MONTRÉAL – Dès le primaire, Éric Périard a compris que l’école ne l’intéressait pas « pantoute ». C’était tout le contraire du football qui l’a toujours attiré. Il a composé avec cette opposition pendant plusieurs années avant de trouver un équilibre salutaire. Ses professeurs, et même ses parents, n’auraient jamais prédit qu’on l’appellerait aujourd’hui Dr Périard.

Dans sa maison d’enfance à Ripon, en Outaouais, c’était le hockey qui était roi et maître. Son père était un fidèle du Canadien de Montréal et il ne comprenait guère pourquoi son fils était autant fasciné par le football.

Si le hockey déclenchait les passions dans sa famille, l’éducation n’était pas valorisée.

« Personne n’allait à l’université dans ma famille. Quand j’étais petit, ma grand-mère me disait même de ne pas perdre pas mon temps à l’école et d’aller travailler », se souvient-il.

Éric Périard (66) et les Vikings de l'île-BizardPour lui, l’intérêt n’y était donc juste pas sur les bancs d’école. Il a d’ailleurs doublé sa première année au niveau secondaire. Toutefois, un élément déclencheur positif s’est produit peu de temps avant. En raison du contexte économique difficile, ses parents ont choisi de déménager à Sainte-Geneviève, dans le West-Island.

Ça sonne négatif jusqu’ici, mais c’est grâce à cette décision que Périard a pu s’inscrire au football pour la première fois, à 11 ans. À Ripon, il n’avait pas eu cette chance puisqu’il n’y avait aucune équipe de football pour les jeunes.

« J’ai vu une petite annonce que les Vikings de l’Île-Bizard recrutaient des joueurs. J’ai pris mon bicycle, j’y suis allé par moi-même et j’ai dit que je voulais jouer. Ils m’ont demandé où était mon père. J’ai répondu que je ne savais pas et que ça ne l’intéressait pas », a raconté Périard au RDS.ca.

« Disons que je n’ai pas le physique d’un joueur de tennis, je n’étais pas petit. J’avais commencé par le hockey et j’étais correct comme joueur. Pour mon père, il n’y avait que le hockey. Quand je suis devenu pas pire au football et que les gens parlaient de moi en bien, il est venu me voir. Il s’est impliqué et il a embarqué dans le football », a-t-il décrit.

Sur le terrain, ça se déroulait à merveille. Choisi sur l’équipe d’étoiles du niveau Midget AAA, les équipes collégiales tentaient de le recruter. À la suite d’un camp qu’il avait adoré à Bishop’s, Lennoxville semblait une destination idéale pour lui. Une chance puisque, du côté scolaire, ça ne progressait pas si bien que Lennoxville l’avait avisé qu’il ne pouvait pas être admis en raison de ses notes.

Heureusement, il était également tombé dans l’œil de Marc Santerre, qui dirigeait déjà les Spartiates du CÉGEP du Vieux-Montréal. « Marc m’a dit ‘Si tu viens avec nous, on va te faire rentrer’ », a confié Périard qui avait été charmé par l’idée.

Encore une fois, le succès était présent au football. Dès sa première année avec les Spartiates, en 1989, l’équipe s’est rendue au Bol d’Or. Vous voyez sans doute venir la suite : c’était le contraire à l’école. Éric Périard (66) et un coéquipier des Spartiates du Vieux-Montréal

« Je n’ai pas passé un cours, pas un! Je n’y allais pas. Marc m’a demandé ce qui se passait. ‘Tu sais Marc que l’école, ça ne m’intéresse pas’. Il m’a dit que je devais passer mes sept cours et je l’ai fait. À ma deuxième année, aussi niaiseux que j’étais, je n’ai pas passé un cours encore... La direction du CÉGEP ne voulait plus m’avoir », a expliqué Périard.

Comme ils l’ont fait avec une panoplie d’athlètes, Santerre et Michel Arseneault, le gestionnaire du programme Sports-Études, lui ont donné un coup de main et ils ont convaincu les dirigeants de lui accorder une autre chance.

Il a réussi à surmonter cet obstacle et il a obtenu l’autorisation de jouer sa troisième année durant laquelle il attiré l’attention des programmes universitaires. Mais, à cette époque, le Rouge et Or n’avait été fondé et le football universitaire québécois passait par les institutions anglophones.

Ainsi, Périard a préféré l’option de s’exiler vers l’Université du Manitoba qui était affiliée avec un programme francophone à Saint-Boniface. Ce chemin avait déjà été emprunté avant lui par d’autres Spartiates.

Par contre, il s’en est fallu de peu pour qu’il revienne sur sa décision de quitter le Québec puisque sa mère a été victime d’un AVC (accident vasculaire cérébral) la laissant avec une paralysie. Il se souvenait des mots de sa grand-mère de « ne pas perdre son temps à l’école ».

Apprendre à surmonter les échecs 

Il a choisi de s’écouter et il a adoré son passage au Manitoba. D’ailleurs, c’est là que le déclic a fini par se produire même si c’est arrivé tardivement dans son cas.

Éric Périard (66) et les Spartiates du Vieux-Montréal« Un moment donné, j’ai vu que la vie s’enlignait pour que le football achève. J’ai fini par me dire ‘Peut-être que je devrais aller voir à quoi ça ressemble une bibliothèque à l’université’. C’est une grosse place », a-t-il lancé en riant.

« C’est là que j’ai rencontré ma femme et elle m’a beaucoup aidé à ce que je devienne sérieux dans les études. J’étais capable, mais ça ne me tentait pas. Le football m’a tenu à l’école jusqu’à temps que je réalise que je pouvais accomplir des choses », a compris Périard.

Si le support de sa femme a été précieux, il vante surtout le soutien de Santerre et Arseneault qui ont tenu le fort pour lui.  

« Dans la vie, on pense souvent que nos parents sont des modèles qui vont nous aider. Je n’avais pas une bonne relation avec mes parents, mais parfois ce sont d’autres personnes comme eux qui te font réaliser que tu as du talent », a témoigné Périard de belle manière.

Périard a eu besoin de sentir cette dose de confiance. Dyslexique, il a éprouvé une multitude d’ennuis à l’école. Il a multiplié les visites dans le bureau du directeur et il a eu à passer des tests pour déterminer s’il avait des problèmes cognitifs.

Éric Périard (66) à l'Université du Manitoba« Combien de professeurs m’ont dit "Êtes vidangeur, c’est correct". À l’école, ils n’ont pas tous tendance à t’encourager, ils poussent surtout ceux qui sont bons et moins ceux qui font du trouble. Ils ne voyaient pas que j’avais le talent pour le faire », a-t-il déploré.

Tant qu’à se plonger finalement dans les études, il l’a fait en grand. Il a complété un baccalauréat de quatre années et il a enchaîné avec cinq années à Atlanta, en anglais, pour réussir un doctorat en tant que chiropraticien. Il possède d’ailleurs sa clinique depuis 20 ans dans la région de Gatineau.

« Le football, c’est tout pour moi. Ça ne m’a pas juste donné l’école et mon métier, ça m’a donné une façon de vivre. Je me suis fait plus que des amis, des frères pour la vie », a déduit Périard depuis longtemps.

Son parcours personnel a également influencé sa manière d’élever ses quatre enfants (trois garçons et une fille).

« Je leur ai expliqué que j’ai eu de la misère. Si tu échoues, ce n’est pas grave, ça arrive dans la vie. Je trouve que beaucoup de jeunes aujourd’hui ne sont pas capables de surmonter un échec, ça devient la fin du monde pour eux. J’ai eu plus d’échecs que de victoires dans la vie et j’ai appris ça à mes enfants », a conclu Périard qui n’a pas eu à convaincre ses enfants des bienfaits du football.