MONTRÉAL – 63-0, 57-18 et 64-5. Voici les pointages par lesquels le Rouge et Or a vaincu les Carabins lors des trois premières confrontations entre les deux équipes lors du retour du programme de football de l’Université de Montréal dans la division du Québec.

L’Université Laval était déjà à cette époque la puissante machine qui a fait la pluie et le beau temps au football universitaire canadien. Malgré tout, dès 2002, on sentait la rivalité naître petit à petit.

« Au début ce n’était pas la même réalité. Je me souviens du premier match à Montréal. Même à 63-0, on savait déjà qu’il y avait une rivalité qui s’installait parce que c’était la deuxième université francophone qui obtenait un programme de football », se remémorait Matthieu Proulx, demi défensif du Rouge et Or de 2001 à 2004.

Le Rouge et Or en territoire hostile

Mais cette rivalité, semblait-elle être saine à ses débuts?

« Absolument pas!, a lancé le premier entraîneur-chef du programme des Carabins, Jacques Dussault. Ce n’est pas la faute des joueurs. On venait juste d’annoncer qu’on était au monde et ça commençait déjà à parler des Nordiques et du Canadien. C’est comme s’il y avait des gens qui attendaient la continuité de celle-ci. Une rivalité (CH-Nordiques) où il y en a certains qui ont perdu les pédales d’aplomb. Pas sûr que c’est ce qu’on voulait véhiculer au niveau universitaire. »

« Certaines personnes chez les médias et chez les spectateurs n’ont pas été capables de comprendre que c’était des universitaires qui jouaient au football. Que ça faisait partie de leur cheminement vers un travail après leur carrière. C’était tout mêlé et tout croche. C’était couvert comme des matchs professionnels. C’était regrettable un petit peu », se souvenait celui qui a été le pilote des Bleus de 2002 à 2005 lors d’un entretien téléphonique avec le RDS.ca.

C’est en 2004 que cette rivalité a vraiment commencé à se faire sentir aux deux bouts de la 40. D’abord au PEPS, au mois de septembre, puis au CEPSUM, à la Coupe Dunsmore, en novembre.

Lors de la troisième semaine d’activités du calendrier régulier, les Bleus ont surpris les champions en titre de la Coupe Vanier, sur leur propre pelouse, à Québec. Une courte victoire par la marque de 14-13 qui allait sonner le début d’une longue rivalité qui vivra un autre chapitre samedi lors de la présentation de la finale québécoise entre les deux programmes. D’ailleurs, les Bleus accueilleront ce match pour la première fois depuis 2004.

« Le match où on les a battus à Québec, c’est défensivement qu’on a tenu le coup, a raconté Jacques Dussault qui essuyait bien des huées dans la Vieille Capitale. Ils progressaient pas mal sur le terrain, mais quand ils arrivaient à l’intérieur de notre territoire, on trouvait une façon de les arrêter. On a fait deux gros jeux pour marquer des points. »

« Le premier touché, c’était sur un tracé en coin qui a mené à un jeu de 55 verges d’Olivier Pellerin. L’autre, c’était sur un retour de dégagement d’Yves Bériault qui était extrêmement rapide. C’était deux gros jeux. C’était ça l’histoire du match », a décrit Proulx qui n’était pas en uniforme lors de cette rencontre en raison d’une blessure.

Cette partie est devenue historique puisque le Rouge et Or a gagné les 70 prochaines rencontres au PEPS. Évidemment, il fallait que ce soit les Carabins, lors de la finale québécoise de 2014, qui viennent mettre un terme à cette séquence de plus de 10 ans qui ne sera jamais égalée.

La revanche du Rouge et Or au CEPSUM

Les hommes de Jacques Dussault ont gagné les cinq matchs suivants en 2004 pour terminer le calendrier régulier avec une fiche parfaite de 8-0. Ils ont ensuite vaincu les Redmen en demi-finale québécoise pour savourer le premier gain en éliminatoires de l’histoire du programme. Le Rouge et Or a éliminé les Stingers pour mettre la table pour une première Coupe Dunsmore au CEPSUM.

Matthieu Proulx« On se souvient qu’ils s’étaient fait confectionner des chapeaux où il était imprimé "8-0". C’est le genre de choses dont tu te nourris pour te motiver. C’est sûr que quand tu es dans la rivalité, tu les détestes. C’est vraiment viscéral. Tu t’entraînes en pensant à battre cette équipe-là », a affirmé Proulx qui en était à sa dernière saison universitaire en 2004.

Les Carabins et le Rouge et Or défrayaient les manchettes de tous les médias de Montréal et de Québec durant les jours précédant ce choc qui allait propulser l’une des deux équipes dans le carré d’as canadien.

Habité par un esprit de vengeance, le Rouge et Or a finalement montré sa supériorité en l’emportant au compte de 30-12 en interceptant notamment le quart-arrière des Bleus Jonathan Jodoin à quatre reprises en première demie.

« Pour nous, c’était une grande fierté, a indiqué Proulx qui avait réalisé l’une des interceptions face à Jodoin. Le match s’est soldé par une victoire assez convaincante. Leur jeu aérien n’avait rien fait. On l’avait anéanti. On disait : "attendez un peu, vous n’êtes pas encore là". »

« On n’avait pas l’expérience que ça prenait pour ce genre de match, a estimé Dussault. Nos vétérans étaient des joueurs de troisième année et non de cinquième. On n’avait pas la profondeur que la gang à Glen avait. On s’est accroché du mieux qu’on a pu. »

L’Université Laval a remporté ses deux matchs suivants pour soulever la troisième Coupe Vanier de son histoire et sa deuxième en autant de saisons. Un gain de 7-1 face aux Huskies de la Saskatchewan.

« Cette année-là, notre attaque n’était pas nécessairement dynamique, mais on avait une bonne unité défensive », a rappelé Proulx dont l’équipe a subi son seul revers de la saison face aux Carabins en saison régulière.

Jacques Dussault retient de bons souvenirs de l’année 2004 bien qu’elle se soit terminée par un revers au CEPSUM.

Jacques Dussault« Le fait d’avoir la possibilité de jouer la Coupe Dunsmore à la maison après seulement trois années d’existence, je pense que les jeunes étaient contents et fiers et ils avaient raison de l’être. Trois ans, ce n’est pas beaucoup d’années pour mettre un programme sur pied », a fait valoir celui qui a dirigé à tellement de niveaux au Québec.

Presque 12 ans jour pour jour, les deux hommes suivront attentivement le déroulement de la Coupe Dunsmore samedi. Dussault sera même dans l’assistance au CEPSUM.

Ces deux bonnes têtes de football reconnaissent que la rivalité entre les Carabins et le Rouge et Or est aujourd’hui parmi les meilleures au Canada.

« Ce sont des matchs épiques chaque fois que ces deux équipes se rencontrent. C’est le fun regarder ces parties. Je pense que quand tu demandes aux joueurs, ils aimeraient s’affronter huit fois par année parce que c’est la meilleure compétition. Je n’enlève rien aux autres programmes », a estimé Proulx voue un grand respect pour le programme de l’Université de Montréal et son entraîneur-chef Danny Maciocia.

Évidemment, inutile de leur demander quel camp ils encourageront.

« C’est sûr que quand Montréal et Laval s’affrontent, il n’y a pas une once de moi qui veut que Montréal gagne. Mais je veux un bon match et je sais que je vais en avoir un », a souligné Proulx qui a connu une belle carrière dans la LCF avec les Alouettes. 

« Ça va faire drôle d’être sur les lignes de côté. Il y a des gens que je connais fort bien des deux côtés. Mais c’est sûr que tout le monde comprend que je prends pour les Carabins », a mentionné celui qui est maintenant analyste des matchs des Alouettes à la radio.

Les deux hommes étaient des acteurs très impliqués lors de la toute première confrontation entre le Rouge et Or et les Carabins, le 21 septembre 2002. Samedi, il s’agira du 35e affrontement entre les deux puissances québécoises. Les Lavallois ont jusqu’ici eu l’avantage à 24 reprises contre seulement 10 pour les Carabins qui ont toutefois remporté les deux dernières Coupes Dunsmore.