il fait attendre Thiem alors qu'il revient finalement sur le court en héros conquérant. Le match ne sera plus jamais le même. Rafa ne perd AUCUN point au service au 3e set pour gagner la manche 6-1 et au set suivant, sauve 3 balles de bris pour réussir finalement à se faire un chemin bordé d'or et de pierres précieuses vers un douzième championnat.

 

Que d'abnégation, de souffrances pour revenir fois après fois de blessures et accepter la douleur de l'échec alors que le bolide toussotte et cale. Au bord de la crise existentielle après ses défaites à Monte Carlo, Barcelone et Madrid, Rafa accepte une fois de plus le défi d'être à la hauteur pour son tournoi favori. Lorsque j'étais jeune, mon père se plaisait à me rappeler cette citation du poète français Nicolas Boileau : « cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage ». Cela veut tout simplement dire que c'est dans les choses qu'on aura travaillées et retravaillées inlassablement qu'on pourra briller et exceller. 

 

Je voue une admiration indicible à l'Espagnol et en même temps, Dieu que je m'ennuie des conseils de mon père...