MONTRÉAL – « Ça l’avait choqué, elle se disait que sans le football, je ne serais pas là ! » Garlins Duclervil était déjà membre des Carabins de l’Université de Montréal quand il a écrit un courriel à la conseillère académique, Virginie Allard-Caméus, qui avait été stupéfaite de son niveau d’écriture en français. 

Un bémol s’impose toutefois, Duclervil a grandi dans un milieu anglophone ce qui n’a pas aidé sa cause pour l’apprentissage du français. Il n’en demeure pas moins que l’ancien joueur de ligne défensive a tardé avant de s’activer sur les bancs d’école.

« Je m’étais fait à l’idée que l’université était l’un de mes objectifs, mais ce n’était pas pour les études. C’était juste pour jouer au foot », admet celui qui a évolué pour les Carabins de 2007 à 2011.

« Au début, je n’étais pas un gars qui aurait dû être à l’université si on parle uniquement des notes. À première année et à ma deuxième année, j’étais juste là pour être là ... », a-t-il ajouté sans détour.

Plus jeune d’une famille de cinq enfants, Duclervil a grandi dans un secteur défavorisé de loyers modiques à Ottawa, un quartier dans lequel il côtoyait la criminalité et les gangs de rue.

« J’étais souvent tout seul dans ce quartier entouré d’influences pas très bonnes si on peut le dire ainsi. Mon environnement ressemblait à ça dans ma jeunesse. Mais, en gros, le foot m’a toujours gardé dans le droit chemin », a décrit celui qui n’avait que trois ans lorsque son père est décédé.

À partir de 13 ans, le football est apparu dans sa vie sans le sauver des ennuis instantanément.

« J’ai commencé à comprendre que le foot pourrait me sortir de cette situation-là et d’où je venais. Mais ça m’a pris des années avant de réaliser la chance que j’avais par contre », a-t-il précisé.

Devant composer avec beaucoup de difficultés à l’école, Duclervil a eu besoin de plus de temps pour obtenir son diplôme du secondaire. Par conséquent, et même si c’était difficile à encaisser, son parcours au football allait rencontrer des embûches puisqu’il ne pouvait accéder à l’université en cliquant des doigts ou en se démarquant sur le terrain.

« La réalité, au Canada, c’est que si tu veux jouer au foot, tu dois aller à l’université », a-t-il constaté concrètement.

« Même si j’étais bon, quand une université venait me parler, j’envoyais mon relevé de notes et on me répondait qu’on ne pouvait pas m’aider... », s’est rappelé Duclervil.

Garlins DuclervilUn entraîneur a trouvé la solution en lui proposant de se déplacer au Québec pour étudier au CÉGEP. Après une année à Lennoxville, il a été en mesure de se joindre aux Carabins qui étaient alors dirigé par Marc Santerre qui fut d’une grande aide pour lui.

Duclervil avait accédé à un milieu offrant de meilleures possibilités, mais il aura fallu un électrochoc pour qu’il se réveille.

« D’où je viens, peu de personnes ont un diplôme secondaire ou sont allés à l’université. Juste de dire que j’allais à l’université, pour eux, c’était wow! Mais je n’étais pas capable d’avoir conscience que ça pouvait me mener à quelque chose », a admis Duclervil.

« J’ai perdu mon frère en 2009, il a été assassiné par balles. Ça m’a vraiment ouvert les yeux et j’ai commencé à me demander ce que je voulais vraiment dans la vie. J’ai aussi eu beaucoup de support à l’Université de Montréal à commencer par Virginie (Allard-Caméus, la conseillère académique) », a-t-il enchaîné.

Duclervil venait de trouver sa voie : devenir intervenant pour les jeunes. Un but qu’il a atteint puisqu’il travaille désormais comme agent d’accompagnement au CJE (Carrefour Jeunesse-Emploi) Montréal-Nord.

« Un des plus cadeaux que j’ai reçus, c’était il y a trois ou quatre ans quand Garlins m’a appelé pour me dire qu’il avait une offre d’emploi à préparer, il était en train d’embaucher des intervenants. Tsé, c’était Oh my god! Toutes ces heures de travail avec lui et il est rendu là, wow ! », s’est exclamé Allard-Caméus qui joue un rôle précieux depuis plus de 15 ans.

Un guide au sein de l'équipe

L’histoire est déjà fascinante, mais elle ne s’arrête pas là. Duclervil fait partie du personnel d’entraîneurs des Carabins et il sert désormais de guide auprès des joueurs quand Allard-Caméus sent qu’un coup de pouce serait utile.

« Ça arrive souvent quand je vois qu’un étudiant éprouve des difficultés ou que ça prend un contact différent. Comme conseillère académique, je n’ai pas toujours l’ascendant sur eux. Mais c’est différent quand un entraîneur lui dit ‘Je suis passé par là aussi et regarde ce qui est arrivé, je t’encourage, on va t’aider », a confié Allard-Caméus en parlant de lui comme une « belle personne ».

Duclervil, qui est âgé de 34 ans, est heureux de redonner de cette manière surtout que lien s’établit assez facilement.Garlins Duclervil

« Je ne partage pas mon histoire à tout le monde, mais, avec mon vécu, ça fait que les jeunes me voient un peu dans leur situation. J’étais là il y a 10 ans, c’était moi ce jeune qui n’en profitait pas. Ça me fait toujours plaisir d’essayer d’aider des jeunes à ne pas faire les mêmes erreurs que moi », a convenu Duclervil qui est papa de garçons de neuf et trois ans.

En plus d’épauler des jeunes membres des Carabins, Duclervil est devenu une ressource de confiance à son emploi. Il travaille concrètement à aider des jeunes qui se sont éloignés du marché du travail ou de l’école. Il bâtit des plans concrets d’action pour améliorer leur situation et résoudre les problèmes qui se dresseraient devant eux.

« Parfois, ça peut être un travail un peu ingrat parce que ça ne fonctionne pas toujours. Mais on sème une graine qui peut rapporter dans deux ou trois ans quand la personne est plus prête pour la prochaine étape. Il y a des jeunes qui sortent de prison et ils vont penser à moi tout de suite pour que je les aide à se relancer. Ça veut dire que j’ai créé un lien avec eux. Dans la vie de tous les jours, c’est le plus gratifiant à mes yeux », a exposé Duclervil en visant juste.

Duclervil a souhaité accéder à la Ligue canadienne de football au fil de son parcours sur le terrain. Aujourd’hui, sa famille est fière de lui pour des motifs encore plus nobles.  

« C’est sûr que ma mère est vraiment fière, elle en parle tout le temps et ma sœur aussi. Je ne le réalise pas toujours, mais je ne pense pas qu’ils auraient pensé ça quand j’avais 16-17 ans avec le cheminement que j’avais à ce moment », a conclu Duclervil.