La Croatie a défié la logique lundi en remportant son quart de finale contre l'Italie pourtant chaudement soutenue par son public de Turin, et s'est ainsi offert le premier billet pour les demi-finales de la Coupe Davis.

Avec la perspective d'un double décisif face à la paire croate Nikola Mektic et Mate Pavic, no 1 mondiale, championne olympique et titrée à Wimbledon, les Italiens avaient grand intérêt à remporter les deux simples pour s'assurer la qualification avant le troisième match de la rencontre.

Sur papier, et après la phase de poules où Jannik Sinner (10e mondial) et Lorenzo Sonego (27e) étaient invaincus, alors que le no 1 croate Marin Cilic (30e) avait perdu contre le Hongrois Zsombor Piros (282e), les deux simples devaient logiquement tourner à l'avantage des Italiens.

Sauf que la Coupe Davis n'est pas une compétition comme les autres. Et Sonego en a fait l'amère expérience face au 279e mondial Borna Gojo.

Malgré un public bouillant pour le porter, Sonego a perdu 7-6 (2), 2-6, 6-2.

« Mon tennis n'était pas bon aujourd'hui, surtout dans le premier set quand je menais 4-1 et que j'ai perdu ma concentration. Dans le troisième set, j'étais lent, ma balle n'avançait pas... », a regretté le joueur turinois.

Évidemment, les commentaires étaient bien plus joyeux pour Gojo.

Question de mental

« Bien sûr, il y a une grande différence au classement entre nous. Mais au point où nous en étions, il s'agissait bien plus de mental que de tennis », a-t-il ajouté en savourant sa « plus belle victoire ».

Et du mental, il en a eu pour ne pas perdre pied quand Sonego est revenu très fort dans le deuxième set et pour ne pas se laisser impressionner par la chaude ambiance dans les tribunes, très largement en faveur des locaux même si un petit groupe de Croates bigarrés avec des bonnets de water polo sur la tête tentaient de faire du bruit, fanfare à l'appui. « Ils ne sont pas si nombreux, mais ils font vraiment beaucoup de bruit », a souligné Pavic.

De son côté, Gojo a expliqué avoir essayé de se concentrer « plus sur la partie croate du public et de ne pas trop faire attention à ce que faisaient les autres 90 % ».

Sa victoire a fait basculer la rencontre : la négligée Croatie est devenue favorite et, à l'entrée sur le court, la pression était sur les épaules du novice en Coupe Davis Jannik Sinner plutôt que sur celles de l'expérimenté croate Marin Cilic, vainqueur du dernier Saladier d'argent mis en jeu sous l'ancien format de la compétition, en 2018.

Et, effectivement, l'Italien a plié jusqu'à être mené 6-3, 2-0, en n'ayant passé que 53 % de premières balles de service dans la première manche.

« Excusez-nous »

Mais, contre toute attente, Cilic a perdu ses moyens et a laissé échapper les points importants (trois balles de bris d'affilée manquées en début de set, puis perte d'un jeu blanc alors qu'il servait pour le match à 5-4).

La partie avait basculé et Sinner s'est imposé quelques dizaines de minutes plus tard 3-6, 7-6 (4), 6-3, avec un triste bilan de 47 fautes directes pour Cilic.

La qualification s'est donc jouée en double. Pariant sur la dynamique victorieuse de son no 1, le capitaine italien a décidé au dernier moment d'aligner Sinner au côté de Fabio Fognini, à la place de Simone Bolelli initialement prévu.

Ils ont fait ce qu'ils pouvaient, mis au bout du compte, deux très bons joueurs de simple n'ont pu venir à bout d'une équipe bien huilée.

Mektic et Pavic se sont imposés 6-3, 6-4, envoyant la Croatie dans le dernier carré pour la cinquième fois après 2005, 2009, 2016 et 2018. Les Croates avaient remporté la compétition en 2005 et 2018 et avaient perdu en finale en 2016.

Cette année, la Croatie jouera sa demi-finale vendredi à Madrid contre la Serbie ou le Kazakhstan.

« Je pense que personne ne nous voyait aller aussi loin », s'est réjoui Mektic avant de s'adresser à la foule turinoise : « excusez-nous! », a-t-il lancé dans un grand sourire.