Bien malin celui ou celle qui avait prédit une victoire de Bianca Andreescu à la Coupe Rogers de Toronto.

Les circonstances n’étaient certes pas en faveur de la jeune Canadienne qui avait été tenue à l’écart de la compétition depuis mai à la suite d’une blessure à l’épaule et qui s’est en plus retrouvée devant un parcours parsemé d’embûches. Malgré tout, elle a su les enjamber les unes après les autres jusqu’au moment où son dernier pas l’a mené sur le podium dimanche, avec le trophée de championne au bout des bras.

Après un titre à Newport, à Indian Wells et maintenant à Toronto, c’est à se demander s’il est encore possible d’être surpris des résultats de la nouvelle 14e raquette mondiale. Même son entraîneur Sylvain Bruneau admet après avoir assisté à tous ses exploits qu’avec son plus récent triomphe, plus rien ne l'étonne vraiment.

 « Elle m’avait énormément surpris par le passé, déjà avant Indian Wells, avec la Coupe Fed. Par contre, en Californie, j’avais été très, mais très surpris. De me refaire le coup à la Coupe Rogers, je ne suis pas certain qu’elle puisse encore me surprendre », a souligné Bruneau lors d’une entrevue téléphonique avec le RDS.ca (l'intégralité de l'entrevue est disponible dans le dernier épisode du balado À la volée).

Il faut dire qu’Andreescu se présentait à la Coupe Rogers sans aucune pression. Celle qui n’avait jamais dépassé le premier tour en trois participations à la compétition en sol canadien luttait encore avec son corps afin d’assurer une présence sur le terrain. Son entraîneur ne cache pas qu’il a même douté de sa participation jusqu’à la toute dernière minute. Vous devinerez donc que lorsqu’il a été questionné sur ses attentes en vue de la compétition, elles lui paraissaient bien futiles.

 « Nulle, aucune, a-t-il lancé d’entrée au sujet de ses attentes.  Jusqu’à peu de temps avant le tournoi, on était incertain quant à sa participation. D’un point de vue émotif, elle voulait jouer et elle me le disait très clairement. Malgré tout, on a fait deux semaines de préparation à Montréal où il fallait y aller très progressivement afin de s’assurer que l’épaule supporte la charge de travail. Nous y allions donc très tranquilles. Je me rappelle avant le tournoi m’être dit qu’elle ne sera jamais prête et qu’on n’y arriverait pas. Elle me disait par contre qu’elle voulait et allait y arriver. »

« Je dois admettre lorsqu’on est arrivés à Toronto une semaine avant le tournoi, il y a eu un petit déclic. J’ai vu lorsqu’elle a commencé à jouer des sets d’entraînement avec des joueuses que ce ne serait peut-être pas si pire que ça. C’est vraiment au-delà de mes attentes », a-t-il ajouté.

Encore et toujours la résilience

La force de caractère d’Andreescu n’est plus un secret pour personne. Après l’avoir entendu discuter avec son entraîneur à sa chaise lors de la finale contre Angelique Kerber à Indian Wells, elle a montré à toute la planète tennis qu’elle pouvait puiser au fond de ses réserves et c’est alors qu’elle a renversé la vapeur pour s’offrir éventuellement le titre.

À Toronto, ce n’est pas l’adversité qui a fait défaut. Difficile de demander pire comme entrée en matière pour une joueuse qui revient de blessure puisque ses quatre premiers matchs ont nécessité la tenue d’une troisième et ultime manche. Que ce soit Eugenie Bouchard, Daria Kasatkina, Kiki Bertens ou Karolina Pliskova, elles se sont toutes heurtées à la volonté d’Andreescu.

Même si elle sera attendue de pied ferme aux Internationaux des États-Unis, Bruneau ne doute pas que celle qui a fait un bond de la 152e position à la 14e au classement depuis le début de l’année s’acclimate parfaitement à ses récents succès en raison de son attitude.

« C’est évident qu’on ne peut pas se faire de cachette avec ses victoires à Indian Wells et Toronto, en plus d’un quatrième tour à Miami, qui sont de gros tournois sur le dur, c’est certain qu’elle sera une joueuse à surveiller. Son statut change, alors qu’elle n’était certes pas perçue à Indian Wells et même à la Coupe Rogers comme une fille qui pouvait gagner le titre, en connaissant sa préparation au cours des quatre derniers mois. »

« Je pense qu’elle a le tempérament d’une grande joueuse. Elle va s’adapter à sa nouvelle situation. On va éviter de lui mettre trop de pression, même si nos objectifs sont plus élevés. Il ne faut pas s’affoler et garder les deux pieds sur terre, mais elle a le tennis pour arriver là-bas et faire un grand coup. C’est sept matchs, et c’est compliqué dès le premier tour, donc il faut faire attention », a maintenu Bruneau.

La tombeuse du top-10

Son classement lui permettra cependant d’éviter les joueuses les mieux classées lors à tout de moins de la première semaine de ce quatrième tournoi majeur de la saison. En réalité, il s’agit peut-être d’une bonne nouvelle pour ses adversaires, alors qu’Andreescu présente un impressionnant dossier de sept victoires contre aucun revers devant des joueuses du top-10 cette année.

Caroline Wozniacki a été sa première victime, a suivi Elina Svitolina et Kerber en deux occasions. Kiki Bertens, Karolina Pliskova et Serena Williams ont toutes subi le même sort de leur côté à Toronto. De tels résultats tendent à prouver ce que Bruneau souligne, soit qu’elle a les ingrédients pour évoluer parmi l’élite.  

« Elle est super motivée et n’a peur de rien. Elle n’est intimidée par personne ce qui est un gros avantage. Lorsqu’elle arrive dans ces matchs, elle est libérée, super motivée et elle croit en ses chances.

« Elle a le niveau de tennis aussi. C’est bien d’être motivée, d’y croire, mais il faut aussi avoir le niveau et elle l’a afin de rivaliser avec les meilleures », a soutenu Bruneau.

L’entraîneur a d’ailleurs eu un nouveau déclic lorsque sa protégée s’est imposée en trois manches contre la troisième tête de série en quarts de finale. Si on met de côté ses abandons en raison de blessure, l’Ontarienne voguait alors sur une série de 15 victoires. Son dernier revers au pointage avait été encaissé contre sa rivale dans le carré d’as, Sofia Kenin, en février à Acapulco. Alors qu’il se refusait à regarder trop loin dans le tableau, celui qui a agi comme capitaine de la Fed Cup ne pouvait s’empêcher d’entrevoir le trophée comme une possibilité.

 « On y est allés un match à la fois, et c’était difficile, car elle a peinée physiquement au début du tournoi. Je pensais que ça allait devenir de plus en plus difficile, plus le tournoi avançait, mais le tout a semblé se stabiliser à partir des quarts de finale. »

« Je dirais après qu’elle a vaincu Pliskova et alors qu’elle allait être opposée à Kenin, je me suis dit : " est-ce qu’elle va se rendre en finale? " Avant ça, c’était véritablement une mentalité d’un match à la fois et c’était la même chose pour elle », a-t-il convenu.

Le clan Andreescu aura eu raison, alors que l’athlète de 19 ans a remporté son premier match en deux manches de la compétition contre l’Américaine afin de s’offrir un billet pour la finale ou le dénouement, bien qu’heureux, n’était pas celui espéré.

« Elle était super contente à son premier tournoi dès son retour de pouvoir jouer contre Serena, mais les émotions étaient partagées. Elle souhaitait tellement l’affronter, mais ce n’est pas de cette façon qu’elle voulait que ça se termine, ni moi d’ailleurs. Donc oui elle est championne en remportant tous ses matchs jusqu’à la finale de belle façon, mais ça aurait été encore un peu plus apprécié si la victoire avait été acquise sur le terrain après une bagarre, ce qu’on croyait vraiment qu’elle pouvait faire de toute façon », a renchéri Bruneau.

Cependant, le nuage que représentait le retrait de Serena a rapidement laissé place à une éclaircie au cours duquel tant la joueuse que l’entraîneur ont savouré ce nouveau sacre.

« Elle a travaillé énormément sur ces mêmes terrains au centre national à Toronto où elle a plein de souvenirs. Elle a également réalisé le tout devant ses parents, alors qu’ils n’étaient pas présents à Indian Wells, ses amis et une foule qui lui était acquise. Elle m’a dit que c’était très spécial », a-t-il soutenu au sujet de celle qui a grandi à Mississauga tout près de la Ville Reine.

 « C’est certain que ça fait plaisir. En tant que Canadien et Québécois, je regarde la Coupe Rogers depuis que je suis tout petit et d’accompagner une joueuse comme ça jusqu’au titre, chez elle, avec toutes les émotions qu’elle a vécues, c’est évident qu’il y a une petite partie de ce moment que je partage avec elle », a précisé Bruneau sur un plan plus personnel.

Avec un nouveau classement dans le top-15, et surtout afin d’éviter que le scénario de Miami ne se répète, Andreescu et son clan ont décidé de faire l’impasse sur le tournoi de Cincinnati. La championne de la Coupe Rogers 2019 ne s’offre toutefois que trois jours de congé avant de renouer avec l’entraînement pour se préparer au dernier Grand Chelem de la saison à Flushing Meadows à la fin août.