Peut-être par modestie ou possiblement parce qu'elle a réussi à se créer malgré ses 16 ans une bulle étanche lui permettant de se tenir à l'abri des distractions, Leylah Annie Fernandez insiste pour dire qu'elle ne remarque pas plus qu'il ne le faut que sa cote de popularité est en train d'exploser auprès des amateurs de tennis canadiens.

 

Jorge Fernandez et l'aînée de ses filles visaient haut pour la jeune gauchère au début de l'année. Un premier titre en tournoi majeur chez les juniors était certainement dans la mire. Leylah Annie rappelait quant à elle son objectif, à plus long terme, de se hisser parmi le top-100 du classement de la WTA avant ses 18 ans, en septembre 2020. Les ambitions étaient grandes pour le duo père-fille qui vit et s'entraîne en Floride. Et force est d'admettre que le talent et le travail acharné leur ont donné raison entre les mois de janvier et juillet, et de façon spectaculaire peut-on se permettre d'ajouter.

 

Au cours des sept derniers mois seulement, la jeune Lavalloise a consécutivement atteint la finale junior des Internationaux d'Australie, participé à deux rencontres de simple d'un affrontement de barrage de la Coupe Fed entre le Canada et la République tchèque, soulevé le trophée junior en simple à Roland-Garros en ne perdant aucun set, et remporté son premier tournoi professionnel à l'occasion du Challenger de Gatineau, une compétition sanctionnée par l'ITF à l'issue de laquelle elle a imité l'exploit réalisé en 2016 par Bianca Andreescu, soit celui de soulever les trophées de championne du simple et du double.

 

Si vous êtes étourdis, Leylah Annie Fernandez, elle, ne l'est pas.

 

« J'étais un peu déçue quand j'ai perdu la finale en Australie. Mais c'est comme ça que je suis. Que je gagne ou que je perde, je vois toujours des choses que je peux améliorer. Je le vois comme un apprentissage. J'ai la maturité d'accepter que les choses ne vont pas (toujours) bien aller. Ça m'a donné les victoires que je voulais », a-t-elle évalué lors d'une entrevue avec le RDS.ca en marge du Challenger de Granby, deuxième tournoi mixte disputé en sol québécois en l'espace de deux semaines.

 

Signe de l'impressionnante maturité que possède Fernandez, elle refuse de s'accrocher à la joie vécue à la Porte d'Auteuil le 8 juin dernier lorsque sa victoire de 6-3, 6-2 sur l'Américaine Emma Navarro a été synonyme de premier triomphe en Grand Chelem pour une Canadienne chez les juniors depuis celui d'Eugenie Bouchard à Wimbledon, en 2012.

 

D'ailleurs, Fernandez se doutait déjà, peu après la conclusion des Internationaux de France, qu'il s'agissait là fort possiblement de son dernier tournoi junior, et ce même s'il lui restait une autre année d'admissibilité. La page était prête à être tournée.

 

« Je ne pense pas avoir grand-chose de plus à prouver chez les juniors », a-t-elle soutenu sans laisser entrevoir la moindre hésitation.
 

Afin de guider l'adolescente dans sa transition vers les rangs professionnels, l'ajout d'une nouvelle ressource ayant le profil de l'emploi pour épauler le père de Leylah Annie devenait impératif. Il semble que les recherches effectuées dans les derniers mois aient mené à une collaboration avec un instructeur d'expérience.

 

« Après l'Australie, on s'est mis à chercher un entraîneur qui pourrait travailler avec mon père, ma sœur et moi. On a fait quelques entrevues, parlé à quelques instructeurs (...) et on est tombés sur Dave Rineberg, un entraîneur américain. Il a entraîné plusieurs joueuses du top-100 et aussi collaboré avec les sœurs Venus et Serena Williams pendant quelques années. Il connaît la dynamique père-fille (dans le tennis), et on espère que ça va bien aller.  »

 

Le père et la fille mis K.-O. au retour de Paris

 

Pour Jorge Fernandez, il était difficile d'envisager la possibilité de voyager à Londres et de participer au volet junior de Wimbledon, même si Leylah Annie avait d'excellentes chances d'être établie comme première ou deuxième favorite pour l'emporter. Le gazon est une surface qui peut s'avérer être très taxante sur le corps d'une joueuse. C'est un pari qu'il n'était pas prêt à prendre.

 

« On avait vraiment dans l'idée de se concentrer avec Leylah Annie sur la saison de surface dure durant l'été. On est retournés en Floride après Roland-Garros en planifiant de trimer dur pour préparer les tournois ITF de Saskatoon, Gatineau et Granby. Ce qu'on n'anticipait pas par contre et qui a déjoué un peu nos plans, c'est qu'elle et moi, on est tour à tour tombés malade une fois revenus à la maison. »

 

Il faut dire que le calendrier condensé qu'on a dû imposer aux joueurs d'âge junior à Paris n'a rien eu pour aider. En raison de l'insistance de la pluie, la jeune prodige avait même été amenée à disputer trois rencontres dans une même journée; deux en simple, une en double.

 

Affaiblie par un virus, la jeune Fernandez n'a donc pu emmagasiner que quatre ou cinq séances d'entraînement durant les quelques semaines précédant le coup d'envoi du tournoi de Saskatoon, où elle a finalement subi l'élimination en trois manches à son premier match.

 

« J'ai perdu contre une Mexicaine (Marcela Zacarias). C'est une bonne joueuse, mais j'aurais pu gagner ce match-là. J'ai échappé quelques points ici et là. »

 

Une finale gagnée contre une amie

 

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle a rapidement placé derrière elle cette exclusion hâtive. En Outaouais, elle a tout raflé sur son passage avant de venir de l'arrière contre sa compatriote Carson Branstine pour remporter la finale par une chaleur accablante. Branstine est une rivale qu'elle connaît bien.

 

« J'ai fait les ajustements et je n'ai pas baissé la tête. Carson jouait bien à ce moment-là, mais je me suis dit de prendre les choses un point à la fois et de voir ce qui allait arriver », a affirmé celle qui a mis fin au match ultime sur un coup droit gagnant.

 

« Il faisait très chaud toute la semaine, mais pour mes adversaires aussi. Et puisque j'habite en Floride, je suis habituée à ce genre de température. Je me suis beaucoup amusée sur le terrain, et ça m'a aidée aussi. »

 

Et dire que pendant que Leylah Annie Fernandez enchaînait les victoires à Gatineau, à quelque 5000 km au Sud, sa soeur de 15 ans Bianca Jolie se distinguait aussi en se rendant des qualifications jusqu'en demi-finales d'un tournoi ITF présenté à Lima, au Pérou.

 

Au moment d'écrire ces lignes, l'aînée des Fernandez avait bien amorcé le tournoi de Granby, remportant sa rencontre de premier tour 6-2, 6-3 devant Petra Januskova. Sa victoire lui donne le droit d'affronter un de ses plus grands tests à ce jour chez les professionnelles, soit la Japonaise Nao Hibino, première tête de série et 135e joueuse mondiale.

 

Coupe Rogers : se nourrir de l'expérience de 2018

 

Quant à son rêve de participer à la Coupe Rogers, les yeux de Leylah Annie Fernandez s'illuminent lorsqu'on lui rappelle les émotions fortes qu'elle avait vécues en marge du tournoi de l'an dernier à Montréal.

 

« Ça avait commencé par les pré-qualifications, puis ensuite un premier match de qualifs et un deuxième. J'avais perdu au troisième set de la dernière étape, mais j'avais vécu quelque chose qui va me rester longtemps. »

 

Ce n'est pas dans sa cour arrière que sera présentée l'édition 2019 de la compétition, mais Fernandez compte bien faire remarquer sa présence à Toronto. Ne s'arrêtant même pas à la possibilité de recevoir un laissez-passer des organisateurs, elle dit se sentir capable de faire son chemin jusqu'au tableau principal « et de gagner deux ou trois rondes ensuite ».

Vous avait-on dit que la jeune joueuse déborde de confiance?