MONTRÉAL - Les équipes sportives masculines de l'Université McGill ne s'appelleront plus les « Redmen ».

La principale et vice-chancelière, Suzanne Fortier, a expliqué vendredi dans une note à la communauté universitaire que l'appellation « Redmen » avait provoqué des sentiments de douleur et d'exclusion chez les étudiants autochtones, surtout les athlètes autochtones de McGill.

Le nom « Redmen », écrit à l'origine « Red Men », remonte aux années 1920. L'université soutenait qu'il s'agissait d'un hommage aux maillots rouges de l'équipe, et peut-être d'un clin d'oeil aux origines celtiques du fondateur de l'institution montréalaise, James McGill.

Mais bien que le nom n'ait pas été à l'origine adopté comme une référence aux peuples autochtones, une telle association est apparue, par glissement de sens, dans les années 1950; les membres des équipes masculines et féminines étaient surnommés alors les « Indiens » et les « Squaws ». Certaines équipes ont même poussé la logique jusqu'à adopter un logo représentant un Autochtone portant la coiffe traditionnelle.

« De nos jours, "Redmen" est largement reconnu comme un terme offensant pour désigner les peuples autochtones, comme en font foi les principaux dictionnaires de langue anglaise », explique Mme Fortier, qui se penche sur ce délicat dossier depuis janvier. « Aucune langue, ni d'ailleurs son interprétation, n'est figée dans le temps. La langue évolue au même rythme que le monde. »

La principale conclut donc que « Redmen » n'est pas le nom que l'université choisirait aujourd'hui, « ni celui que devrait conserver McGill à l'aube de son troisième siècle d'existence ».

Groupe d'experts

L'université avait publié en décembre le rapport d'un groupe de travail qui révélait de profondes divisions entre les étudiants, actuels et anciens, qui défendent le nom presque centenaire et ceux qui le trouvent aujourd'hui offensant.

Un étudiant autochtone non identifié aurait déclaré au groupe de travail qu'il avait ressenti comme un « coup de poignard » la vue du maillot Redmen dans le gymnase et le fait d'être appelé « redman ». Une autre a soutenu qu'elle ne se sentait pas acceptée à McGill, « comme un fantôme ». De leur côté, d'anciens étudiants déclaraient éprouver un tel attachement à « Redmen » qu'ils ne feraient plus jamais de don à McGill et décourageraient leurs enfants de s'inscrire à cette université si le nom devait être abandonné.

« J'ai pu mesurer toute la douleur causée par le nom "Redmen", conclut aujourd'hui Mme Fortier. Des étudiants autochtones de McGill m'ont confié que ce nom leur procurait un sentiment d'exclusion. Ils se sentent méprisés et laissés pour compte. Ils vivent un conflit intérieur entre leur fierté légitime d'appartenir à un peuple autochtone et celle d'être des étudiants mcgillois. »

La principale a indiqué qu'un comité serait formé pour choisir un nouveau nom à temps pour la saison 2020-2021. Pour la saison actuelle, les équipes universitaires masculines s'appelleront tout simplement « McGill », a-t-elle déclaré. Les équipes féminines s'appellent déjà les « Martlet » (un oiseau).

Interrogée par les journalistes vendredi matin, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, n'a pas voulu s'immiscer dans le débat. « L'université a pris sa décision, elle a pesé les pour et les contre, et puis on va aller dans le même sens que la décision de l'Université McGill, mais c'est leur choix », a-t-elle dit.