LONDRES - Dans le chaos d'une journée mémorable mercredi à Wimbledon, la défaite de Roger Federer dès le deuxième tour rend sceptique sur la capacité du Suisse à illuminer encore le devant de la scène.

On savait que le Suisse n'allait plus jamais dominer comme avant, lorsque les adversaires tombaient comme des mouches, parfois même avant d'entrer sur le terrain. On savait qu'il aurait du mal à dépasser les vingt titres du Grand Chelem - le compteur reste bloqué à dix-sept - et que ça deviendrait chaque jour un peu plus dur, sur tous les courts.

Mais mercredi l'irrémédiable déclin de celui qu'on considère presque partout comme le meilleur joueur de tous les temps a franchi une étape supplémentaire avec cet échec contre un adversaire, l'Ukrainien Sergey Stakhovsky, 116e mondial, et à un stade, un deuxième tour, terriblement banals.

Le pire c'est que sa magnifique série de 36 quarts de finale de suite en Grand Chelem, peut-être le plus fort de tous ses records, a été enterré sans grandes pompes dans son jardin de Wimbledon, là où il s'est imposé à sept reprises et où il a commencé à forger sa légende il y a dix ans.

Alors que Novak Djokovic et Andy Murray ont pris leurs distances sur dur, la surface des Internationaux d'Australie et des Internationaux des États-Unis, et que Roland-Garros semble définitivement un défi trop élevé, Wimbledon était le dernier sanctuaire, le seul endroit où on pouvait encore ranger le Suisse parmi les grands favoris.

« De plus en plus dur »

Que ce sanctuaire soit aujourd'hui violé éclaire d'un jour nouveau les signes d'un déclin irréversible. Depuis le début de l'année, Federer a perdu cinq de ses six rencontres face à un autre joueur du top-10. Il n'a gagné qu'un seul titre, mineur, à Halle il y a dix jours. Ça faisait douze ans, qu'il n'avait plus dû attendre aussi longtemps pour ouvrir son compteur dans une saison.

« J'ai l'habitude de rebondir plutôt bien », a-t-il dit mercredi. Sa victoire l'an dernier à Wimbledon, deux ans et demi après son dernier titre majeur aux Internationaux d'Australie en 2010 en avait apporté la confirmation.

Mais à bientôt 32 ans, le 10 août, le défi devient colossal pour ce père comblé de deux jumelles. D'autant que ses adversaires ne font plus de complexe et la victoire de Stakhovsky, tout de même impressionné, va finir par convaincre le ban et l'arrière ban du circuit que le roi est désormais nu.

« Pour Roger, ça va être de plus en plus dur. Lorsqu'on vieillit on récupère plus difficilement. Gagner un Grand Chelem nécessite sept victoires au meilleur des cinq manches. Wimbledon reste sa meilleure chance », estime l'ancien champion britannique Tim Henman, consultant à la BBC.

« La fin d'une époque »

« Pour moi c'est définitivement la fin d'une époque », estime même l'Allemand Boris Becker, triple vainqueur de Wimbledon, qui « espère », sans trop y croire, que Federer parviendra à remporter encore un Grand Chelem.

Pour l'encourager, Federer peut s'appuyer sur un exemple qui offre des analogies troublantes: celui de son ancienne idole Pete Sampras, également septuple vainqueur de Wimbledon, qui, en 2002, après avoir lui aussi été éliminé au deuxième tour à Londres par un inconnu (George Bastl, 145e mondial) s'est mobilisé une dernière fois, à l'âge de 31 ans, pour remporter son ultime titre du Grand Chelem trois mois plus tard à Flushing Meadows.

Un tel destin est sans doute le maximum dont peut rêver Federer désormais, lui qui lorgnait encore vers la place de no 1 mondial au printemps.

« Je compte encore jouer de nombreuses années », a-t-il ajouté mercredi, maintenant son objectif d'aller au moins jusqu'aux JO de Rio en 2016.

Reste à voir s'il acceptera longtemps de reculer au classement alors qu'il s'apprête à sortir du top-4 mondial pour la première fois en dix ans.